NBA Fashion Episode I : Pigments, Aiguille et Balle Orange.

JR Smith dans son élément, torse nu. Source : ClutchPoints.com

Il avait un “Maman je t’aime” inscrit sur le biceps droit et était multimillionnaire.” Le paysage NBA contemporain permet ce genre de success story incroyable. A l’exception des chaussures, le tatouage est l’un des seuls accessoires lifestyle permettant de se démarquer visuellement sur le terrain. Les maillots et shorts sont uniformisés, les bandeaux, manchons et gaines de shooter  sévèrement contrôlés par les instances NBA en charge du code vestimentaire. Le tatouage s’est ainsi imposé depuis deux décennies comme un must have pour affirmer son style sur le parquet. Certes, c’est avant-tout par son jeu qu’un joueur se démarque, qu’il construit son image et sa réputation. Mais comment nier l’impact visuel du tatouage dans une nation qui glorifie le culturisme, les corps musculeux et l’esthétisme sportif ? Durant les trois prochaines semaines, votre média Clutch Time vous propose une incursion dans l’Univers Fashion de la NBA. Pour ce premier volet de la série, une étude haute en encre et en couleur sur la pratique du tatouage auprès de vos athlètes préférés.

Une NBA hostile au tattoo ?

Le tattoo parsème le corps des athlètes NBA, même les plus jeunes. Lors de la cérémonie de la Draft, de nombreux rookies peinent à dissimuler leurs bras encrés de l’épaule au poignet sous des costards impeccables. La ligue est conservatrice par certain aspects, et jusque dans les années 90, le tatouage apparent en NBA était une anomalie. 

En Occident, le tatouage n’est toujours pas conventionnel. Toléré mais pas acclamé, l’entretien d’embauche avec le visage ou les mains colorées reste une épreuve fastidieuse. A l’aube des années 2000, des joueurs au style provocateur font tomber les barrières érigées par David Stern. Parmi eux, le fantasque Dennis Rodman. Ostensiblement rebelle, il s’affiche volontiers sur les tabloïds américains avec … a naked woman eating its own vagina” sur le dos (google est votre meilleur ami). Ses tatouages sont perçus comme une énième  manifestation de sa douce folie. Alors, qui a réellement participé à démocratiser cet art en NBA ? La réponse est “The Answer”. Encore une fois. 

  Allen Iverson posant pour une publicité Reebok. Source : The Bleacher Report

Iverson ramène la rue en NBA.  Associé au baggy et à la lourde chaîne en or, le tatouage rappelle la culture du ghetto. Sur le continent américain, encre et illicite sont étroitement liés. Les membres de gangs portent sur leur peau les symboles qui assurent leur fidélité à leur organisation. Les anciens détenus meurtriers arborent une larme dessinée sous l’oeil en guise de trophée. 

Face à cet imaginaire, comment faire passer la pilule ? Des pourparlers sont engagés entre David Stern et le syndicat des joueurs. En 2005-2006, la NBA impose à ses employés un dress code “professionnel” pour leurs apparitions en public. Pourtant, le tatouage n’est pas évincé. Il est progressivement adopté comme une forme d’expression artistique, les instances NBA feignant de ne pas percevoir sa dimension communautaire. 

Des points de crispation persistent pourtant autour de la discipline. En 2018, JR Smith, alors arrière des Cavaliers se fait réprimander par la ligue pour son tatouage sur le mollet, reprenant le logo de la marque “Supreme”.

« Lors d’un match NBA, à l’exception de l’uniforme ou de l’inscription du manufacturier visible sur les baskets, un joueur n’est pas autorisé à faire de la publicité, de la promotion pour une marque ou un logo, notamment représenté sur son corps ou ses cheveux. « 

Source : 2019-2020 NBA Official Guideline

JR risque une amende pour chaque match joué sans que son tatouage ne soit dissimulé, et “L’homme qui lançait des bols de soupe à la figure de ses entraîneurs” ne s’est pas gêné pour exprimer sa frustration sur les réseaux sociaux. Le sniper souligne l’hypocrisie des instances NBA qui tolèrent les tatouages à l’effigie du logo Jumpman, très populaires auprès des ballers

Réaction de JR Smith sur Instagram et photographie de son tatouage, source : SB Nation.com

Un tatouage, une histoire. 

