Toni Kukoc, bien plus qu’un sixième homme

Selon votre âge, selon votre culture basket, vous connaissez Toni Kukoc de deux façons différentes: superstar ou 6ème homme. Une chose est sûre, si vous niez son talent, c’est que vous ne le connaissez pas du tout !

Toni Kukoc et la potion magique Yougoslave

Né en 1968 en Croatie, encore Yougoslavie à l’époque, on dit de Toni qu’il ne s’est consacré au basket qu’à l’âge de 14 ans. Passez le message à vos enfants, il n’est jamais trop tard… mais il faut quand même avoir une bonne dose de talent !

En effet, Mr est international U16 avec la Yougoslavie, pas mal pour un début ! Champion d’Europe U16 en 1985 et junior en 1986. En 1987, champion du monde junior ! Après avoir battu les USA Toni est élu MOP (Most Outstanding Player) avec notamment 37 points à 11/12 à 3 points en match de qualification contre les Etats Unis!

Pour les titres on peut aussi remercier ses coéquipiers, cette génération dorée qui a vu jouer avec lui des Vlade Divac ou encore Dino Radja. Cette sélection junior qui avait réussi à battre leur propre sélection nationale en amical ! Si à cette fournée de jeunes talents, vous ajoutez entre autres un Drazen Petrovic, vous comprenez que la Yougoslavie arrive en finale des JO de Séoul en 1988!

Cela ne suffit pas à battre l’URSS d’Arvydas Sabonis, mais la machine est bel et bien lancée !! Euro 1989, gagné. Goodwill Games 1990, victoire sans Petrovic ni Divac contre une équipe NCAA. Mondial 1990, gagné. Euro 1991, gagné.

Au fait, Toni Kukoc est élu MVP du mondial et de l’Euro, rien que ça !

L’Euro 1991 sera la dernière compétition internationale de la Yougoslavie. Dans un contexte tendu, Jurij Zdovc se voit interdit par la Slovénie (fortement déconseillé…) de participer à l’euro. Puis ce sera la guerre…

En 1992 se déroule la première compétition internationale de la Croatie. Et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit des JO de Barcelone, avec la Dream Team américaine, première équipe NBA envoyée en compétition internationale.

Les deux équipes se rencontrent en poule, et ce sera un cauchemar pour Kukoc! Sous la défense acharnée de Scottie Pippen, Toni termine à 2/11 au shoot et 7 ballons perdus ! On comprendra un peu mieux par la suite pourquoi Pippen a mis tant de hargne à défendre sur son adversaire du jour…

Rebelote en finale, USA vs Croatie. La bande à MJ laisse les croates à 32 points derrière, leur plus petite victoire du tournoi! Avec 16 points, 5 rebonds et 9 passes, et malgré l’aide de Radja et Petrovic, la Dream Team fait le taf, et efface l’affront des JO de 1988.

Split, pays du basket, centre de l’Europe

Génération dorée, équipe de légendes, qu’était Toni Kukoc sans tous ces joueurs de talent? Et bien pareil, palmarès, performances individuelles, il a tout gagné !

Cet ailier (aussi meneur, arrière, même ailier fort), du haut de ses 2,08m et pas beaucoup de kilos à l’époque a régné sur l’Europe avec le Jugoplastika Split.

Entrainé par Bozidar Maljkovic, Split atteint le Final Four en 1989 en compagnie de Barcelone, du Maccabi Tel Aviv et de l’Aris Salonique de Nikos Galis, rien que ça ! Champion d’Europe des Nations la même année, Toni finit aussi champion d’Europe en club avec 18 points en finale contre le Maccabi!

En 1990, avant de devenir champion du monde avec son pays, et MVP du mondial, il est allé chercher une nouvelle euroligue avec Split. Au passage il est élu MVP du Final Four, tout en débutant la finale contre le Barça sur le banc!

Note à ceux que le palmarès de Toni Kukoc a déjà laissés sans voix: en 1990 il n’avait encore que 22 ans ! On continue?

Passons à 1991. Beaucoup de départs à Split, ce qui n’empêche pas Toni de mener son club de nouveau au Final Four. Et une nouvelle victoire, un Three-peat (déjà) et une finale encore remportée contre Barcelone, équipe entrainée par… Bozidar Maljkovic.

Après avoir rempli la salle des trophées de son club formateur, il est l’heure d’aller voir ailleurs, au cas où il resterait quelquechose à croquer. C’est à Trévise que le challenge le mène, 400 bornes à vol d’oiseau, le gaucher phénomène ne s’éloigne pas trop du nid!

La collection s’agrandit en Italie, par un titre de champion en 1992 pour sa première saison, et une coupe d’Italie la saison suivante.

Le terrain de jeu préféré de Toni, c’est l’euroligue. Et comme Toni a offert le premier titre de champion de l’histoire du club l’année précédente, Trévise a droit à l’euroligue 92/93. Et qui dit Kukoc en euroligue, dit Final Four !

Le club italien joue la finale contre le CSP Limoges entrainé par… Bozidar Maljkovic. Au terme d’un match serré, Limoges arrache le 1er titre européen du sport français, grâce à une interception du regretté Fred Forte sur le roi Toni. Malgré tout, il finira MVP du Final Four de l’Euroligue 1993.

