Trade de James Harden : analyse pour chacun des camps

Par Benjamin Gisse (@MagicBenJohnson)


Après une longue saga pleine de rebondissements à tous les étages vient le point final : James Harden est échangé dans un blockbuster trade mêlant 4 équipes et atterrit aux Brooklyn Nets, où il rejoint son ancien coéquipier Kevin Durant et Kyrie Irving. Un nouveau Big Three s’installe en ville.
Mais posons-nous quelques instants pour analyser ce trade…


Brooklyn Nets

Départs : Caris LeVert, Jarrett Allen, Taurean Waller-Prince, Rodions Kurucs, 3 picks de draft de 1er tour (2022, 2024, 2026), 4 picks de draft swaps (2021, 2023, 2025, 2027)
Arrivées :
James Harden
Note : B

B comme Brooklyn. B parce qu’on doit attendre et que ça reste un coup de poker.

D’un côté, on a la vision d’un mouvement vraiment fou. Récupérer James Harden sans lâcher Kyrie Irving ? Impensable il y a quelques semaines voire quelques jours si on écoutait les insiders.
La vision d’un Big Three Durant/Harden/Irving fait saliver certains fans et rager d’autres. Preuve irréfutable qu’un trade gigantesque vient d’être produit.

Mais concrètement, qu’est-ce qu’on sait de ce Big Three ?

La première question qui va être posée va être la suivante : pourront-ils cohabiter ? Un ballon pour 3 superstars comme eux, n’est-ce pas trop peu ?
Plusieurs éléments de réponse peuvent être apportés d’un point de vue moral, mais concentrons-nous sur les statistiques avec un tableau qui va résumer le propos :

Statistiques avancées du Big Three de Brooklyn sur les 5 dernières années

On peut constater un premier point qui mérite d’être soulevé, même si il est loin d’être surprenant : les trois adorent avoir le ballon en main. Avec un taux d’usage moyen de plus de 30%, Steve Nash risque de passer quelques nuits blanches à trouver une alchimie en termes de répartitions de possessions. Cependant, une approche plus globale va nous permettre d’introduire l’élément clé de cette équipe : Kevin Durant.

Qui a convaincu Kyrie de venir aux Nets ? Kevin.
Qui a convaincu Harden de venir pour se rappeler les bons moments du temps d’Oklahoma City ? Durant.
C’est le maître à bord, celui qui lie tout le reste, et plus important encore, le moins « égoïste » des 3.
Avec 52.4% de ses paniers issus d’une passe décisive lors des 5 dernières années, il dépasse de loin ces coéquipiers stars. De plus, seulement 14.1% de ses tirs depuis 2016-17 viennent de situations où « KD » a dribblé plus de 7 fois, contre 33.1% où il ne dribble pas du tout.
Il n’a pas peur de sacrifier des possessions pour le collectif, il sait ce qu’il faut faire pour gagner.

Plus létal, plus collectif, il est celui qui va lier Kyrie Irving et James Harden en leur donnant le ballon. Il est également celui qui a le plus d’expérience en termes de titres et de superteams, il sait gérer un effectif rempli de stars.
Problème d’égo ? Venant de lui, impossible, mais Nash et lui devront trouver rapidement un moyen de faire cohabiter Irving et Harden, c’est le défi numéro 1. Si Brooklyn réussit à devenir un rouleau compresseur, on ne devrait pas oublier de remercier Durant côté Nets.

Mais d’un autre côté, on affaiblit considérablement le banc avec la perte de LeVert, Allen, Waller-Prince et Kurucs.
Le duo Caris LeVert – Jarrett Allen constituait probablement l’un des meilleurs binômes remplaçants de la ligue alliant la justesse technique de LeVert et l’efficacité d’Allen.

Le pivot avait même réussi à détrôner DeAndre Jordan du 5 de départ au bout de quelques matchs. Et ce remplacement assez récent interroge… Coach Nash n’a pas apprécié l’impact de Jordan et a jugé nécessaire de le mettre sur le banc. Mais maintenant que Jarrett Allen est parti, quelles rotations vont être utilisées à l’intérieur ? L’arrivée de James Harden peut-elle décaler « KD » sur des minutes en temps de pivot ? Est-ce que DeAndre Jordan fera son retour dans le cinq de départ ?
Avec une rotation faible en qualité (DeAndre Jordan, Jeff Green, Reggie Perry, Nicolas Claxton), les Nets se retrouvent en mauvaise posture, là où Allen équilibrait l’équipe.

Le dernier point que l’on pourrait aborder est la perte des picks de draft. Condition sine qua non pour les Rockets, l’introduction de nombreux picks de draft fait parler, et rappellent de mauvais souvenirs côté Nets. Mais là encore, les avis peuvent être divisés en deux camps : si le projet fonctionne, même sans rookies, ils pourront toujours compléter l’effectif avec des joueurs expérimentés au salaire minimum en quête de titre, l’attractivité du Big Three s’occupera du reste. Si le projet échoue, le manque de picks pour renouveler l’effectif en termes de talent pourrait faire se faire sentir, et le trade d’une star du Big 3 serait un moyen d’en récupérer…

Tout repose dans les mains des Nets.

