La Floride, le nouveau monstre du basket américain

Par Benjamin Gisse (@MagicBenJohnson)


5 semaines. 5 états des Etats-Unis. C’est ce que Clutch Time vous propose d’aborder cette semaine. Un dossier complet sur les 5 régions les plus influentes sur le basket américain moderne, celles qui transforment une génération, celles qui forment les plus grandes stars de la NBA, celles qui ont le rendement joueurs/stars le plus grand, bref, ces états qui font que le basket américain se renouvèle en permanence.
Aujourd’hui, on aborde le nouvel empire, le temple de la formation moderne : la Floride.
Entre strass, paillettes et plages, découvrez l’histoire du nouveau royaume du basket, prêt à détrôner les géants impérissables.


Une « hype » très récente…

Si on vous dit Floride et basket, vous pensez à quoi ? Miami, Orlando, les Heatles, « Not 1, not 2, not 3… », Ray Allen dans le corner ou le jeune Shaq par exemple. Et bien… oui, mais c’est normal ! Parce qu’avant 1988, aucune équipe NBA n’est installée en Floride. Les Floridians (ABA) de Donnie Freeman ne sont qu’un lointain souvenir pour les plus anciens, et seules les universités de Miami et de Floride font un peu de bruit à l’échelle nationale. C’est le vide absolu, à tous les étages.

1988. La période Neal Walk, qui a fait la fierté d’une partie de la Floride, commence à se faire vieille, et lors d’une expansion qui apportera les Charlotte Hornets, la NBA décide de franchir le pas et d’aller dans une des régions les plus peuplées des Etats-Unis : Miami.
Considéré comme le « retirement heaven » où tous les retraités des Etats-Unis s’installent, la Floride n’attire pas plus que ça. Mais le Miami Heat va installer un renouveau sportif. Logo neuf et récent, campagne de pubs à destination du public jeune, la hype s’installe, le public accroche, l’identité est là.  

1989. Un an plus tard, c’est Orlando qui frappe à la porte de la NBA, convaincue du potentiel floridien. L’impact n’est pas le même, cependant, l’arrivée de Shaquille O’Neal au sein de l’effectif quelques années plus tard prouvera que Orlando a sa place en NBA, tant sur l’aspect sportif qu’attractif.

2 équipes en NBA. L’étape est franchie, la Floride est installée dans la plus grosse ligue de basket mondiale. Mais une question reste en suspens : où sont les joueurs issus de la formation floridienne ? Et bien… On doit les chercher. Certes, Darryl Dawkins a abreuvé la NBA de dunks, Eddie Johnson a traumatisé quelques attaquants… Mais globalement, c’est très dur de trouver des joueurs marquants venant de Floride.

La révolution commencera avec deux Otis, que seulement quelques années séparent : Birdsong & Thorpe. Tous les deux draftés dans le top 10, tous les deux draftés par Kansas City, tous les deux nommés All-Star au moins une fois, ils ont su réveiller une génération enfouie dans le Sud-Est des Etats-Unis. A la même période, Derek Harper viendra compléter le duo, et marquera lui aussi la Floride. Mais il manquait une tête d’affiche, un leader.

Un joueur marquera la NBA à son arrivée en 1989. Il incarnera durant sa carrière la culture et l’ADN qui caractérise si bien son Etat. Enfant de Fort Lauderdale, il reflètera la jeunesse floridienne aux yeux de tout le pays, formant une parfaite combinaison entre dureté et volonté : Mitch Richmond. 1er Hall of Famer formé en Floride, c’est lui qui va en quelque sorte aider la Floride et ses enfants à se développer, à développer cette culture de la dureté, de la hargne.

Car la Floride n’était qu’en phase de forage, et le pétrole allait bientôt jaillir à la surface…

… renforcée par deux cousins…

1997. Un jeune joueur va marquer les esprits de la Caroline du Nord. Après 3 saisons lycéennes à Auburndale en Floride, cet espoir du basket se transfère à Durham, dans la Mount Zion Christian Academy. Une saison incroyable s’en suivit : 27.5 points, 8.7 rebonds, 7.7 passes, 2.8 interceptions et 2 contres par match. Il est incontestablement nommé parmi l’un des meilleurs lycéens des Etats-Unis, et reçoit de multiples récompenses nationales.

Mais sa formation, il la doit à la Floride, dont il est originaire. C’est cette Floride qui a exploité son talent, qui la développé. Il restera toute sa vie fidèle à Auburndale, à cette contrée qui l’a vu évolué, jour après jour, année après année.
Malgré des tentations d’université, il sautera la case NCAA pour se présenter directement à la draft NBA 1997, en tant que lycéen. Il sera sélectionné au 9ème choix de la draft par une « fraîche » équipe de Toronto. Son nom ? McGrady. Tracy McGrady.

Auburndale, FL: Tracy McGrady heads home to his old high school gym. - Captured on a Samsung Galaxy S8

Tracy McGrady de retour dans le gymnase d’Auburndale, à l’occasion d’un partenariat entre Samsung et ESPN.

