L’inoubliable saison 2008 des Boston Celtics

17 juin 2008. Les Celtics de Boston sont sacrés champions NBA pour la 17ème fois. Certainement un des plus beaux chapitres de l’histoire de la franchise. Un chapitre exceptionnel qui a mis fin à une longue et douloureuse traversée du désert. Retour sur un parcours grandiose qui a remis en lumière l’équipe du petit lutin vert.

Le contexte

L’équipe des Boston Celtics est, avec les Los Angeles Lakers, l’équipe la plus titrée en NBA, avec 17 titres. Véritable machine à gagner depuis la fin des années 50, la franchise de Beantown (en référence au haricot de Boston) a su forger ses succès autour de joueurs légendaires : Bob Cousy, Bill Russell, John Havlicek, Larry Bird, Robert Parish… Le tout bien entendu guidé par des coachs qui ont amené une certaine culture de la gagne comme Red Auerbach ou K.C Jones. C’est simple : aucune équipe n’a autant dominé une ligue majeure Nord-Américaine que les Celtics l’ont fait entre 1957 et 1969. Deux titres durant les années 70 et trois durant les 80’s viendront s’ajouter à la monstrueuse armoire à trophée du mythique Boston Garden.

Bill Russel (numéro 6) au-dessus de Wilt Chamberlain (numéro 13), lors des finales NBA 1969.

Le Garden, parlons-en : une arène à l’ancienne, construite en 1928 (sous le nom de Boston Madison Square Garden), prévue initialement pour accueillir des matchs de boxe, est devenue au fil du temps une antre imprenable. Dans les années 60 et 80, périodes glorieuses des C’s, il est rare de voir la « green team » perdre à domicile. Le côté rustique et intimidant de la salle y est pour beaucoup. La chaleur du Garden, dépourvu d’air conditionné, étouffe les adversaires, comme le malheureux Kareem Abdul-Jabbar, obligé de porter un masque à oxygène durant le fameux « Heat game » de 1984 entre les Lakers et les Celtics, où la température atteindra les 36 degrés.

Les highlights du match 7 de la finale NBA 1984 entre les Celtics et les Lakers, où l’ambiance au Boston Garden sera impressionnante. Le parquet sera d’ailleurs envahi par les spectateurs au buzzer final.

Les Celtics et leurs ennemis jurés, les Lakers, dominèrent la NBA dans les années 80. En effet, de 1980 à 1989, l’une des deux équipes se retrouva chaque saison en finale. Mais c’est alors que la dynamique victorieuse de la « green team » fut frappée par une tragédie qui marqua à jamais la ville de Boston: le 19 juin 1986, le prodige Len Bias décède d’une overdose de cocaïne, moins de 48 heures après avoir été drafté par les Celtics en première position et 11 jours après le sacre de ces derniers en finale contre les Rockets. Bias était le joueur qui manquait aux Celtics pour relancer une machine certes dominatrice, mais vieillissante. Bien avant sa draft, la presse spécialisée de l’époque le comparait déjà à Michael Jordan. Malheureusement, le Boston Garden ne vit jamais le jeune surdoué du Maryland évoluer sous son toit.

Len Bias (1963-1986).

En 1987, les Celtics version Bird atteignent une dernière fois les finales NBA, après avoir vaincu non sans mal les déjà redoutables Detroit Pistons, au cours d’une finale de conférence défiant les lois du suspens. Mais il finissent par rendre les armes devant les Lakers d’un Magic Johnson étincelant, auteur de 29 points dans le game 4 et surtout d’un « sky hook » légendaire pour remporter un match décisif à Boston. Los Angeles l’emportera logiquement face à des C’s clairement essoufflés. Les fans de l’équipe verte ne le savent pas encore, mais cette défaite annoncera le début de la fin pour la bande de « Larry Legend ».

Le « sky hook » de Magic Johnson contre les Celtics lors du game 4 des finales 1984. Le joueur sera à la fin du match interviewé par le « Roi de la Soul » James Brown.

Lors des finales de conférence Est 1988, la « green team » ne peut rien faire face à la force collective et mentale des Pistons. On assiste là à une passation de pouvoir, et les Celtics de Bird, Parrish, Ainge, McHale et Dennis Johnson ne retourneront plus en finales.

