Ça s’est passé un 10 Mai : Welcome to the « Sleepy Floyd Show » !

Parce que la NBA regorge de performances en tout genre passées à la postérité ou progressivement oubliées avec le temps, ClutchTime vous propose de revivre ces matchs et exploits de légende, qui ont façonné l’histoire de la ligue d’hier à aujourd’hui.

Avant l’arrivée des Run-TMC dans la baie d’Oakland dans les années 90, la Dub nation s’enthousiasmait déjà pour plusieurs joueurs flashy des années 80, à commencer par Eric Floyd. Plus connu sous le surnom de « Sleepy Floyd », meneur de jeu aussi imprévisible que nonchalant, Floyd fut notamment l’un des arrières les plus marquants du milieu des années 80 et plus spécifiquement lors de la saison 1986-87. Qualifiés pour le deuxième tour des playoffs, les Warriors y affrontent les Los Angeles Lakers époque Showtime de Magic Johnson, et c’est durant cette série presque à sens unique que le combo-guard va offrir à lui tout seul, l’unique victoire de Golden State face aux angeliños dans cette série, au prix d’une performance à couper le souffle.


Eric « Sleepy » Floyd

Drafté en 1982 au 1er tour (13ème choix) par les New Jersey Nets, Eric Augustus Floyd ne restera que quelques mois du côté d’East Rutherford et son climat subtropical pour finalement profiter du soleil californien de la baie de San Francisco pendant de nombreuses saisons, en atterrissant dès sa première année chez les Golden State Warriors dans le cadre d’un trade envoyant Michael Ray Richardson aux Nets. Le joueur ne tarde pas à se faire une place dans un effectif alors en pleine reconstruction et parmi les plus inexpérimentés de la ligue. Même s’il devra attendre la saison 1986-87 pour honorer une première sélection au All-Star Game, Floyd afficha tout de même un niveau de jeu très au dessus de la moyenne, le plaçant en toute logique parmi les meilleurs meneurs des années 80 aux côtés de Reggie Theus, Maurice Cheeks, Fat Lever, Isiah Thomas et Magic Johnson.

Arrière d’1m80 au style de jeu très technique et en avance sur son époque, capable de de crosser ses adversaires, il était un scoreur très doué, rapide et capable de franchir très souvent et de se défaire des marquages adverses pour finir près du panier. Sleepy Floyd a eu une carrière NBA très honorable malgré une certaine nonchalance dans son jeu et un manque de motivation apparent sur un terrain qui laissa observateurs et supporters sur leur faim alors qu’il aurait certainement pu devenir l’un des tous meilleurs joueurs de sa génération. Son surnom lui est d’ailleurs venu de ce constat, un sobriquet qu’il a longtemps détesté porté depuis l’école primaire, même si aujourd’hui la plupart des personnes qui le croisent ne connaissent sûrement plus son vrai prénom.


Une décennie de disette

Pour les Warriors, la fin du duo mythique Rick Barry, Al Attles dans les années 70 marqua une rupture brutale dans les résultats et les ambitions de la franchise. L’arrivée du très jeune technicien George Karl lors de la saison 1986-87 en provenance des Cavs de Cleveland était déjà considérée à juste titre comme un succès puisque la franchise californienne ralliera les phases finales pour la première fois depuis 1977. Une éternité pour les Warriors qui réaliseront leur meilleur bilan depuis cinq ans (42 wins) grâce un sprint final réussi (14-8).

Avant le début de la période Run-TMC, l’équipe disposait déjà de solides joueurs à chaque poste. Le pivot Joe Barry Carroll, néo All-Star tout comme Sleepy Floyd cette saison, qui affichait plus de 21 points au compteur par rencontre, l’ailier fort Larry Smith qui termina 7ème meilleur rebondeur de la ligue avec 11.5 prises par match, son pendant sur l’aile, Pervis Short (18.3 points par match), le sophomore Chris Mullin ainsi que plusieurs autres role players tels que Rod Higgins, Terry Teagle, Greg Ballard et Jerome Whitehead. Joueur essentiel de l’équipe durant la saison, Floyd réalisa sa meilleure saison sur le plan personnel, devenant All-Star pour la seule fois de sa carrière, mais surtout le seul joueur derrière Magic Johnson à l’Ouest à avoir tourné en double-double Points + Passes sur l’année avec 18.8 points par match et 10.3 passes décisives.


Spotlights et Showtime sur L.A.

Pas très loin de là, chez le voisin de la cité des Anges, les Lakers viennent de ponctuer la saison par un bilan de 65 victoires pour 17 défaites seulement, tout simplement leur deuxième meilleur bilan de l’histoire de la franchise après 1971-72 et le sixième de tous les temps à l’époque. Ultra prolifique en attaque (117.8 points par rencontre), il s’agit surtout de l’âge d’or du basket à L.A, la génération Showtime, l’une des plus grandes équipes de l’histoire de la ligue qui visaient ses sixième finales sur la décennie (huit en tout et cinq titres au final).

