Les « Bad Busts » de Detroit

Rédigé par Guillaume GABORIT, Illustration by @romain_sk_97

Une intersaison intrigante, des choix de draft plus ou moins réussis et des recrues en quête de rédemption. Avec la récente acquisition de l’ex-Knick Dennis Smith Jr, Troy Weaver obtient là son 3e joueur étiqueté « loterry bust ». Focus sur trois jeunes au parcours chaotiques que coach Casey tentera de relancer.


« Ce n’est pas une reconstruction, mais une restauration. »

Troy Weaver, GM des Pistons

Voici ce qu’avait annoncé le GM de la franchise avant le début de la saison. Mais personne n’est dupe, on devine tous que Detroit va faire son maximum pour remporter un minimum de matchs cette saison afin de conserver son choix de draft 2021 que possède Houston (protégé top-16). Avec près de 88M$ dépensés dans le secteur intérieur, trois choix de draft récupérés en novembre dernier, ainsi que les départs de Christian Wood et de Bruce Brown, l’ancien employé du Thunder s’est efforcé de rester dans les clous, c’est à dire, ressembler à la pire franchise à l’Est.

Maintenant que le plus dur est fait, il serait judicieux de tenter le coup avec des joueurs dont la côte est au plus bas afin de les revaloriser et pourquoi pas, trouver de nouveaux acquéreurs en échange de picks. Car si Detroit est en position pour les meilleurs choix pour les prochaines années à venir, la franchise ne possède, en revanche, aucun choix supplémentaire au premier tour comme c’est le cas par exemple à Oklahoma City et à New Orleans.

Avec les arrivées de Josh Jackson (4e choix en 2017), de Jahlil Okafor (3e choix en 2015) et tout récemment de Dennis Smith Jr. (9e choix en 2017), Troy Weaver souhaite faire d’une pierre deux coups en n’améliorant pas le pourcentage de victoires en saison régulière tout en se donnant la chance de relancer la carrière de ces trois « busts » pour éventuellement , récupérer des choix de draft en retour.


Josh Jackson: Le repenti

Après une seule saison à Kansas, l’ancienne recrue N°1 du pays est donc drafté en 4e position en 2017 par Phoenix. L’ailier a séduit le front office des Suns de part sa taille, son envergure, ses qualités athlétiques, son sens du rebond, et son potentiel en défense. Après deux sélections hasardeuses en 2016 (Bender en 4e, Chriss en 8e), les dirigeants semblent bien sûrs d’eux. Le GM de l’époque, Ryan McDonough a d’ailleurs refusé de lâcher le rookie pour éventuellement récupérer Kyrie Irving lors de l’été 2017. Personne au sein de la franchise n’imaginait ce qui allait se passer ensuite…

Après avoir débuté les trois premières rencontres de la saison au poste 4, Jackson commence déjà par recevoir une amende de 35 000$ pour des gestes déplacés envers des fans des Clippers. Balader sur les postes 2 à 4, en tant que défenseur ou bien scoreur (36pts lors d’une défaite contre les Warriors en fin de saison), la saison du rookie fut loin d’être constante mais elle se termina sur une bonne note avec une place dans la 2nd All-Rookie Team. Incapable de confirmer les espoirs placés en lui lors de sa saison sophomore, les ennuis se sont par la suite bousculés…

Et c’est parti ! Après avoir séché une séance dédicace avec les fans en mars 2019 (20 000$ d’amende), il se fait ensuite arrêter en Floride lors d’un festival car ce dernier forçait le passage pour rentrer dans un carré VIP ! Menotté, il tenta de s’échapper, en vain… Et puis en juin une nouvelle affaire tombe sur le jeune joueur avec cette sombre histoire d’avoir accidentellement « shooté » sa fille de 4 ans au cannabis. Phoenix ne perd pas de temps et le trade en juillet à Memphis. Dans cet échange, les Suns ne récupèrent « que » un vétéran candidat au buy out (Kyle Korver) et un rookie (Jevon Carter). Dans l’affaire, les Suns ont également dû lâcher De’Anthony Melton et un 2nd tour de draft.