La retraite de Larry Bird en 1992 ; le décès du talentueux Reggie Lewis en 1993 et la démolition du Boston Garden en 1995 n’arrangèrent rien pour l’équipe de BeanTown qui traversa les années 90 comme un fantôme. Seules satisfactions de la décennie pour les hommes verts : la construction d’une nouvelle salle toute neuve, le Fleet Center (qui deviendra plus tard le TD Banknorth Garden), et surtout la draft de Paul Pierce en 1998. Ce dernier deviendra très vite le patron de l’équipe, mais souvent trop esseulé, il ne parviendra pas à faire franchir un cap à son équipe. Le retour de l’ancienne gloire Danny Ainge en 2003, en tant que responsable des opérations basket, fera basculer la franchise dans une toute nouvelle dynamique. Toujours à l’affut des bonnes affaires, Ainge n’a pas froid aux yeux quand il s’agit d’échanges. Selon lui, l’effectif des Celtics 2003 n’est pas bon, en tout cas pas assez talentueux pour viser le titre. Il sait ce que représente Boston dans l’univers de la NBA, et sa franchise ne peut pas végéter plus longtemps dans le ventre mou de la ligue. Pendant plusieurs années, Danny chamboule à de multiples reprises son roster, nomme Doc Rivers comme entraineur (en 2004) et accorde une confiance aveugle en son meilleur élément Paul Pierce. Mais les résultats ne suivent pas. En 2007, Boston conclut une saison catastrophique avec seulement 24 victoires. Pierce commence à parler d’un départ si l’équipe n’est pas renforcée. Alors Danny Ainge va sortir deux échanges dont lui seul a le secret. Le 28 juin 2007, il récupère Ray Allen (Seattle) en échange de Delonte West, Jeff Green, Wally Sczerbiak ainsi qu’un premier tour de draft. Le 31 juillet, Gerald Green, Al Jefferson, Ryan Gomes, Theo Ratliff et Sebastian Telfair quittent la « green army » pour Minnesota. C’est le « Big Ticket » Kevin Garnett, MVP 2004 qui arrive. L’espoir renait immédiatement pour Boston. Le Big 3 Pierce-Allen-Garnett est né et ils sont épaulés par des joueurs qui s’inscriront tous à leur façon dans la saison 2008 magistrale des Celtics.

Ray Allen, Kevin Garnett, Paul Pierce.

2007-2008 : La saison où Boston est redevenue une équipe qui gagne

Les attentes sont énormes autour de la « green team », bien que l’effectif manque d’expérience et de profondeur de banc. Dès le début de saison, Doc Rivers confirme que le jeune meneur Rajon Rondo et le pivot Kendrick Perkins seront titulaires aux côtés de Pierce, Allen et Garnett. Bon défenseur mais très médiocre scoreur, Rondo n’a qu’une saison NBA dans les jambes. Drafté en 2003 par Boston après avoir fait l’impasse sur la fac, Kendrick Perkins a su grappiller des minutes année après année pour au final être titulaire dans la raquette avec KG. Excellent défenseur mais lui aussi un peu frustre en attaque, Perkins représente en effet le col bleu que voulaient Rivers et Ainge au poste 5. Les 3 vétérans du Big 3 ont pour mission de vite mettre en confiance les deux plus jeunes du 5 de départ. Sur le banc, le shooteur fou Eddie House, le rugueux Tony Allen, Glen « Big Baby » Davis, James Posey ou encore l’inattendu Leon Powe apporteront tous leurs différentes qualités, dans un collectif extrêmement bien huilé où chacun a sa place et sait ce qu’on attend de lui. L’arrivée de Tom Thibodeau en tant qu’assistant coach défensif s’avèrera elle aussi décisive.

Paul Pierce, Kendrick Perkins, Kevin Garnett et Rajon Rondo.

Débuter la saison par 8 victoires consécutives, idéal non? Dès le début de saison, on sent que l’alchimie est parfaite et qu’il faudra se lever tôt pour vaincre ces C’s là. Pour son premier match sous la tunique verte, contre des Wizards à 0/16 à 3 points, KG score 22 points et gobe 20 rebonds. Lors du deuxième match de la saison, c’est un shoot à trois points de Ray Allen (33 pts) qui enterrera les Raptors en prolongation. C’est dire si les deux principales recrues de l’été n’ont pas eu besoin de temps d’adaptation.

Le game winner de Ray Allen contre les Raptors de Toronto, le 4 novembre 2007.

Les séries de victoires se succèdent et il faudra attendre le 19 décembre 2007 pour voir les C’s perdre à domicile, après 12 victoires d’affilées au TD Banknorth Garden. Quelques jours plus tard, ils remportent leur 24ème victoire (en 27 rencontres) et égalisent déjà leur performance de l’année dernière.

Rajon Rondo et Paul Pierce.

Le mois de janvier sera plus compliqué. Kevin Garnett sera absent plusieurs matchs à cause de douleurs abdominales. Leon Powe et Glen Davis se partageront les minutes et apporteront leur fougue pour faire oublier le « Big Ticket ». KG, Pierce et Allen seront sélectionnés pour le All-Star Game 2008 qui se déroule cette année-là à La Nouvelle-Orléans. Au même moment, le vétéran PJ Brown sort de sa retraite pour signer à BeanTown, apportant de la profondeur et de la dureté défensive au poste de pivot.

