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Si l’héritage d’une équipe NBA se construit sur les parquets, l’impact des décisions prises et des trades effectués peuvent faire basculer le destin d’une franchise voire même de la ligue. La loterie qui détermine le placement des équipes pour la Draft a souvent contribué à la génèse d’incroyables scénarios. Considérée comme la soirée « highlight » des mauvaises équipes, la loterie offre l’opportunité à des organisations de se voir attribuer les premiers choix.
La loterie 2019 restera dans les mémoires avec cette montée insensée des Pelicans jusqu’à la première place, permettant ainsi à la franchise de sortir de la morosité ambiante qui pesait sur son avenir incertain. Avec la sélection du phénomène Zion Williamson, la franchise retrouve des couleurs et des ambitions, après avoir subit dans une même décennie les départs de Chris Paul (2011) et d’Anthony Davis (2019).
Une autre soirée « loterie » a apporté son lot d’émotions et d’incertitudes, celle de 2003. Il s’agit de la toute première loterie diffusée sur ABC. Rien d’étonnant quand on sait que les plus chanceux pouvaient s’offrir l’incroyable athlète lycéen de l’Ohio, LeBron James, le champion NCAA avec Syracuse, Carmelo Anthony, ou encore le surprenant sophomore au parcours historique lors de la March Madness avec Marquette, Dwyane Wade, sans oublier l’intriguant serbe au potentiel Nowitzkiesque, Darko Milicic.
Beaucoup d’équipes n’ont pas manqué de se saborder pour la saison 2002-2003 en s’infligeant un maximum de défaites. On retrouve les Cleveland Cavaliers (17v-65d), les Denver Nuggets (17v-65d), les Toronto Raptors (24v-58d), le Miami Heat (25v-57d), les Clippers (27v-55d) mais également les Memphis Grizzlies (28v-54d). Une situation particulière pour Memphis et son GM Jerry West, présent le soir de la loterie, en sachant que si le 1er choix ne lui était pas attribué, leur pick de draft reviendrait automatiquement à Joe Dumars, GM des Detroit Pistons.
Cette précision tient son origine dans un trade effectué six ans auparavant, en 1997 par le GM de l’époque : Stu Jackson. Un terrible nom qu’il ne faut en aucun cas prononcer dans le Tennessee.
« Nous savions toute l’année que nous n’allions pas avoir un joueur d’impact à la Draft à cause d’Otis Thorpe. C’est devenu une blague courante.Je ne pense pas que Stu Jackson aurait pu venir à un match des Grizzlies cette année-là parce que les fans de Memphis le savaient, tout le monde le savait. » Shane Battier ailier des Grizzlies de 2001-2006
Le 7 août 1997, les Grizzlies, basés à Vancouver, échangèrent un futur choix de draft contre le vétéran Otis Thorpe (35 ans). Un intérieur dont Detroit cherchait à se débarrasser suite à des tensions entre le joueur et le GM/coach Doug Collins. Thorpe ne jouera que 47 matchs sous ses nouvelles couleurs et fut envoyé à Sacramento avant la Trade Deadline de 1998. Les Grizzlies n’ont jamais dépassé les 23 victoires et déménagèrent à Memphis en 2001. Qui aurait pu croire en 1997 que cet échange allait finir par accoucher d’un scénario aussi capital pour Memphis avec la promotion la plus talentueuse de la décennie !
De retour en 2003, est-ce que Memphis pouvait garder son pick en obtenant la 1ere place ? Et bien ce soir là, Mr. Logo avait 6.5% de chances de tomber sur le 1st pick, sans oublier qu’il possédait également le 13e choix suite à un échange avec Houston en 1999 (Steve Francis). Pendant ce temps là, Detroit jouait le Game 3 des Finales à l’Est chez les Nets à quelques kilomètres de la cérémonie.
« Je déteste la loterie, je pense que c’est une chose horrible. Et je dis cela, en sachant que cela a plutôt bien fonctionné raisonnablement, il faut compter sur l’espoir. » Jerry West GM des Grizzlies
Ce soir là, Russ Granik qui était en charge de dévoiler les pancartes avec le logo de l’équipe, a subitement provoqué la stupeur lorsque la 6e pancarte qui devait mathématiquement être celle des Grizzlies, afficha le logo des Clippers. Les différents acteurs ont compris que Memphis avait chamboulé l’ordre en parvenant à monter dans la loterie. Puis ce fut au tour du Heat d’être placé cinquième, puis les Raptors en quatrième position. C’est à ce moment que la chaîne ABC a choisi de lancer la pub.
« Vous êtes assis là, effrayé par le fait que nous n’allions pas avoir notre choix et vous suppliez, « S’il vous plaît laissez-nous avoir ce choix. » Jerry West
Granik ouvre la troisième enveloppe : Toronto Raptors ! Memphis est donc à une place d’obtenir LeBron James et d’effacer huit pénibles années. Le destin de cette franchise est en train de se jouer, et si la malédiction sur cette franchise allait enfin s’estomper ?
« J’étais genre ‘merde’ on pourrait avoir ce gamin » Shane Battier
« Quand ils ont sorti la carte Nuggets au numéro 3, mon cœur s’est arrêté pendant les 60 secondes qu’il a fallu à Russ Granik pour révéler qui était le numéro 2.» Joe Dumars GM des Pistons
Finalement, la belle montée des Grizzlies s’arrêta à la deuxième place, Detroit récupéra ainsi les droits sur ce choix. La malédiction continua… Merci Stu Jackson. Le visage et la réaction de Jerry West à ce moment de la soirée en disait long sur son état d’esprit.
« Ce fut dévastateur pour la franchise de ne pas avoir ce choix. Nous avons pu bâtir une équipe respectable par la suite, mais imaginez qu’un joueur comme James joue pour votre équipe. C’était incroyablement décevant.Pour certains d’entre nous, nous étions remplis de colère parce que nous pensions, « Comment pourrions-nous ne pas avoir ce choix de draft protégé? » Avec toutes les bonnes choses qui ont été faites à Memphis et où elles en sont aujourd’hui, cette franchise aurait pu aller beaucoup plus loin. Ça fait mal de réfléchir. C’était une triste journée. » Jerry West
Ironie de l’histoire, les Pistons sont tombés sous le charme d’un serbe de 2m13 qui a été très bon lors d’un workout contre du vent et des chaises. Bien que Detroit fut champion cette année là ce choix de draft va les hanter à jamais. De leur côté, Memphis retrouva un peu de dignité grâce au tandem formé par les vétérans Jerry West et Hubbie Brown, coach de 70 ans à l’époque. Autour de Pau Gasol, Shane Battier, Mike Miller et Jason Williams, la franchise remporta 50 matchs et participa pour la première fois de son histoire en Playoffs. Imaginez ce que cette équipe aurait pu faire avec un James dans leur roster ?
*témoignages recueillis via ESPN