S’il s’est assagi à Memphis, il jouera en revanche plus de matchs en G-League que sous le maillot des Grizzlies (26 contre 22). Si les chiffres sont bons en ligue mineure (20.3pts, 7.5rds, 4.3pds), Jackson n’est jamais réellement rentré dans les plans de Taylor Jenkins et sa jeune équipe drivée par le rookie Ja Morant. Non reconduit par Memphis, l’ailier se retrouve sur le marché des Free Agents, et c’est donc Detroit qui tente le coup avec un contrat sur 2 ans et 9,7M$. Signe de la confiance accordée par le GM Troy Weaver, ces deux années de salaire sont garanties.

Finalement, cette saison semble être la bonne pour l’ancien paria. Seulement deux matchs manqués, et un rôle de 6e homme qui semble lui convenir. Le staff des Pistons peut notamment apprécier ses qualités de socreurs (27pts vs Atlanta, 28pts vs LA Lakers, 25pts vs Pelicans), mais son apport en défense est également souligné par le coach Dwane Casey.

« Ce qui était super ce soir au-delà de l’attaque, c’est sa défense, ce qu’il a fait et les qualités qu’il a défensivement. »

Dwane Casey après les 27 points de Jackson contre les Hawks

L’ailier de 24 ans paraît plus impliqué en défense comme l’indique sa moyenne de contre par match: 0.9 (meilleure moyenne personnelle). 25 minutes de temps de jeu, déjà cinq matchs au dessus des 20 points, et une moyenne de 13.5pts par rencontre, Jackson profite clairement de cette nouvelle chance, et son coach ne manque pas de souligner son talent :

« C’est un diamant brut que vous ne trouvez pas souvent à développer dans votre programme. Jusque là il est un modèle, un citoyen modèle, il fait tout ce que nous lui demandons et je suis vraiment fier de Josh et de la façon dont il approche les choses. »

Dwane Casey

Dennis « Dynamite » Smith Jr.

Encore un joueur en provenance de la cuvée 2017. Choisi en 9e position par les Mavericks, le jeune « DSJ » est réputé pour avoir un faible pour les dunks bien violents dans la raquette à la façon d’un Russell Westbrook. Du spectacle ? Du basket à l’instinct ? Pourquoi pas, pour redonner un peu de vie à cette équipe de Dallas coachée sans originalité par Rick Carlisle et avec un Dirk Nowitzki sur une jambe. Sa saison rookie est plus que convenable avec 15.2pts de moyenne en moins de 30 minutes de temps de jeu, et une honorable place dans la 2nd All-Rookie Team. En décembre 2017, il obtient son tout premier triple double en carrière à 20 ans contre les Pelicans (21-10-10) faisant de lui l’un des plus jeunes joueurs de l’histoire à réaliser une telle performance.

Oui mais voilà, les résultats collectifs EUX ne sont pas au rendez-vous et Dallas se retrouve donc à choisir en 5e position lors de la Draft 2018. On ne reviendra pas sur cet échange qui a bouleversé à jamais l’héritage de la ligue, mais Mark Cuban récupère un jeune prodige en provenance du Real Madrid : Luka Doncic. Et l’arrivée du slovène a complètement modifié la trajectoire de l’aventure de DSJ dans le Texas. Tout d’abord, des problèmes de compatibilité entre Doncic et Smith sont relevés, puis des rumeurs d’un DSJ mécontent concernant son utilisation font surfaces. La tension qui règne avec coach Carlisle ne surprend personne, et en peu de temps, le lien est rompu ! Toute la ville est sous le charme de Doncic, tandis que le meneur sophomore boude. Ce dernier ne finira pas l’hiver dans le Texas puisqu’il sera envoyé à New York en compagnie de DeAndre Jordan, Wesley Matthews, deux futurs choix au premier tour, en échange de Kristaps Porzingis, Tim Hardaway Jr, Courtney Lee et de Trey Burke.