Une équipe composée ni plus ni moins de quatre futurs Hall of Famers. De son entraîneur adepte du run-and-gun, Pat Riley, emmenés par leur génial et non moins charismatique meneur de jeu, Magic Johnson, d’un pivot vétéran encore All-Star à 39 ans et d’un ailier à près de 20 points, 6 rebonds et 3 passes par match, les Lakers étaient au basket des années 80 ce qu’était Elvis au Rock’n’Roll ; Un véritable phénomène ! La franchise entretiendra durant la décennie une rivalité sportive légendaire avec les Boston Celtics de Larry Bird, autre équipe fantastique à voir jouer, rappelant ainsi les plus belles heures de l’histoire de la ligue. Durant la saison Magic (23.9pts par match), qui sera sacré MVP, va produire un basket absolument fabuleux, fait de passes plus incroyables les unes que les autres (12.2 offrandes par match pour le meneur) et rythmé par la vitesse et la réussite offensive de ses coéquipiers, donnant ainsi au basket un visage divertissant et extrêmement plaisant à voir jouer.


Un second tour à sens unique

source : NBA.com

Vainqueurs respectivement de Utah et Denver au premier tour, les Warriors ont du néanmoins batailler jusqu’au match 5 décisif pour venir à bout du Jazz des jeunes Karl Malone et John Stockton et du trentenaire Mark Eaton. Après avoir perdu les deux premiers matchs à l’extérieur, les Warriors vont devenir la première équipe à remonter un déficit de deux matchs, tandis que Sleepy Floyd tourna à plus de 20 points par match sur la série. Pour les Lakers l’affaire fut nettement plus simple, les californiens disposant très facilement des Nuggets d’un Alex English vieillissant et d’un Fat Lever bien trop juste face à un Magic tout feu tout flamme (18pts, 14ast, 7rbs de moyenne). En sweepant la franchise du Colorado par un écart moyen de 27 points, le rouleau compresseur semblait désormais inarrêtable.

C’était une opportunité incroyable, les Golden State Warriors affrontaient les puissants Lakers de Magic et Kareem, ainsi que James Worthy, avec qui j’avais une histoire en commun puisque nous avions grandi à Gastonia, en Caroline du Nord. Ils n’avaient pas perdu un seul match depuis le début des playoffs

Sleepy Floyd

Dans ce contexte, les Lakers étaient presque injouables lors des Game 1 et 2 pour des Warriors qui se sont déjà inclinés quatre fois en saison régulière au Forum d’Inglewood. Le tarif sera quasiment le même que pour Denver sur les deux premiers matchs, Golden State s’inclinant 125 à 116 puis 116 à 101 alors que Magic prendra rapidement le dessus sur son vis-à-vis. Lors du Game 3 au Coliseum d’Oakland-Alameda, Sleepy Floyd et ses coéquipiers vont subir un nouveau revers 133 à 108, le meneur terminant avec 14 points (0/3 derrière l’arc) et 12 passes, mais toujours en grande souffrance face à un Magic qui compilera son deuxième triple-double de la série, le treizième de la saison. La différence de talent et de réussite entre les Lakers et Warriors était flagrante à l’époque.

Floyd marqua respectivement 19, 11 et 14 points, des stats offensives bien loin de ses standards, la faute à la bonne défense de Michael Cooper et Byron Scott qui à tour de rôle mettront le meneur en échec. Le trash-talking de Cooper perturba énormément le meneur des Warriors qui failli en venir aux mains tellement le Laker contrariait le Warrior. Parce que le showtime à L.A. c’était aussi ça, le trashtalking, les high fives cette arrogance et cette gestuelle qui mettaient les nerfs à vifs des adverses, une véritable marque de fabrique pour l’époque.

Les Lakers faisaient preuve d’arrogance, ça ne fait aucun doute. Personne ne le nie, pas même les Celtics, ils ne peuvent donc pas le nier. Est-ce normal ? probablement. Mais à force de vous balancer cette arrogance au visage, ça finit toujours par en agacer certains.

George Karl

Le Sleepy Floyd Game

Lors du quatrième match de cette série, le début de la rencontre était conforme aux scénarios des trois premiers. Pendant plus d’une demi heure les Lakers étaient nettement devant au tableau d’affichage après trois premier quart-temps tous remportés avec plus de 30 points inscrits, et débutèrent le 4ème quart-temps avec une avance de 14 points (102-88). Dans un bon soir, Sleepy Floyd venait d’inscrire déjà 22 points, dont 10 rien que dans le troisième quart-temps pour maintenir son équipe à portée des Lakers, même s’il aurait fallu un exploit pour remporter ce match. Dès le début du dernier quart-temps, l’ex-meneur des Hoyas de Georgetown sera mis en échec par la défense d’A.C Green en manquant un floater près du cercle, ce sera son dernier raté de la soirée.