Combien d’apprentis tatoueurs, d’esprits sensibles à la sémantique artistique se cachent parmi les fans NBA en berne en cette période de COVID 19 ? Que les curieux se connectent au league pass, visionnent des images d’archives  et passent en revue le paysage épidermique de la ligue. Nombreux sont les graffitis, dessins et chef d’oeuvres qui valorisent le corps des joueurs. 

A l’instar de Leonard Shelby dans le très bon Memento de Christopher Nolan (2000), le tatouage peut représenter un précieux mémo. Un point d’ancrage sur son corps pour ne pas oublier les souffrances et sacrifices qu’impliquent le sport de haut niveau. Dans les moments d’adversité, le tatouage n’est pas seulement une oeuvre d’art mais aussi un souvenir galvanisant. 

La spiritualité, les souvenirs d’enfance, la famille sont ainsi des thèmes récurrents parmi les aficionados de tatouages. Certes, tous les tatouages ne sont pas originaux, c’est ce dont se moque Harry Cheadle dans un article Vice consacré au sujet. 

Impossible de se démarquer en NBA avec un paquet de tatouages minables « I LUV MY GOD+GRANDMA+SECTION 8 HOUSING” sur la peau, et quel est l’intérêt du tatouage si ce n’est de se démarquer ? »

Source : Vice, « A Brief History Of Tattoos in the NBA » Harry Cheadle, 2011.

Cependant, les tatouages nous offrent la formidable opportunité de croiser la carrière individuelle du joueur avec des éléments de son histoire, afin de mieux comprendre sa personnalité.  

Le cas Lebron James est très intéressant : icône NBA depuis plus de 15 ans, c’est aussi l’un des joueurs les plus tatoués de la ligue. Qu’a-t-il choisi de représenter sur son corps pour le reste de sa vie ? 

The Chosen 1 

Source : Reddit.com

Son tatouage le plus imposant, celui qu’on ne peut rater lors des séances de work-out (torse nu bien sûr) de Lebron sur Instagram. “L’élu”, c’est le surnom qui lui a été donné par le média Sports Illustrated alors qu’il n’était encore que lycéen, celui qu’il porte fièrement. Oui, LBJ est l’élu car peu de joueurs peuvent prétendre rivaliser avec Michael Jordan pour le débat du Greatest Of All Time. Ce patronyme est aussi un poids et une responsabilité qui lui colle à la peau. 

Difficile d’être the chosen one et d’essuyer les échecs en début de carrière, d’être décrié pour sa “non-clutchitude”. Le bilan en finales de Lebron est actuellement de 3 victoires pour 8 défaites. Pourtant, comment nier sa qualité de joueur générationnel ? 

330

Source : Reddit.com

Une suite de chiffres tatoués sur son avant-bras droit. Elle correspond à l’indicatif téléphonique régional de sa ville natale d’Akron, Ohio (l’équivalent de notre “+336”, mais à l’Américaine). Pas le tatouage le plus visible, ni le plus clinquant mais peut-être l’un des plus importants si l’on considère la carrière de Lebron. En 2003, “The Kid from Akron” commence son aventure dans la ligue à Cleveland, franchise de son Etat natal. Au coeur d’une tempête médiatique après “The Decision” en juillet 2010 et son départ pour Miami, Lebron s’est fait la promesse de revenir et gagner un titre pour sa franchise de coeur. 6 ans plus tard à l’issue des finales NBA il hurle en larmes : “CLEVELAND, THIS IS FOR YOU”, après avoir fait tomber une équipe des Warriors invincible en saison régulière. Ce trophée plus que les autres atteste de la grandeur du joueur. Il le récompense pour sa fidélité envers son État et sa ville. Son engagement se lit sur son épiderme ET sur son CV en dehors des parquets : il multiplie les projets sociaux et investissements pour les membres de sa communauté. 