Kevin Garnet, la légende Bill Russell, Ray Allen et Paul Pierce.

Après le all-star break, les Celtics perdent trois rencontres de suite. Ce sera la seule et unique fois de la saison. Danny Ainge veut renforcer sa rotation et signe « le chinois » Sam Cassell pour suppléer Rajon Rondo au poste de meneur. Malgré la fatigue accumulée, les Celtics ne lâcheront pas leur première place de la conférence Est et termineront la saison avec 66 victoires. Les recrues se sont acclimatées à la vitesse de l’éclair. La philosophie défensive de l’équipe, faite d’intimidation et d’agressivité fait que les Celtics sont redoutés par toute la ligue. Aucun shoot ne parait facile pour l’adversaire. Tous les voyants sont au vert pour les playoffs, où les Celtics débuteront face aux Atlanta Hawks, avec l’avantage du terrain.

Les deux premiers matchs à Boston sont nettement à l’avantage des hôtes. Kevin Garnett est logiquement élu meilleur défenseur de l’année. Mais lors des deux matchs à Atlanta, les C’s se feront surprendre par des Hawks bien décidés à ne pas se laisser marcher dessus. 2-2, puis 3-2 Boston, et 3-3 après une nouvelle victoire d’ATL à la Phillips Arena. Accrocheurs, menés par un duo Joe Johnson – Josh Smith au sommet de son art, les Hawks ne pourront rien dans le game 7 décisif à Boston, où les Celtics l’emporteront 99-65.

Paul Pierce en défense sur Joe Johnson.

Les demi finales de conférence Est sont un gros test pour les hommes de Doc Rivers, car les Cleveland Cavaliers de LeBron James sont des adversaires coriaces. Meilleur scoreur de la saison régulière avec 30 points, plus 7,9 rebonds et 7,2 passes de moyenne, « LBJ » a réalisé une saison sensationnelle et a placé presque à lui tout seul son équipe à la 4ème place de la conférence. Cependant, James sera muselé par la défense rugueuse des Celtics durant les game 1 et 2. 12 points à 2/18 au shoot puis 21 points mais 6/24. Sans un LeBron efficace, il est quasi-impossible de voir Cleveland prendre un match dans cette série que Boston mène 2-0. Mais comme au tour précédent, les Celtics ont beaucoup plus de difficultés à l’extérieur et Cleveland prendra les matchs 3 et 4, avec un LeBron retrouvé, bien aidé par les anciens Celtics Wally Szcerbiak et Delonte West. Match 5 pour Boston, le 6 pour Cleveland, et la « green team » devra encore gagner un match 7 décisif pour avancer. Ce « win or go home » sera un des plus beaux matchs de la décennie, une opposition de légende entre Paul Pierce et LeBron James dans un TD Banknorth Garden surchauffé comme lors des plus belles heures de son illustre prédécesseur. Un match serré de bout en bout, où Pierce (41 points) aura finalement le dernier mot face à James (45 points).

Le duel inoubliable entre « The Truth » et « The Chosen One » lors du game 7.

En finale de conférence, Boston retrouve les Detroit Pistons. Champions en 2004, finalistes en 2005, demi-finalistes pour la 5ème fois de suite, la franchise de « Motown » a fini deuxième à l’Est avec 59 victoires. Un gros duel s’annonce entre les deux meilleures défenses de la NBA. Les C’s s’imposent facilement dans le game 1, mais la surprise arrive 48 heures plus tard quand Detroit parvient à gagner au TD Garden lors du match 2. Pour la première fois durant ces playoffs, Boston a perdu à la maison. Ne laissant aucune place au doute, les hommes du Doc vont parvenir à reprendre l’avantage du terrain en dominant les Pistons 94-80. Detroit remporte le match suivant et Boston doit absolument gagner le match 5 à domicile. Ce sera chose faite dans un match où les C’s auront mené de plus de 10 points. Courageux, Detroit refait son retard à coup de stops de Tayshaun Prince et de shoots décisifs de Rip Hamilton et Chauncey Billups. Boston fini par survivre à une fin de rencontre étouffante et prend un avantage décisif dans la série (3-2). On peut mentionner le match monstrueux de Kendrick Perkins (18 points, 16 rebonds). Le match 6 sera remporté par Beantown et les Celtics de Boston retrouvent les finales NBA, 21 ans après.

