L’énigme Wembanyama

Numéro un de la draft NBA 2023, possible rookie de l’année, sauveur des Spurs, Victor Wembanyama est bien arrivé dans le championnat nord-américain de basketball. C’est un fait. Ce qui n’était pas prévue, en revanche, c’est qu’il progresse autant et s’affirme déjà comme l’un des meilleurs défenseurs de la ligue, tout en marquant plus de 20 points par rencontre en moyenne. On ne lui en demandait pas tant. Cela ne devait pas arriver. Le rookie vedette de San Antonio et joueur emblématique de l’Équipe de France en route pour les Jeux Olympiques déjoue tous les pronostics. Pourquoi?

Un physique unique

Dans l’espace aérien de la raquette, autour du cercle, en attaque comme en défense, les proportions uniques, la condition physique et le sens du placement de Victor Wembanyama réduisent inévitablement les espaces d’expression, les points de passage du ballon. Son envergure, sa rapidité, ses réflexes, rendent la vie impossible à toute la ligue. On pensait que les attaquants présentés comme les plus aguerris de la planète allaient s’adapter, trouver la faille, mettre à genoux le rookie censé découvrir ce niveau de compétition réputé relevé. Aucun joueur NBA n’a vocation à se faire contrer par le géant français. Ses performances ahurissantes en défense auraient dû se tasser au fil de la saison, quand les équipes rencontrent les Spurs pour la deuxième fois, la troisième fois. Et pourtant, contre toute attente, l’araignée continue à prendre dans sa toile autant de ballons que d’habitude, à un rythme haletant, totalement inattendu (3.4 contres par match, premier de la NBA, un contre de plus en moyenne que le deuxième au classement, Anthony Davis avec 2.4). En 65 matches, Wemby affiche un total de 223 contres, loin devant Chet Holmgren avec 175 unités en 73 rencontres, et 80 de plus que Rudy Gobert, #6 au classement avec 143 contres, soit une moyenne de 2.1 unités par match, retour à la normale pour le pivot français du Minnesota qui était tombé à 1.4 contres par match l’an dernier). Pour mémoire, lors de sa dernière campagne de Défenseur de l’année en NBA (DPOY), Rudy Gobert pointait à 2.7 contres par match, son plus haut rendement en carrière sur une saison (71 matches avec Utah en 2020-21, année où il fut également élu all-star pour la troisième année consécutive). Victor Wembanyama est largement au-dessus dès sa première saison NBA (+0.7 unités en moyenne et +33 au total en 65 matches – 223 vs 190). Wemby a déjà battu le record en carrière de Rudy Gobert en nombre total de contres sur une saison (214 en 81 matches lors de la saison 2016-17 avec Utah) avec 9 contres d’avance et encore 8 matches à jouer.

En progression constante

À chaque étape, Victor Wembanyama évite les pièges. Rookie wall? Pas de problème – aucune baisse de régime constatée. Fautes stupides et problèmes en défense? Jamais. Temps de jeu limité suite à une blessure? Rendement constant malgré tout. Wemby n’a rien d’un joueur européen, encore moins d’un grand gabarit classique, qui d’habitude ont du mal à s’adapter à la vitesse du championnat NBA et sont légers en défense. Dès son arrivée en NBA, le rookie des Spurs a allongé son impressionnante stature pour aller chercher les shoots extérieurs des stars comme Kyrie Irving et Kevin Durant, imposant son sens de la dissuasion sur l’ensemble du terrain. Il opère à la fois en hauteur et au sol, avec des déplacements rapides, vifs, il va aussi vite que le ballon, ce qui lui permet de couvrir chaque menace en contestant vraiment le tir, puis de se replacer dès que la balle bouge et de la suivre. Il est présent et réellement impliqué en défense, pas juste pour faire de la figuration. Et curieusement, au lieu de l’éviter et de renoncer à tenter de marquer sur lui, les joueurs NBA continuent de le défier et de se faire contrer. Au lieu de baisser, ses statistiques défensives augmentent au fil de la saison. Il continue à donc à progresser, à attraper les attaquants les plus talentueux de la planète, avec des matches à 7 contres de plus en plus fréquents (à Houston pour son 56ème match le 5 mars et en recevant Brooklyn, son 60ème le 17 mars). Sept contres !!! Pour mémoire, il avait déjà réalisé 8 contres face à Memphis lors de son 13ème match de la saison le 18 novembre 2023, ce n’était pas un hasard, ni un épiphénomène, comme on pouvait le penser à l’époque, c’est en train de devenir sa norme.


Des statistiques trompeuses?

Si Victor Wembanyama éclabousse le championnat nord-américain par son talent et se présente en tête des classements statistiques, il faut quand même rappeler qu’il a joué pendant deux mois sous cloche, avec un temps de jeu limité par le banc des Spurs, en guise de précaution médicale, et a même raté quelques matches (9 sur les 74 de son équipe pendant lesquels il n’a donc pas pu travailler comme il le souhaite), notamment les fameux back-to-back. Malgré ce handicap, le rookie des Spurs domine largement la ligue au classement des contres aussi bien en moyenne qu’en total. Et dès lors qu’il passe les 30 minutes et les 20 shoots dans un match, c’est un tout autre joueur. Le 17 mars, dans la victoire contre Brooklyn (122-115), Wemby a marqué 33 points en 36 minutes (14/26 aux shoots, dont 1/7 à trois points, 15 rebonds, 7 passes décisives et 7 contres pour une seule faute). Le 29 mars, dans la victoire contre New York (130-126), le rookie a marqué 40 points en presque 38 minutes (13/22 aux shoots dont 4/9 à trois points, 20 rebonds, 7 passes décisives et 2 interceptions). Et dans l’intervalle, dans une courte défaite contre Memphis (97-99), il a marqué 31 points en 33 minutes, avec une réussite en berne (11/24) et une certaine boulimie à trois points (3/12 seulement), un petit 6/10 aux lancers-francs et 7 balles perdues, avec bien entendu du positif (16 rebonds, 5 passes décisives, 3 contres et deux interceptions). Victor Wembanyama démontre à chaque sortie que son potentiel est illimité au sens strict du terme. Il explose dans tous les sens, en attaque comme en défense, défiant toute logique ou mesure. Le spectacle ne fait que commencer.

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