Au même moment, son cousin, Vince Carter, lui aussi originaire de Floride, est en train d’arpenter le chemin universitaire du côté de North Carolina. Véritable phénomène, Vince aura fait ses classes du côté de Daytona Beach, county où il est né, où il a grandi. Également nommé parmi les meilleurs lycéens de sa génération, l’ancienne star de Mainland sera récompensée de plusieurs prix nationaux, quelques années avant Tracy. 22 points, 11.4 rebonds, 4.5 passes et 3.5 contres par match sur sa dernière année en Floride.

Son départ pour UNC ne changera pas son amour pour Daytona. Quelques années plus tard, il se déclarera pour la draft NBA, et sera sélectionné par Golden State avec le 5ème choix avant d’être échangé à Toronto contre Antawn Jamison.

Commencera alors une époque où Toronto, armé de deux cousins floridiens, surprendra la NBA à coups de highlights phénoménaux. Même si l’équipe, un peu faible globalement, n’atteindra pas des sommets collectivement, elle aura marqué une génération de fans, et aura fait la fierté d’un état tout entier, qui attendait un renouveau, en regardant les performances d’un Mitch Richmond perdant petit à petit sa gloire d’All-Star.

Les deux joueurs mèneront une carrière de Hall of Famers, et marqueront l’élément déclencheur du développement de la Floride comme un des piliers de la formation américaine.

… qui aboutit à la création d’un empire !

2003. Les années passent, les joueurs passent, et la formation floridienne s’embellit. L’apparition et la domination d’Amar’e Stoudemire en NBA renforce le sentiment de révolution. La Floride vient de passer un cap.

Mais une dernière étape manque à la liste : attirer les plus gros prospects lycéens du pays. Même si l’état est l’un des plus peuplés des États-Unis, la formation a encore besoin d’évoluer, de toucher le pays tout entier.

Ainsi arrive, au milieu des années 2000, la Montverde Academy.

L’académie arrive en contournant complétement la question des prospects américains. « On ne peut pas attirer ici, alors allons chercher ailleurs ». Et la logique fonctionne, et les propulse tout en haut. Leur première star ? Luc Mbah a Moute, star au Cameroun, nommé un des meilleurs prospects internationaux, et qui vient de débarquer aux États-Unis.

Luc obtiendra une bourse pour aller à UCLA, université légendaire à l’histoire incroyable. Il y restera 3 saisons avant de s’inscrire pour la Draft NBA 2008. Il est sélectionné par Milwaukee avec le 37ème choix de la Draft.
Fierté pour Montverde, qui tient son premier joueur drafté. L’effectif grandit, et gardera la même dynamique internationale pendant quelques années.

Prochaine star ? Solomon Alabi. Histoire similaire : arrivée du Nigéria, prospect international renommé, obtient une bourse pour Florida State, drafté par Dallas en 2010 (50ème choix).
Sa carrière n’aura pas la même grandeur que celle de Luc, mais Montverde tient sa recette, et ne compte pas la lâcher.

Suivront des joueurs comme Patricio Garino (Argentine), Landry Nnoko (Cameroun), Ruslan Pateev (Russie) ou Haukur Pálsson (Islande). Des noms, certes un peu moins clinquants, mais qui permettront à Montverde d’avoir une transition entre création et explosion la plus seraine possible. Et c’est chose faite. En 2012, l’effectif de Montverde compte 100% de joueurs ayant une bourse pour une équipe de Division I en NCAA. Cette saison marque la fin de l’échauffement pour l’académie, et le début de l’empire floridien.

À quoi reconnait-on un bon lycée d’un excellent lycée ? Quand les meilleurs joueurs du pays sont prêts à venir jouer pour vous. L’heure de franchir l’étape est arrivée. Montverde garde sa recette internationale, mais y ajoute des ingrédients nationaux : Kasey Hill, Michael Frazier II, Dakari Johnson… L’effectif commence à faire peur et s’introduit dans les nombreux tops d’équipe.
Mais c’est un jeune freshman venant de Louisville, dans le Kentucky qui va élever Montverde au rang d’empire. Un jeune freshman, qui à l’aube de la saison 2011-2012, va décider de partir de la Central High School à Louisville, et d’arriver dans cet effectif.

Ce jeune freshman, c’est D’Angelo Russell.

Montverde marche sur la saison. L’effectif est trop fort, trop puissant, trop performant. Un jeune Joel Embiid, issu de la recette internationale, aura un peu de temps de jeu, mais ne sera pas vraiment satisfait et partira à la fin de sa première saison. Montverde se qualifie pour sa deuxième finale nationale, et pour la deuxième fois, échoue face au Findlay Prep d’Anthony Bennett. Défaite cruelle de 3 points, 86-83, qui permet à Findlay de rafler son 3ème titre national en 4 ans.

