Tous les fans NBA connaissent: « The Decision ». Cette histoire, cette erreur de communication, ces paroles maladroites. Dans cet article, vous y trouverez des anecdotes et des citations de Pat Riley (Miami Heat), tirées du livre de Ian Thomsen: The Soul of Basketball.
13 mai 2010, LeBron James et les Cavaliers se font sortir prématurément au 2e tour des Playoffs face aux Celtics (2v-4d) et ce, malgré une saison extraordinaire (61v-21d). Un échec supplémentaire dans la quête du titre pour le « King » qui va devenir libre fin juin. Pour la première fois de sa carrière, James va pouvoir choisir sa destination.
En plus de Cleveland, cinq équipes ont pu obtenir un entretien dans l’Ohio avec LeBron James et son entourage : les New Jersey Nets avec leur nouveau propriétaire: le milliardaire russe Mikhail Prokhorov en compagnie de Jay-Z, les Chicago Bulls, les New York Knicks avec leur tout nouveau coach Mike D’Antoni, les LA Clippers et le Miami Heat.
Le Miami Heat est une jeune franchise âgée de seulement 22 ans mais qui possède dans ses bureaux depuis 1995, l’une des figures les plus célèbres de la ligue: Pat Riley. L’ancien arrière des Lakers dans les 70’s a été le coach des plus grandes stars de la NBA des années 80 aux années 2000: Magic Johnson, Kareem Abdul-Jabbar, Patrick Ewing, Shaquille O’Neal, Dwyane Wade…
Connu pour ses discours et sa rigueur de fer dans la préparation, le coach NBA aux cinq bagues de champion occupe le poste de président au sein de l’organisation du Heat. En charge de toutes les opérations basket, il avait établi un superbe plan quatre ans avant cette intersaison 2010.
« Depuis 2006, nous avons pensé à ça, […] que nous souhaitions avoir cette opportunité de les réunir. […] J’avais annoncé que cela allait être l’opportunité d’une vie de construire une équipe via la Free Agency. D’autant plus que vous avez l’un de ces joueurs. » se remémore Pat Riley, qui était encore coach et président du Heat à l’époque.
The Soul of Basketball
Champion NBA en 2006 avec les superstars Dwyane Wade et Shaquille O’Neal, le Heat a connu ensuite une sévère descente aux enfers. Les blessures à répétition de Wade et la surcharge pondérale du Shaq n’arrangent rien, et Miami présente le pire bilan de la ligue lors de la saison 2007-08. Lors de la Trade deadline, Riley surprend la ligue en échangeant O’Neal contre l’ailier des Suns Shawn Marion. Une transaction pas très bien vécue par Wade.
«A quoi vous pensez coach ? Comment allons-nous reconstruire une équipe pour gagner un titre ?» demanda Wade à son coach.
« Le plan était d’investir sur des contrats courts pour maintenir cette flexibilité pour l’été 2010. […] Il (Wade) était de plus en plus impatient. Il me disait : ‘Si tu penses que LeBron va venir ici, tu es en train de rêver.’ J’ai acquiescé de la tête, je ne connaissais pas LeBron comme Wade le connaissait. Mais je ne pouvais pas croire que si Dwyane Wade, LeBron James et Chris Bosh pouvaient avoir la chance de jouer ensemble, ils ne voudraient pas le faire. » Pat Riley
Riley a toujours eu la prétention de savoir mieux que les stars elles-même ce qu’il y a de mieux pour elles. En novembre 2009, lors de la réception des Cavaliers à Miami, Michael Jordan, (l’idole de LeBron James) est assis aux côtés de Pat Riley. LeBron et Jordan? Dans la même salle? La même ville? Riley aurait-il planifié cet éventuel rendez-vous?