Si DSJ avait de grands espoirs pour son aventure new-yorkaise, il était loin d’imaginer qu’il ne participerait qu’à 53 matchs en trois saisons, et qu’il se battrait pour le poste de meneur avec Emmanuel Mudiay, son collègue de promotion Frank Ntilikina et Elfrid Payton. Il a même été assigné, sans pour autant y avoir joué, en G-League avec les Knicks de Westchester. Même s’il faut avouer que l’environnement des Knicks n’est pas le plus stable pour s’épanouir (trois coachs en trois saisons), DSJ n’a pas réussi à convaincre et n’a pris part qu’à trois petits matchs cette saison !

Enfin tradé à Detroit en février dernier en échange de Derrick Rose, l’arrière a retrouvé le sourire et l’envie de jouer libéré en attaque ! Qui sait ? Peut-il s’inspirer du jeu déroutant et imprévisible de Russell Westbrook ?

Après dix rencontres et cinq en tant que titulaire (7.8pts, 3.3pds), DSJ semble avoir repris des couleurs en attaque et retrouve les responsabilités qui lui étaient incombées lors de sa saison rookie. Et son triple double contre les Raptors est plus qu’un signe encourageant pour la suite (10-12-11). Si tout n’est pas encore parfait, il se remet petit à petit en jambe dans une équipe qui a pour objectif Cade Cunningham la restauration de la franchise. Et plus important, il semble qu’il ait enfin le coach adapté pour lui :

“ C’est un peu plus compliqué d’intégrer des gars à une jeune équipe, mais j’adore ça. J’aime coacher des gars comme ça, relever ce défi d’un point de vue du coaching, de l’enseignement, pour les façonner et prouver au reste de la ligue qu’ils avaient tort.”

Dwane Casey

Jahlil Okafor, Bust in Process

Recrue N°1 du pays à sa sortie du lycée en 2014 et vainqueur de la March Madness en 2015 avec Duke, qui aurait cru que le palmarès de « Jah » s’arrêterait à ça lorsque Sam Hinkie et les Sixers l’ont sélectionné en 3e position en 2015 et devant Kristaps Porzingis. Estampillé « Trust the Process », Okafor n’a jamais réellement marqué l’histoire de la franchise malgré quelques sorties remarquées (17.5pts de moyenne lors de sa saison rookie). Il finit tout de même dans la 1st All-Rookie Team.

Mais il y a un BIG problème, et il s’appelle Joel Embiid. Après deux ans d’absence, le camerounais est de retour sur les terrains, et c’est Okafor qui en fait les frais en prenant la direction du banc. Il subit ensuite l’affaire Bryan Colangelo. L’ancien GM des Sixers qui « aurait » remis en question la mentalité et le poids du joueur. Deux éléments qui empêchaient la franchise de pouvoir le trader à l’époque. Fatigué mentalement, il fut enfin envoyé à Brooklyn en décembre 2017. Un temps de jeu réduit, et un style de jeu pas vraiment compatible avec les tendances actuelles. En effet, après avoir bourlingué à Brooklyn, puis à New Orleans, l’ancien poulain de coach K, n’est définitivement pas né dans la bonne époque. Son style se résume à deux choses : être gourmand au poste bas, et être lent en défense. Et ça malheureusement, c’est encore le cas à Detroit.

L’intersaison des Pistons en a étonné plus d’un avec la signature de plusieurs intérieurs. Okafor a pu parapher un contrat de deux ans et 4M$ garantis. Une opportunité de plus pour ce joueur en quête de stabilité. Pour le moment, Okafor ne peut se contenter que de 10 minutes, 4.3pts et 2.3rds par rencontre. Malheureusement, en février dernier, Okafor a dû subir une opération au genou qui va le tenir éloigner entre 6 à 8 semaines des parquets.


Si Detroit est bel et bien en reconstruction, on peut relever cette volonté de récupérer d’anciens parias, d’espoirs déchus et de joueurs d’un autre temps. Coach Casey est prêt pour les remettre en selle, tandis que le GM Troy Weaver, lui, est prêt pour récupérer des choix de draft en retour.

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