Limoges vs Trévise, finale 1993

Le Roi d’Europe en campagne en NBA

Toni Kukoc fait partie des pionniers européens en NBA. Drafté par les Chicago Bulls en 1990 (29ème choix), il ne vient pas tout de suite. La situation dans son pays n’y est pas pour rien, il ne souhaite en effet pas laisser ses proches pour partir si loin. Mais aussi, ce qui a pesé dans son choix, c’est la situation de son compère Drazen Petrovic. Autre superstar croate, génie européen, il cire pourtant le banc en NBA ! Et Toni ne voit pas l’intérêt de traverser l’Atlantique pour y recevoir si peu de considération.

Et en réalité, il n’est pas très désiré aux Bulls, en tous cas pas par ses coéquipiers. Le GM Jerry Krause est fan, mais le Big Boss MJ ne voit pas l’intérêt de recruter Kukoc. Quant à Scottie Pippen, sa prolongation de contrat est bloquée par les négociations avec le croate! On comprend mieux le traitement qu’il lui fera subir aux JO de Barcelone!

Quand Toni débarque à Chicago en 1993 à 25 ans, Jordan a pris sa première retraite. Mauvaise nouvelle pour les Bulls, mais ça permet à Kukoc d’avoir moins de pression à son arrivée dans la grande ligue. Et il s’en sort pas mal pour sa première saison. Physiquement, il prend du poids, nécessaire dans son cas pour affronter le défi physique américain. Dans le jeu, il finit avec 10,9 points de moyenne, 4 rebonds et 3,4 assists. Loin de ses récompenses habituelles en Europe, il est tout de même choisi dans la All Rookie Second Team.

Lors de la saison 1994/1995, TK intègre le 5 majeur, et ça se ressent dans ses stats. Il s’améliore à tous les niveaux, 15,7 points pour 5,4 rebonds et 4,6 passes! Mais l’évènement de l’année, c’est le retour du roi, Michael Jordan reprend du service en mars 1995, et ça va changer beaucoup de choses pour les saisons à venir…

En plus de MJ, la saison suivante est celle de l’arrivée de Dennis Rodman. Kukoc est de retour sur le banc, mais joue tout de même 26 minutes par match et sort des stats très correctes, 13,1 points (3ème scoreur des Bulls), 4 rebonds et 3,5 passes. C’est surtout pour lui le retour des titres: champion NBA et meilleur 6ème homme de la saison.

La saison 96/97 est un copier/coller de la précédente. A peu de choses près, même temps de jeu, mêmes statistiques, et un titre de champion à la fin. Pour Toni, ce sera aussi la saison des premières blessures qui le limiteront à ne jouer que 57 matchs.

La saison suivante c’est au tour de Scottie Pippen de se blesser, et de rater 35 matchs. Kukoc revient dans le 5 (52 fois sur 74 matchs joués et 17 fois sur 21 en playoffs) et participe au 3ème titre d’affilée des Bulls avec 13,1 points pour 3,9 rebonds et 2,9 passes par match.

Après ce second Three-peat, on assiste cette fois aux adieux définitifs de Jordan (pour les Bulls en tous cas). Rodman quitte le club, Pippen également et Chicago est triste en cette saison de lock out. Mais Kukoc assume son rôle de nouveau leader, après tout c’est ce qu’il est, un leader qui a su se fondre dans un collectif pour gagner des titres. Meilleur marqueur des Bulls en 1999 avec 18,8 points de moyenne, il ajoute 7 rebonds et 5,3 passes.

A l’aube de la saison 1999/2000, Chicago choisit Elton Brand en n° 1 de la draft. Kukoc débute la saison avec les Bulls, puis fait partie en février d’un échange qui l’envoie aux Sixers. A Philadelphie il tourne à environ 12 points par match en sortie de banc, et sort encore quelques perfs comme ce match où il plante 23 points et 4 interceptions en 22 minutes.

Au cours de la saison suivante il est envoyé aux Hawks dans un échange incluant Dikembe Mutombo. A Atlanta il devient vite le leader avec 19,7 points, 5,7 rebonds et 6,2 passes, toujours aussi complet à bientôt 33 ans et malgré les blessures.

En 2001/2002 Toni est de nouveau trahi par son corps, ratant un quart de la saison, et plafonnant à 9,9 points de moyenne le reste de la saison.

Sa fin de carrière est plus calme. Il arrive aux Bucks en 2002 à 34 ans et y restera les quatre dernières saisons de sa longue et belle carrière. Il n’aurait pas dit non pour une ou deux saisons de plus, mais il ne voulait jouer qu’aux Bucks ou aux Bulls, et aucune de ces franchises n’a souhaité lui offrir un nouveau contrat.

En guise de conclusion et de cerise sur le gâteau, multi récompensé lors de sa carrière en équipe nationale, dans les ligues européennes et en NBA, Toni Kukoc est-il légitime pour recevoir son ultime récompense avec son entrée au Hall Of Fame?

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