Houston Rockets

Départs : James Harden
Arrivées : Victor Oladipo, Dante Exum, Rodions Kurucs, 3 picks de draft de 1er tour provenant de Brooklyn (2022, 2024, 2026) , 1er tour de draft 2022 de Milwaukee (non protégé) et 4 picks de draft swaps avec Brooklyn (2021, 2023, 2025, 2027)
Note : A

On pourrait inventer un dicton : « Là où Russell Westbrook passe, reconstruction il y aura. ».
En tout cas, les Wizards seraient prévenus.
Il faut dire que les Rockets et le Thunder possèdent désormais à eux deux 34 picks de draft entre la draft 2021 et 2027. 34 picks. Quasiment 5 picks par draft. De la pure reconstruction !
Et quelque chose nous dit que les Rockets n’ont pas encore fini, notamment avec les envies de départ de P.J. Tucker…

En tout cas, félicitations aux Rockets pour s’être sorti de cette impasse avec James Harden. Certes, la perte est énorme, mais tout le monde savait que la situation ne pouvait plus durer.
Il est clair qu’on aurait pu avoir une meilleure contrepartie du côté de Houston en provenance des Nets, mais ils n’étaient clairement pas en position de force. Que ça soit avec Caris LeVert (envoyé à Houston dans un premier temps) ou avec Victor Oladipo, Houston est gagnant.
Avec 4 premiers tours de draft en plus dans les années à venir, ils braquent le stock de Brooklyn.

Évidemment, dans le pire des cas, Brooklyn bâtit une dynastie et les picks seront très bas, pas forcément dans l’intérêt des Rockets…
Mais imaginons un cas un peu plus mesuré. L’entente du Big Three et l’arrivée de James Harden ne convient pas, possiblement Houston se retrouvera avec des picks placés proches de la loterie, et potentiellement dans la loterie, sans forcément aller dans l’extrême avec le cas de Boston il y a quelques années. Trade up, valeur marchande, steals à la draft, ces multiples picks sont parfaits pour une reconstruction.

L’arrivée de Victor Oladipo reste parfaitement dans le thème : on prend un joueur avec une bonne valeur, dans un contrat finissant, on observera les offres à la trade deadline, et si jamais rien n’intéresse le front office, il libérera du cap à l’intersaison, toujours cette idée de reconstruction.
Mais l’idée d’avoir un cinq « revanchard envers la vie » avec John Wall, Victor Oladipo, Jae’Sean Tate, Christian Wood et DeMarcus Cousins peut donner un spectacle sympathique !

Concernant l’arrivée de Dante Exum et Rodions Kurucs, très difficile de les voir avoir un rôle à Houston, même si le premier, en cas de départ d’Eric Gordon par exemple, pourrait avoir une chance d’intégrer la rotation et de retrouver une gloire passée après des années de blessure…

Mais dans l’ensemble, un sentiment de soulagement et de tristesse s’empare de la Space City. On vient de perdre l’un des meilleurs joueurs de la franchise, mais la situation était devenue trop tendue, presque invivable et on ne peut pas reprocher à James Harden de ne pas avoir tout donné pour la ville de Houston.
Place maintenant à la reconstruction !

Cleveland Cavaliers

Départs : 1er tour de draft 2022 de Milwaukee (non protégé) et 2nd tour de draft 2024 de Cleveland
Arrivées : Jarrett Allen, Taurean Waller-Prince
Note : A+

Le casse de ce trade ? Si certains doutaient du départ d’Andre Drummond, ce mouvement risque d’achever leur espoir.
À quelques mois de la fin du contrat du pivot double All-Star, Cleveland vient d’acquérir Jarrett Allen en provenance des Nets. C’est un transfert terriblement intelligent, avec l’un des pivots les plus en vues de ces derniers mois. Meilleur que DeAndre Jordan à Brooklyn, il a commencé sur le banc avant de le surpasser. Coach Bickerstaff aura un choix à faire, et il ne serait pas étonnant de voir Allen titulaire d’ici quelques semaines.

Meilleur dans l’ensemble, doté d’excellentes mains, plus impactant, plus jeune, moins gourmand, Jarrett Allen possède le profil que les Cavaliers espéraient. Sa collaboration avec un meneur de jeu gestionnaire comme Darius Garland va poser d’énormes problèmes aux défenses adverses.
Problème ? Il arrive à la fin de son contrat rookie. Étant donné son rendement incroyable, un gros contrat l’attend. On parle actuellement d’une somme autour de 20 millions/saison. Cher ? Oui. Mais c’est 8 millions de moins que Drummond.