« Je n’ai jamais fait ça. Ce sont des Fake News. Cela ne s’est pas passé comme ça. » Pat Riley
« Je me rappelle avoir reçu un coup de fil de Mike Fratello (ancien coach NBA et commentateur TV). Il m’a invité à dîner et Michael Jordan était en ville aussi, donc il est venu au dîner. […] Je l’ai invité pour le match et il m’a répondu : ‘Je viens au match seulement si je peux m’asseoir à côté de toi’. Donc nous voilà assis à côté pendant le match à parler de ce qui se passait en nous couvrant la bouche pour que personne ne puisse lire sur nos lèvres. On ne parlait que du match mais tout le monde pensait que je les avais réuni tous les deux ce soir là. » Pat Riley
« Il n’y a jamais eu de conversations sur LeBron, ou un meeting, ou les rassembler tous les deux. Pourquoi Michael voudrait m’aider de toute façon ? » Pat Riley
Peut-être qu’il a demandé à Dwyane Wade, ami de LeBron, de lui parler afin de le convaincre de signer à Miami?
« Je n’ai pas une seule fois demander à Dwyane : ‘Je veux que tu parles à LeBron’. Jamais. […] Si il l’a fait, c’est de son propre chef. Il savait que j’étais sur ces gars, que je préparai des rendez-vous si jamais on était sur leur liste. Et évidemment, on était sur leur liste. » Pat Riley
1er juillet 2010, les franchises ont le feu vert pour parler aux joueurs sans contrat. Ce jour là, Riley et le Heat envoient un lien internet pour James afin de préparer le terrain pour un futur entretien.
« Le 1er juillet, nous lui avons envoyé des identifiants pour se connecter sur un site contenant quatre parties différentes. D’une durée d’environ 30 minutes, sur la ville de Miami, la franchise, le propriétaire, notre quête de titres. Comme il s’est connecté, nous étions capables de voir où il s’est rendu sur le site. Il était très actif. Il a regardé notre présentation avant notre rendez-vous plus que n’importe quel autre joueur ne l’a fait. » Pat Riley
2 juillet 2010, le jour du meeting est enfin arrivé. Dans la salle, le Heat est représenté par Pat Riley (GM), Andy Elisburg (Assistant GM), Micky Arison (propriétaire), Nick Arison (vice-président et fils du propriétaire), Erik Spoelstra (coach) et Alonzo Mourning (ancienne légende du Heat).
En face, le camp de LeBron James est composé de son agent Leon Rose, et de ses amis de longue date Maverick Carter et Randy Sims.
« J’ai commencé par : je veux que tu comprennes que nous allons faire en sorte que la chose la plus importante reste la chose la plus importante » Pat Riley
Carter s’est mis à hocher la tête et à sourire. Il avait reconnu le début du livre ‘First Thing First‘ de Stephen Covey sur l’amélioration de soi.
« C’est le début du livre : la chose la plus importante doit rester la plus importante. Maintenant, la chose la plus importante pour nous est de gagner des titres. La chose la plus importante pour nous est la continuité, le management et le coaching. La chose la plus importante pour nous c’est l’engagement, un seul propriétaire qui peut prendre toutes les décisions pour gagner des titres, posséder sa propre salle, construire une culture afin de se préparer à jouer le titre. Et, nous pensons que toi, Chris et Dwyane pouvez faire quelque chose de vraiment spécial. » Pat Riley
Puis, Riley a enchaîné en présentant le propriétaire: Micky Arison. L’homme qui met l’argent sur la table, et qui ce jour là, a bien assuré à LeBron qu’il n’hésitera pas à dépenser.
« L’un des thèmes abordé lors de ce meeting, c’est l’homme qui dit ‘oui’. Il a dit ‘oui’ pour gagner. Il a dit ‘oui’ pour un contrat de 125M$ pour Alonzo Mourning, et même pas 20 secondes après, il a dit ‘oui’ pour un autre contrat de 105M$ pour Juwan Howard, et après pour P.J. Brown et après Dan Majerle, et puis Brian Grant, et puis pour Eddie Jones et plus tard Shaquille O’Neal. […] Dès que Micky aperçoit une fenêtre pour le titre, et il est assez intelligent comme homme d’affaire pour voir ça, il dira ‘oui’. Il est en train de dire ‘oui’ à toi, à la taxe, et à tout le reste. » Pat Riley
Riley a laissé ensuite Spoelstra et Arison prendre en charge la suite de l’entretien avec à l’appui des vidéos sur comment LeBron pourrait s’intégrer dans l’équipe. Alors que la présentation continue, Pat Riley sort de sa valise, un graphique et un sac.