Black Mamba

Source : Instagram de Lebron James

Un tatouage pour rendre hommage, pour ne pas oublier. Ce début d’année 2020 fut tragique pour la grande famille NBA, avec le décès de Kobe Bryant. Cette dernière inscription sur la peau du King est une promesse :  de ne pas oublier un ancien, un rival, une idole. Kobe fut un des plus grands mentors du jeu et de sa philosophie. Lebron James porte une partie de cette histoire, de cette “mentalité de tueur à sang froid” à même la peau. Le serpent venimeux et menaçant symbolise cet état d’esprit à perpétuer “pour la vie”. La rose est l’allégorie de la passion pour le jeu, où puiser sa motivation. 

  Qu’est ce qui fait du Cyborg un joueur de basket incroyable ? Probablement sa capacité à absorber et assimiler les skills et aptitudes des meilleurs artistes du jeu. A l’instar de Cell dans la saga d’Akira Toriyama, il est devenu la meilleure version de lui même à l’automne de sa carrière. Du numéro 8 fougueux et explosif au numéro 24 maître du fadeaway et enfin patron de la ligue, Lebron a du Kobe en lui. Et l’enfant d’Akron fera tout pour apporter un titre à la franchise de son idole.  Ce tatouage symbolise toute sa détermination.

Tattoo Gossip

Les mentalités ont changé dans la grande ligue. On peut afficher fièrement une peau recouverte de tattoos sur le terrain et prétendre à être un role model pour les ménages américains. Auprès de la presse et des fans, les tatouages ne font pas partie des frasques et fantaisies pouvant altérer l’image d’un joueur. L’argent et le succès rendent beau et respectable, encore plus aux Etats-Unis.  Et pourtant, la discipline réserve son lot de surprises. En outro, votre média basket préféré vous propose un florilège du meilleur comme du pire des tatouages en NBA. Du signe infini dessiné sur le poignet à la blague potache inscrite sur la fesse droite.

Le Goat du Tattoo. 

Source : The BleacherReport.com

Chris Andersen, aka Birdman a été un solide éboueur sur les parquets, toujours avec du style. Champion avec le Heat en 2012, il s’est forgé une image de bad guy à l’imagerie punk et s’est tatoué des ailes d’oiseau sous les biceps pour mieux coller à son surnom. Le résultat est bigarré tout en maîtrise. 

Le plus nerdy

Source : The BleacherReport.com

Le meilleur poste 4 de tous les temps est un fan de l’univers Heroïc Fantasy et du jeu de rôle Donjons et Dragons. Tim Duncan arbore ainsi fièrement un tatoo d’un bouffon sur son épaule droite, et un beau Merlin L’Enchanteur sur le pectoral gauche. 

Le “tattoo tête brûlée”

Source : The BleacherReport.com

Stephen “Jax” Jackson s’est fait tatoué une figure biblique tenant une arme à feu dans ses mains. L’arrière des Warriors a été impliqué dans de nombreuses bagarres et fusillades et prend des matchs de suspension la saison 2005-2006 pour … Possession d’arme à feu dans les vestiaires. 

Le tatoueur préféré de ton joueur préféré. 

Source : The Undefeated.com

La fidélité à son tatoueur, c’est sacré jusqu’en NBA. De bouche à oreille entre joueurs, on se refile les bons tuyaux, les bonnes aiguilles. Le canadien Steve Wiebe (à gauche sur la photo) est le tatoueur préféré de Kevin Durant, spécialisé dans les tatouages réalistes. The Snake a refilé le bon plan à son coéquipier Deandre Jordan et les trois s’entendent comme des larrons en foire. 

Comment ne pas louer les crossovers entre l’art et le sport de haut niveau ? Le tatouage s’est démocratisé depuis une vingtaine d’années en NBA et il est plus populaire que jamais. 

La pratique reste pourtant affiliée à une culture de l’Underground qui jure avec le code policé et corporate qu’essaie d’imposer la ligue à ses joueurs. A quand une rébellion de l’industrie du tatouage ? En 2016, les éditeurs du jeu vidéo NBA 2K avaient dû affronter les foudres du collectif Solid Oak Sketches. Ce groupe de tatoueurs avaient demandé le paiement de droits d’auteurs pour les tatouages portés par les joueurs, représentés dans le jeu par souci de réalisme.  L’organe de presse Huffington Post relaie qu’une demande de rétribution de 1.8 millions de dollars à été portée devant le tribunal fédéral New-Yorkais … A la semaine prochaine pour une enquête sur la culture sneakers en NBA. 


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