Qu’est-ce qu’un « bust » ? Par définition, c’est un joueur drafté très haut, un joueur pour lequel on a promis un avenir grandiose mais qui ne saura pas répondre aux attentes durant sa carrière. Il faut se dire que les joueurs qui débarquent en NBA par la grande porte sont pour la majorité des gamins d’à peine 20 ans. Alors faisons preuve d’un peu d’indulgence au moment d’évoquer la carrière du malheureux Darius Miles, sûrement projeté trop vite sous le feu des projecteurs. Nous relaterons les principaux faits de son parcours professionnel, à l’aide d’une longue lettre postée par Miles sur le site « The Player’s Tribune ».
Darius LaVar Miles est né le 9 octobre 1981 à East St. Louis, dans l’Illinois. Une ville réputée infernale, au paysage apocalyptique, avec un taux de criminalité 18 fois plus important que la moyenne aux Etats-Unis. « C’est comme ça, souligne Darius. Quand tu nais à East St. Louis, il est question d’armes, de drogues et de danger, du début à la fin. Il n’y a que 89 blocs. Peu importe qui vous êtes, vous êtes dedans. Il n’y a pas le choix. » A titre d’exemple, East St. Louis est la seule ville Américaine de plus de 25 000 habitants à ne pas bénéficier de service obstétrique.
Dans cette cité chaotique où la réalité empêche même les plus petits de rêver, Miles se tourne vite vers le basketball. Au lycée de East St. Louis, il devient très vite une vedette locale, de par ses capacités physiques. Un jour, il est invité au camp de Michael Jordan, en compagnie de Quentin Richardson, jeune prodige également natif de l’Illinois. « On est arrivés au camp le premier jour et MJ était là, en chair et en os. Quand il a commencé à jouer avec nous, personne ne voulait défendre sur lui. Rappelez-vous, on était des enfants. Qui va se mettre sur le chemin de MJ, pour de vrai ? Mais avec « Q » (Quentin Richardson), on se regardait à se dire, « vas-y, on n’a pas peur ». Donc j’ai voulu défendre dur sur lui. Bien sûr, c’est MJ, il a des moves, et il m’a tué. Mais j’ai continué à défendre dur et il a commencé à me montrer du respect. Après le camp, j’ai fait une photo avec lui et tout et je l’ai ramené à la maison où je l’ai mise en évidence, comme si MJ était un de mes oncles. Je revois ma mère me demander « Il est comment, MJ ? » Je lui disais « Maman, c’est fou ! Michael Jordan était là, à jurer. Il s’exprime comme nous ! ». Je me disais : merde, Michael Jordan est comme moi. Il est normal. Je peux peut-être le faire ». Cet évènement va, selon lui, changer sa vie, et représente sa première vraie lueur d’espoir.
A l’époque, de plus en plus de jeunes joueurs débarquent en NBA sans être passés par la case université. Kevin Garnett, en 1995, fait le grand saut car ses notes sont trop médiocres pour qu’il puisse bénéficier d’une bourse. Dans le cas de Darius, on se dit qu’un encadrement scolaire et sportif par une fac lui aurait énormément apporté. Mais malgré les multiples offres qui viennent à lui, il choisit de faire une croix sur un cursus universitaire et se présente à la draft 2000.
On notera qu’avant sa draft, Darius Miles est constamment comparé à Kevin Garnett, en raison de leur physique similaire et de leur cursus avant l’arrivée en NBA. « Pour un jeune qui débarque en NBA, la stabilité est primordiale, souligne un des consultants TNT. Etre drafté par les Clippers n’est pas la meilleure solution quand on parle de stabilité. On ne sait pas comment il développera son jeu ni ce qui se passera dans 3-4 ans. » Au micro de Craig Sager, Darius dit : « Kevin Garnett est mon idole, mon joueur préféré, nous jouons au même poste. C’est un mec super, un super joueur et j’espère que je pourrai devenir un bon joueur comme lui actuellement. »
« Je ne pense pas que les gens comprennent vraiment à quel point c’est fou de passer du lycée à la NBA. Et pas seulement à la NBA, mais aux foutus Clippers de Los Angeles. » Il est clair que sur l’autoroute du succès, Darius Miles a toujours voulu emprunter la voie de gauche. Passé d’une ville froide de l’Illinois au soleil californien, avec un contrat de plusieurs millions dollars, on peut affirmer que tout est allé trop vite dans la vie de Darius.
Aux Clippers, Miles a retrouvé son pote Quentin Richardson, ainsi que Lamar Odom, Corey Magguette et Keyon Dooling. L’équipe est jeune, prometteuse et surtout explosive. Ainsi elle va devenir une des équipes les plus sympathiques à suivre, sans pour autant parvenir à accrocher les playoffs. Malheureusement pour Darius Miles, son manque de qualités dans beaucoup de domaines essentiels du jeu (shoot mi et longue distance, notions défensives) font perdre patience aux Clippers, qui l’envoient aux Cleveland Cavaliers à l’intersaison 2002-2003, en échange d’Andre Miller. Un an plus tard, il est envoyé à Portland. L’aventure « JailBlazers » commence de la pire des manières pour Miles, qui n’entretient pas de bons rapports avec le coach, Mo Cheeks. Miles est même suspendu pour 2 rencontres après une altercation entre les deux hommes. Malgré tout, de 2004 à 2006, il réalise ses meilleures performances en carrière, en tournant à peu près à 13 points par match. Le 19 avril 2005, il plante 47 points contre les Nuggets.
En avril 2006, la carrière de Darius Miles prend un sombre virage quand il est victime d’une grave blessure au genou, qui lui fait rater 2 saisons complètes. Les Blazers ont le culot d’annuler son contrat, pensant que sa carrière est terminée. Mais en 2009, les Grizzlies lui font signer un contrat jusqu’à la fin de la saison, obligeant Portland a lui payer son dû. A la fin de la saison 2009, Darius Miles met fin à sa carrière. Une carrière finie comme elle a commencé: dans la médiocrité. Les fans, coachs, dirigeants ont toujours attendu plus d’un joueur qui n’était tout simplement pas à sa place.
« On m’a pris le basket à 27 ans et j’étais perdu. Puis quelques années plus tard, on m’a pris ma mère, et je suis devenu plus ou moins fou. Quand tu es en NBA, les gens croient que tu es un super héros et peut-être que tu crois en être un. Mais il y a tout un tas de choses à côté de ça dont le public n’a pas idée. »
Quelques années après sa retraite, Darius Miles a déclaré être en faillite, après avoir touché plus de 60 millions de dollars de salaires en NBA.
« J’ai été coincé dans la maison de ma maman à East St. Louis pendant environ trois ans. J’ai travaillé toute ma vie pour sortir de là et j’étais de retour. Juste… pris au piège. Je portais partout où j’allais. Je ne pouvais pas dormir. Impossible de trouver la paix. »
Récemment, ça à l’air d’aller mieux pour l’ancien Clippers puisqu’il tient (en compagnie de son vieil ami Quentin Richardson) une émission sur « The Player’s Tribune » intitulée « Knuckleheads » , où les deux anciens compères invitent des joueurs tels que Kyle Lowry, Kevin Durant, Allen Iverson… En espérant que tout rentre dans l’ordre pour ce bon vieux Darius.