« J’ai posé le sac juste à côté de moi sur la table et j’ai sorti un autre graphique et l’ai posé sur la table. » Pat Riley
James n’était pas intéressé par le graphique, mais plus par le sac.
« LeBron m’a demandé : ‘Qu’est-ce qu’il y a dedans ?’ Ensuite, LeBron l’ouvre et le vide sur la table. Il y avait 35 bagues différentes. » Pat Riley
En 2006, le bijoutier Jostens avait créé une demi-douzaine de modèles pour célébrer le titre du Heat. Riley avait gardé ces exemplaires dans ce sac avec toutes celles qu’il avait accumulé depuis ses années au collège.
« Il a joué avec pendant un moment. Il avait ce sourire sur son visage et il disait : ‘Quelles sont ces bagues ?’ J’ai répondu : ‘Ce sont des bagues de All-Star’. J’étais habitué à me déplacer dans le vestiaire (des All-Stars de la conférence Ouest) et tous les joueurs voulaient me huer car ils me voyaient chaque année. » Pat Riley
Pat Riley a coaché l’équipe All-Star de l’Ouest 8 fois en 9 ans. De plus, il avait 6 bagues de champions avec les Lakers, en tant que joueur, assistant coach, une bague pour son entrée au HOF en 2008 ect… En face, LBJ n’avait rien dans son sac imaginaire, et ça, Pat Riley le savait bien.
Riley poursuivit l’entretien en évoquant les superteams et les titres.
« Une partie de ma présentation était sur les superteams, des équipes qui ont gagné plusieurs championnats […], qui ont minimum trois joueurs que l’on peut considérer comme des superstars. Des grands joueurs qui ont sacrifié points, rebonds, et toutes ces choses pour remporter le titre. » Pat Riley
« C’est essentiel. Tu ne vas pas gagner de titre en ajoutant simplement des gars. Cleveland a tout tenté pour toi. Toronto a tout tenté pour Chris. Mais ils ne pouvaient pas vous entourer des joueurs dont vous aviez besoin pour gagner un titre. […] Il y aura un tout autre niveau d’attente, qui sera plus élevé que lors des années « Chosen-1 ». Tu dois gagner maintenant, car si ce n’est pas le cas, ce sera un échec monumental. » Pat Riley
4 juillet 2010, Pat Riley reçoit un appel de Leon Rose qui lui assure que les trois stars se dirigent bien vers Miami. Mais Pat Riley sait bien que cet appel n’est pas pour autant une confirmation. Wade et Bosh continuaient leurs meetings. Pat Riley n’a pas pris le risque de harceler ces stars et de leur mettre la pression malgré l’incertitude et la nervosité ambiante.
« Bon, si on n’a pas ces trois gars et qu’ils décident d’aller ailleurs, alors on aura 48M$ à dépenser. Et il nous reste Mario Chalmers et Joel Anthony. » Pat Riley
8 juillet 2010, le jour J. L’émission ‘The Decision’ a lieu, malgré les réticences de nombreuses personnes au sein de la ligue.
« Je n’étais pas d’accord avec ça (avec le show TV). J’ai dit : ‘Ne fais pas ça !’ S’il allait vraiment le faire, il aurait du d’abord se diriger vers le bureau de Dan Gilbert et lui dire. » Pat Riley
Wade et Bosh avaient annoncé leurs intentions de signer avec le Heat un jour plus tôt, et LeBron venait de prononcer ces mots inoubliables:
« I’m going to take my talents to South Beach and join the Miami Heat » LeBron James
« Quand il a dit ça, j’ai hurlé ! J’ai célébré avec Micky Arison et couru dehors et je pouvais entendre des cris de joie et des applaudissements partout dans South Beach. C’était une expérience incroyable. » Pat Riley
« Cette nuit, à 3h du matin, on s’est retrouvé à l’aéroport. Il y avait deux jet privés qui ont attéri. Je me rappelle m’être dirigé directement vers LeBron, il était épuisé. Il avait presque les larmes aux yeux. » Riley
Déjà à ce moment, le camp du joueur était au courant à propos de la terrible lettre accusatrice du propriétaire de Cleveland, Dan Gilbert.