Celtics-Lakers, nous y voilà, 21 ans après, donc. 11ème finale NBA entre les deux rivaux ultimes. L’Amérique entière attendait ce duel au sommet entre les franchises les plus prestigieuses de la NBA. D’un côté, la Californie, une attaque en triangle orchestrée par le « zen master » Phil Jackson, une équipe construite brillamment autour de Kobe Bryant (MVP de la saison régulière) et Pau Gasol; de l’autre, le Massachusetts, une rigueur défensive inouïe et un collectif réglé comme une horloge. Bref, une confrontation historique dans tous les sens du terme.

Le game 1 est magnifique d’intensité. Les Lakers sont présents et rentrent les shoots quand il faut. Premier tournant lorsque Paul Pierce retombe sur le pied de Kendrick Perkins et doit rejoindre les vestiaires. 3 minutes plus tard, le revoilà frais comme un gardon et ovationné par le public de Boston. Deux bombes à 3 points plus tard, il fait exploser toute la salle. Ce moment mythique fera basculer la rencontre en faveur des Celtics qui remportent ce match 1 98-88.

Le résumé du game 1.

Dans le game 2, Boston domine toute la rencontre et mène de 24 points mais s’écroule en fin de match: les Lakers ne sont plus qu’à -2 à une minute de la fin. En patron, Paul Pierce (28 points) s’en va provoquer la faute et marquer deux lancers décisifs. Kobe Bryant aura été parfaitement défendu par les C’s (24 points mais 9-26 au shoot). Les trois matchs suivants se jouent à Los Angeles. Leon Powe aura apporté 21 points en seulement 14 minutes. Lors du game 3, les C’s paraissent fatigués. Paul Pierce, gêné au genou, ne marque que 6 points et Rajon Rondo se blesse au coude. Les Lakers s’imposent 87-81. Game 4. Domination des Lakers qui roulent sur le 1er quart-temps, 35-14. A la mi-temps, dans le dur, les C’s ont besoin d’ajustements tactiques. Paul Pierce indique à coach Rivers qu’il veut défendre sur Kobe Bryant. Rivers ouvre son banc et lance Eddie House, James Posey et P.J Brown pour la seconde mi-temps. Résultat: un 31-15 terrible pour le Staples Center aux airs de cathédrale. P.J Brown se permet même un poster dunk sur Kobe ! Les C’s mènent pour la 1ère fois de la partie à 4 minutes de la fin. D’un énorme shoot dans le corner, James Posey fait définitivement exploser les Lakers. Victoire improbable de Boston qui n’est plus qu’à une victoire du Graal.

L’énorme come-back des Celtics.

Même scénario dans le game 5, où les californiens commencent le match tambour battant. Les C’s refont leur retour avant la mi-temps mais cette fois Los Angeles reste sérieux et revient à 3-2. Le game 6 est annoncé comme le match du titre pour les Celtics. Dans le 2ème quart-temps, sous l’impulsion des shooteurs bostoniens, la défense des Lakers va rendre les armes. Tout rentre pour les Celtics et la 2ème mi-temps est un immense garbage time. C’est la fête au TD Banknorth Garden, et au buzzer final tout le monde peut exulter: les Celtics sont champions NBA, 22 ans après leur dernier titre !

Résumé du game 6.

L’émotion est immense, Kevin Garnett nous gratifie d’une interview devenue légendaire, Doc Rivers se prend plusieurs litres de boisson énergisante sur la tronche, les gens pleurent en tribune. Tellement longtemps qu’on attendait ça…

L’interview de Kevin Garnett.

Quelle saison sensationnelle de ces Boston Celtics ! De ce Big 3 tout d’abord, qui aura toujours fait preuve d’une force de caractère incroyable. MVP des finales, Paul Pierce aura été génial de justesse tout au long des playoffs. Kevin Garnett aura symbolisé la philosophie « UBUNTU » (un pour tous, tous pour un). Ray Allen, de par la qualité de son shoot et son sang froid, aura toujours su répondre présent. Et que dire de Rajon Rondo.. le jeune meneur, confirmé comme titulaire en début de saison, est devenu une valeur sûre du groupe. Sa lecture du jeu et sa lucidité défensive ont apporté ce petit quelque chose en plus. Les rôles players comme James Posey, Eddie House, Leon Powe ou P.J Brown auront apporté l’énergie et la lucidité nécessaire pile quand l’équipe en avait besoin. Le coach, Doc Rivers, pas réputé comme étant un spécialiste tactique, a néanmoins fait preuve d’une gestion d’équipe irréprochable. Si cette équipe n’a jamais baissé les bras, c’est en partie grâce à lui. Et bien sûr les Celtics auront été portés tout au long de la saison par un TD Banknorth Garden en feu. Une saison inoubliable dans tous les sens du terme.

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