Cette finale marque alors le début du règne. Kasey Hill et Dakari Johnson deviennent seniors et de plus en plus forts, « D-Lo » prend ses repères et commence à entreprendre sa legacy, et un jeune Australien arrive pour renforcer l’effectif : Ben Simmons. Mélange encore une fois entre le top des prospects internationaux et américains, Montverde rafle la mise, et sur la saison 2012-2013, remporte son premier titre national face à St. Benedict’s Prep, grâce aux grosses performances de leurs 2 seniors stars, Hill (19 points) et Johnson (MVP, 18 points).

St. Benedict's Prep vs. Montverde Academy: Recap and Analysis of NSHI 2013  Final | Bleacher Report | Latest News, Videos and Highlights

Montverde sous le toit des Etats-Unis après son premier titre national

Une fois la machine lancée, impossible de l’arrêter. Cette fois-ci sous les ordres d’un D’Angelo Russell nommé parmi les meilleurs lycéens de sa génération, Montverde arrive en tant que favori sur la saison 2013-14. Pression assumée et digérée, puisqu’ils s’imposeront une seconde fois d’affilée, marquant la fin de la période Findlay. Comme un roulement sans fin, l’année suivante, c’est Ben Simmons, nommé meilleur lycéen de sa génération qui est nommé leader de Montverde. Vous l’aurez compris, jamais deux sans trois, et Montverde s’imposera pour la 3ème fois consécutive. L’empire est fondé, le règne a débuté.

Malgré une saison compliquée en 2016, Montverde reviendra à l’attaque en 2017, avant d’échouer en finale, puis de remporter à nouveau le titre en 2018, avec le phénomène canadien R.J. Barrett. Tiens… Encore un joueur international.

6 saisons depuis leur défaite face à Findlay. 5 finales. 4 titres. Montverde est devenu intouchable et rafle tous les plus gros prospects. Parmi tous ceux qui n’ont pas été cité, nous avons : E.J. Montgomery, Anfernee Simons, Sandro Mamukelashvili, Marcus Carr, Simi Shittu, Filip Petrusev et plus récemment Cade Cunningham, Moses Moody, Caleb Houstan, Precious Achiuwa, Dariq Whitehead ou Jalen Duren… Une usine à talents, littéralement.

Et si en 2019, c’est l’autre lycée floridien en vogue, l’IMG Academy, qui s’est imposé à l’échelle nationale, c’est bien Montverde qui a su marquer les esprits et entreprendre une legacy pour la Floride. Partant de joueurs internationaux reconnus, ils ont su prendre à contrepied le système américain, et possède depuis 2009, une multitude de joueurs présents en NBA, quelques picks de draft dans le top 3 (Simmons, Barrett, Russell), et une legacy qui va se charger du reste (Cunningham, Duren, Whitehead…).


Cette formation se traduit également par des chiffres. Et notamment du côté de la NBA, où le nombre de joueurs NBA issus de la Floride a tout simplement explosé depuis quelques années !

À noter que la décennie 2020-2029 démarre également sur les chapeaux de roue, avec 19 joueurs arrivés en NBA en 2 ans, soit quasiment autant que sur la décennie 1980-1989 !
Mais là où la Floride s’est vraiment imposé, c’est sur les classements nationaux. Lancés il y a quelques années par des compagnies comme 247Sports ou ESPN, les classements des lycéens fait débat, mais plaît beaucoup. Le RSCI établit un consensus entre tous les plus grands sites de rankings, et délivre un classement final : le top 100 RSCI.
Ces classements sont délivrés par génération (année de naissance) et sont actualisés jusqu’à leur entrée en université.
Après avoir regroupé par blocs des 3 années entourant un début de décennie (depuis la création du RSCI), et classer par état, nous obtenons ce graphique :

Non seulement la Floride s’impose comme l’une des meilleures sources de talents, poussé par les académies Montverde et IMG, mais elle a récemment réussi à dépasser l’ogre californien, et de surpasser tous les autres états.
La Floride plaît à l’échelle nationale, et les meilleurs recruteurs n’hésitent pas à venir s’approvisionner. On a vu notamment il y a quelques jours les frères Bewley, originaires de Fort Lauderdale, et classés comme 2 des meilleurs joueurs de la génération, accepté un contrat avec Overtime Elite (dont nous parlerons plus tard), structure menée par l’inépuisable Kevin Ollie.


Long, très long a été le périple de la Floride depuis la fin des années 70. De Neal Walk aux « Otis Boys » à la legacy de Montverde, en passant par Mitch Richmond et les cousins McGrady/Carter, la Floride a su se renouveler et, à l’instar du football américain par exemple, devenir un exemple et un pilier de la formation américaine. Passant de 15 joueurs dans le top 100 RSCI des meilleurs lycéens entre 1999 et 2001 à 35 joueurs entre 2019 et 2021, l’état s’inscrit dans la durée, et compte bien nous livrer des stars pour encore très longtemps…


Sources : MaxPreps, GEICO Nationals, Basketball Reference, RSCI Rankings.

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