« Cette lettre leur a vraiment fait du mal. LeBron m’a simplement pris dans ses bras puis s’effondra. Et je me rappelle juste que tout cela semblait trop lourd pour eux. Ce n’était pas comme s’ils étaient heureux d’être à Miami. Il venait juste de couper le cordon avec sa vie à Akron (Ohio), et cela demande énormément de courage pour faire ça» Riley
9 juillet 2010, Wade, Bosh et LBJ ont demandé à Pat Riley un contrat de 6 ans, ce qui signifie que Miami doit négocier un sign and trade avec Cleveland et Toronto un jour après ‘The Decision‘.
« Les échanges ne furent pas une partie de plaisir. » Pat Riley
Dans les négociations, Miami a dû lâcher deux choix de 1er tour de draft ainsi que deux 2nd tour. Toronto a également récupéré des choix de draft, de quoi compromettre l’avenir à long terme de la franchise floridienne.
« On les avait en fait avec nous dans notre bureau avec leurs familles et leurs représentants. Tout le monde étaient souriants et heureux et la dernière chose que vous voulez dire c’est : ‘On ne peut pas faire ces transactions’. Et d’entrer dans un débat. Henry Thomas (agent de Bosh et Wade) m’a dit : ‘Ces gars en valent la peine.’ » Pat Riley
Mais, ces stars ont tout de même accepté de réduire leur salaire annuel afin de signer d’autres joueurs, James voulait jouer avec Mike Miller puis Wade a voulu faire prolonger son ami de longue date: Udonis Haslem. Les autres recrues n’ont pu signer qu’au minimum salarial.
« On avait 7 joueurs dès le départ puis tout le monde a commencé à nous appeler. ‘Voulez vous Juwan Howard pour le minium ?’ On a eu Ilgauskas au minimum, on a eu Eddie House au minimum. Avant que vous vous en rendiez compte, on a pu construire un effectif rempli de solides vétérans pour cette première saison. » Pat Riley
10 juillet 2010, le Heat organise une grande fête au sein de leur salle, pour avoir assemblé le Big Three. Pat Riley reconnaît un manque de classe et d’humilité, surtout après le show TV de James.
« Je me souviens quand je suis arrivé, je n’en revenais pas de voir 18000 personnes dans cette salle. […] C’était la même chose pour Shaq […] Il y avait des milliers de fans pour lui. Dwyane m’avait dit : ‘faisons quelque chose plus grand que ça’. […] Je savais que ça allait être quelque chose, mais je n’avais jamais envisagé ça. C’est de ma faute. Mettez tout ça sur mon compte. » Pat Riley
LeBron James, la superstar la plus généreuse et la plus altruiste des parquets venait de décevoir un nombre incalculable de fans avec ‘The Decision‘, ce dernier a enchaîné avec des phrases maladroites pour certains, et remplies d’arrogance pour d’autres.
« Not two, not three, not four, not five, not six, not seven… » s’exclama James en réponse au nombre de titres que le Heat va remporter.
Le boss du Heat est bien conscient de cette maladresse, surtout dans un tel contexte. Il est évident, que si c’était à refaire, il ne répéterait pas la même erreur.
« Cela a jeté de l’huile sur le feu. […] Je pense que si j’avais porté plus d’attention à cet événement et à comment les présenter, une conférence de presse aurait fait l’affaire. Si c’était à refaire, je l’aurai modifié et fait de manière plus sensée. C’était dingue ! » Pat Riley
Le début de l’aventure des Tres Amigos n’est pas encore commencé que beaucoup souhaite l’échec de cette formation. Une situation complexe et inédite pour l’expérimenté Pat Riley.
« C’était réellement bizarre, la façon dont ça s’est terminée. Je fais parti de cette ligue depuis 50 ans , j’ai été dans de nombreuses situations qui ont créé de la controverse ou pas, des célébrations, des belles histoires, des mauvaises histoires. Mais celle là est tout en haut de la liste des plus négatives envers LeBron. Et il n’y avait pas mille façons de l’aider à part de traverser cette épreuve avec lui. » Pat Riley
*extraits recueillis dans le livre de Ian Thomsen: The Soul of Basketball: The epic showdown between LeBron, Kobe, Doc, and Dirk that saved the NBA.