Alors le départ d’Andre Drummond se fera peut-être avant la fin de son contrat. On parle de Boston principalement, grâce à leur trade exception de 28.5 millions de dollars, en quête de renforcement à l’intérieur.

Le départ de Dante Exum est assez malin, étant donné qu’il n’a joué que 30 matchs sous les couleurs de Cleveland, sans vraiment convaincre et en prenant beaucoup de minutes au backcourt Sexton-Garland sans vraiment impacter le jeu. L’acquisition d’un vrai joueur de banc comme Taurean Waller-Prince (26 ans) ajoute une nouvelle dimension aux Cavs, surtout avec les pertes fréquences sur blessure de Kevin Love.

Mais le plus gros point pour les Cavaliers dans cet échange, c’est leur contrepartie, ridiculement faible. Ils envoient un second tour de draft et un 1er tour de draft de Milwaukee. Milwaukee ou l’équipe qui ne devrait pas descendre en dessous du 20ème pick avant un bon moment avec la signature sur long terme de Giannis Antetokounmpo.
Bien évidemment, ces picks pourraient donner un futur All-Star, mais la probabilité est très faible.

Vrai vrai coup de maître de la part des Cavaliers, en récupérant leur pivot du futur avec le futur départ d’Andre Drummond et un joueur de rotation expérimenté contre deux picks de draft sans grosse valeur.
Respect.

Indiana Pacers

Départs : Victor Oladipo
Arrivées : Caris LeVert, 2nd tour de draft 2024 de Cleveland
Note : B+

On pensait que Victor Oladipo et les Pacers étaient passés à autre chose depuis les nombreuses rumeurs qui l’envoyait à Miami lors de la dernière intersaison. Et bien… Pas totalement… Puisque Indiana sort, à l’instar de Cleveland, s’introduit dans ce trade avec l’idée de dénicher la bonne affaire…

C’est chose faite avec l’arrivée de Caris LeVert en provenance de Brooklyn, contre Victor Oladipo.
Considéré comme l’un des 6èmes hommes les plus forts, il va apporter à Indiana deux ingrédients forts : de la polyvalence et de la stabilité. Tout en se séparant d’Oladipo et de son contrat finissant, les Pacers récupèrent un homme en forme avec un contrat sur 2.5 saisons.

Certes, l’impact de Caris LeVert ne devrait pas être celui d’Oladipo à la « grande époque », mais ce temps est révolu, et malgré un regain d’énergie de la part de l’ex-franchise player des Pacers cette année, la séparation était inévitable, que ce soit par un trade ou lors de la Free Agency à venir.
Mais leur impact sur le jeu est plus ou moins équivalent :

On se souvient qu’il avait été drafté par les Pacers en 2016 avant d’être échangé dans le trade de Thaddeus Young quelques jours plus tard.
Aujourd’hui, on va sûrement imaginer un rôle de scoreur comme pouvait avoir T.J. Warren avant sa blessure au pied. Directement dans le 5 de départ ? En tant que sixième homme comme aux Nets ? Difficile de se projeter, mais l’absence de Warren et le départ d’Oladipo laisse un vide au niveau des titulaires que Nate Bjorkgren risque de combler avec LeVert.
Quand on voit les performances qu’il a su produire avec les absences de Kyrie et « KD » l’an passé et cette saison, on doute beaucoup moins de ce qu’il pourra apporter à un effectif déjà bien fourni !

L’association Brogdon/LeVert sur le backcourt des Pacers risque d’apporter un souffle nouveau à Indiana. En compilant à eux deux 13.5 passes par match sur ce début de saison, il s’impose théoriquement comme l’un des backcourts les plus prolifiques de la NBA, pouvant parfaitement alimenter un joueur comme Domantas Sabonis, notamment sur les phases de pick & roll. Cependant, un problème va se présenter : Caris LeVert sans ballon, c’est… très moyen !

Coach Bjorkgren devra donc satisfaire un duo carnivore (54.7 d’USG% combinés) tout en ayant en tête que l’efficacité de LeVert sans ballon est à prouver, tant elle est très mauvaise. Avec près de 60% de ses points marqués sur des drives cette année, Caris LeVert connait ses forces, mais devra s’adapter à un effectif plus collectif, moins bâti sur la performance individuelle.

Cependant, en réalisant ce bon coup, les Pacers se rapprochent de plus en plus de leurs espérances, et allié à leur bon début de saison, ils deviennent un peu plus sérieux dans la course aux contenders sur les prochaines années.


C’est probablement l’un des rares trades de ces dernières années où tous les camps s’en sortent bien : James Harden est parti former l’un des trios les plus attendus de l’histoire, cette histoire est enfin finie, la NBA va pouvoir se consacrer au sport en attendant, qui sait, un nouveau blockbuster trade à analyser (coucou Bradley)…

Sources : Sports Reference, The Athletic, ESPN, NBA.com, Spotrac, RealGM.

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