Sur les quatre premières minutes de cette période, Sleepy Floyd inscrira 15 des 17 points de son équipe, se jouant des défenseurs adverses comme s’ils n’étaient que de simples plots et faisant passer l’écart du match de -14 à -3. Les Lakers vont commettre énormément de perte de balles durant ce quart-temps, surtout dans les premières minutes, la faute à l’incroyable activité offensive et défensive sur le terrain du meneur. La défense de Pat Riley ne parvînt pas à stopper l’hémorragie, après cinq minutes de jeu, les Warriors appliquant une défense qui étouffe les angeliños. Le coup de chaud de Sleepy Floyd venait de leur coûter leur avance au score, Golden State passant désormais devant 109 à 106 après avoir infliger un sévère 30-4 en à peine cinq minutes de jeu.

Malgré le coaching des Lakers, Floyd était inarrêtable et franchissait allègrement les défenseurs avec une facilité et une aisance quasi-divines. Toute la panoplie technique y passe, des layups déposés sur la planche, aux floaters main gauche, main droite, en passant par les finger-rolls et les dunks, Floyd venait d’inscrire 26 des 28 derniers tirs de Golden State après dix minutes de match, sans inscrire le moindre jump-shots de près ou de loin. Il faudra attendre la deuxième moitié du quart-temps pour le voir prendre deux tirs mid-range, le premier après une feinte de course rentrante qui mettra Michael Cooper en PLS, puis le second sur un step-back jumper en déséquilibre, portant son total de point dans le quart-temps à 25 !

Plus ou moins épuisé et conscient que son équipe prenait le dessus et semblait se diriger tout droit vers une victoire, il inscrira son dernier panier à moins de trois minutes de la fin sur un dernier tir mid-range en sortie d’écran, avant de terminer son chef d’oeuvre par deux nouveaux lancers portant son total sur le quart-temps à 29 points ! Floyd ne marquera plus durant les dernières minutes de la rencontre, distillant néanmoins quelques passes (10 au total) pour ses coéquipiers, en maintenant un rythme soutenu en défense (4 interceptions). Certains diront plus tard qu’il aurait tout à fait pu inscrire 55 voire 60 points, mais Sleepy Floyd portait tellement bien son surnom que ce qui l’intéressait c’était de gagner afin de pouvoir rentrer se reposer en sachant pertinemment que les Warriors ne parviendraient pas à inverser le cours de la série après ce match.

Superman Floyd

C’était comme une décharge d’adrénaline. La foule nous supportait et la pression se fit ressentir sur les Lakers alors que nous commencions à dérouler. À ce moment là je ne nous voyais pas perdre cette rencontre. Lors du quatrième quart-temps, j’ai décidé de tout donner. Drive, tirs, passes peut importe puisque de toute manière nous étions quasiment éliminés. Je n’ai jamais été aussi bouillant dans toute ma carrière. Je ressens encore aujourd’hui cette sensation. Lorsque je rentrais ces jump shots et ces layups, j’avais l’impression que le cercle faisait trois mètres de large.

Sleepy Floyd

29 points sur un quart-temps, nouveau record en la matière depuis les 25 points de Isiah Thomas inscrit 48h plus tôt avec Detroit face à Atlanta. Eric « Sleepy » Floyd terminera la rencontre avec 51 points, dont 39 en deuxième mi-temps, inscrivant 12 tirs consécutifs dans le 4ème quart-temps (18/26 au final) avec seulement deux tirs primés et tout ça face au futur DPOY de la saison, Michael Cooper, et les Lakers Showtime de Magic Johnson, offrant la victoire aux Warriors 129-121. Des records en playoffs qui tiennent toujours.

Il était persuadé dans son esprit qu’aucune personne ne pouvait le stopper

Magic Johnson

Malgré un run de 21-6 dans le troisième quart-temps, les Lakers auront totalement laissé retombé le rythme en fin de rencontre, ratant leur tirs (4/16 contre 17/25 pour les Warriors), et concédant pas moins de cinq interceptions en l’espace de dix minutes. Los Angeles encaissera même 41 points dans cette dernière période, le plus haut total encaissé sur la saison par la franchise nonuple championne NBA.

Je n’ai qu’une chose à dire ce soir. À force d’aboyer trop fort on finit toujours par se faire mettre une muselière… Nous avons arrêté de jouer en attaque et en défense, pensant que les Warriors allaient faire de même et que ça nous rendrait la tâche plus simple avant de repartir vers L.A. Nous nous sommes comportés comme des novices.

Pat Riley

Il s’agit ni plus ni moins que de la deuxième meilleure performance de tous les temps en playoffs pour un joueur des Warriors, derrière les 55 points de Rick Barry en 1967. La meilleure performance individuelle face aux Lakers lors des séries éliminatoires, approchée seulement par Allen Iverson en 2001 (48 points). Prouesse légendaire et inattendue à la fois, elle fut en définitive bien dérisoire dans cette série puisque les Lakers concluront la série par une nouvelle victoire au Forum d’Inglewood 118 à 106 se dirigeant tout droit vers leur quatrième sacre en sept ans, mais le meneur de jeu aura au moins eu le mérite de rabaisser la fierté de cette équipe et d’avoir fait se lever les foules à San Francisco, ovationné par son public et félicité par ses pairs.

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