À moins d’un an des Jeux Olympiques de Tokyo, Clutch Time vous propose, à travers une série d’articles, de revenir sur des grands moments de basket à jamais gravés dans l’histoire des jeux.
Cette semaine Clutch Time nous emmène de l’autre côté du globe durant l’été 2000. Absente du tournoi depuis 1984, l’équipe de France masculine de basket est de nouveau présente pour ces Jeux Olympique et est en passe de réaliser l’un des plus grands exploits de son histoire en y affrontant les redoutables américains en finale pour la médaille d’or.
Les Jeux du siècle
Pour cette année symbolique, la 27ème édition des Jeux Olympiques se déroulent pour la seconde fois en Australie (après Melbourne 1956). Durant la quinzaine olympique plusieurs athlètes vont se mettre en évidence à l’image de l’aborigène Cathy Freeman, porteuse de la flamme olympique et star locale de l’athlétisme qui va remporter devant son public la médaille d’or du 400m. Pour nous autres français, qui suivront l’évènement à quelques 17 000km, l’exploit de ces jeux fut ni plus ni moins que la médaille d’argent de l’équipe de France de basket masculine. Alors qu’on attendait sûrement les filles sur un podium olympique, ce sont bien les hommes de Jean-Pierre de Vincenzi qui vont monter sur la boîte pour notre plus grand plaisir.
L’équipe de France de Basket
L’équipe de France avant ces Jeux est loin d’être le cador du basket mondial que l’on connaît aujourd’hui. La France n’est plus montée sur un podium international depuis plus de quarante ans (Euro 1959), pire encore ces Jeux représentent la seule compétition internationale (hors-Euro) de la décennie, les premiers depuis 1984. Une véritable renaissance donc pour le basket français qui néanmoins ne compte plus dans ses rangs les Dubuisson, Dacoury et Ostrowski, génération dorée du basket français des années 80-90. Alors pour préparer ces Jeux, le staff des bleus embarquent plusieurs nouvelles figures montantes du basket tricolore avec en tête Antoine Rigaudeau. Le futur Hall of Famer FIBA incarne ce renouveau de l’équipe de France avec laquelle il côtoie le meneur Laurent Sciarra, le pivot Cyril Julian et l’ailier (et capitaine) Jim Bilba.
Préparation olympique
Après un Euro 1999 à domicile encourageant (4ème) de Vincenzi emmène avec lui un groupe de douze joueurs, majoritairement issus du championnat de Pro A de basket pour Sydney. Si Tariq Abdul-Wahad (Orlando Magic), premier joueur français évoluant en NBA depuis 1997 n’est pas présent tout comme Alain Digbeu (Barcelone) c’est parce que le joueur entretien des relations conflictuelles avec le staff et dans le vestiaire. Il sera remplacé par Yann Bonato (Limoges) accompagné du naturalisé Crawford Palmer. La sélection française olympique entame son parcours par une série de six victoires pour une défaite (face à la Croatie) durant les matchs de préparation du mois d’août en France. C’est donc avec le plein de confiance que Rigaudeau et sa bande embarquent direction Sydney pour y affronter les meilleures nations du basket.
La » Dream Team » IV
Face à eux, les Bleus auront la malchance de tomber dans le groupe des États-Unis, triples tenants du titre. La sélection américaine, réputée invincible depuis que les joueurs professionnels sont autorisés à prendre part aux tournois internationaux, envoie à Sydney un effectif très impressionnant. À l’exception du duo Kobe-Shaq’, Tim Duncan, Grant Hill ou encore Allen Iverson, la « Dream Team » quatrième du nom présente un roster cinq étoiles. De Ray Allen à Vince Carter, en passant par Kevin Garnett, Tim Hardaway, Allan Houston ou encore Jason Kidd, Gary Payton et Alonzo Mourning, les plus grandes stars de la NBA sont bel et bien présentes en Australie. Dirigées par le duo Tomjanovich – Brown, les américains sont déterminés à conserver leur titre et effacer la troisième place du mondial 1998.
Des débuts compliqués
Après deux défaites et une victoire en amical au pays des kangourous, les bleus se retrouvent dans un groupe très relevé, composé entre autres des USA, mais également l’Italie championne d’Europe et la Lituanie, médaillée de bronze à Atlanta. Les bleus entament néanmoins le tournoi par une victoire probante face à la Nouvelle-Zélande (76-50), autour d’un Yann Bonato qui confirme le choix du sélectionneur de l’avoir retenu en lieu et place d’Abdul-Wahad qui termine meilleur marqueur du match avec seize unités. La joie sera de courte durée, les lituaniens, pourtant privés de Marciulionis, ramenant les français sur terre avec une large défaite (81-63) durant laquelle Einikis et Jasikevicius vont se faire plaisir sur la défense française. Rigaudeau avec treize points inscrits n’a rien pu faire pour éviter la débacle. Les français vont néanmoins se ressaisir face aux chinois (82-70) de Yao Ming (14pts, 6rbd). Le duo expérimenté Foirest-Rigaudeau va inscrire 51 des 82 points de l’équipe, Julian ajoutant au passage 11 points et 7 rebonds et permettant à la France de rester dans la course pour les ¼.
C’est donc deux affiches décisives qui s’offrent aux Bleus. En affrontant d’abord les italiens de Bogdan Tanjević, les bleus vont une fois encore flancher en seconde mi-temps face à une solide défense transalpine et punie par l’italo-britannique Carlton Myers (24 points, 4 passes). Laurent Sciarra sort tout de même une bonne prestation individuelle (17 points) accompagnant Bonato (14 points) mais la France s’incline et se retrouve désormais face à une montagne.
Pour son dernier match de poule, la France doit se mesurer aux américains qui marchent sur l’eau (100 points par match inscrits pour 66 encaissés). Le deal est simple la France est quasiment assurée de terminer 4ème de son groupe et de jouer les ¼ après la défaite logique des chinois face à la Lituanie. Il faut donc que la France ne perde pas de plus de cinquante points pour éviter l’élimination. Cette équipe fera encore mieux en rivalisant les yeux dans les yeux avec les ricains en deuxième mi-temps (46-47) ne perdant que 106 à 94. Au-delà de la prestation française, Sciarra en tête (21 points), ce match restera dans les mémoires pour le geste stratosphérique de Vince Carter, dunkant littéralement sur la tête de Fred Weis et ses 2,18m, un dunk qui reste à coup sûr comme l’un des plus impressionnant de l’histoire.
Des bleus au panache
La France s’en sort difficilement et retrouve le Canada de Steve Nash en ¼ de finale. Une belle affiche pour un bien bel adversaire. Si Nash n’est pas encore le meneur en puissance qu’il fut au milieu des années 2000 (deux titres de MVP), il n’en reste pas moins que le Canada dispose d’un bel effectif, atour de son duo NBAer Nash-MacCulloch. Auteurs d’une première mi-temps maîtrisée, (38-23) les français vont tenir le match pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin. Malmené par la bonne défense des français, Nash termine avec seulement 10 points et 6 passes et 8 pertes de balle et doit s’incliner 68 à 63 face à de bons français (Sciarra à 17points et Rigaudeau 15 points).
Quelque chose s’est débloqué dans le jeu des français depuis le match face aux américains et les canadiens en firent les frais assez rapidement. Désormais en demi-finale, l’équipe de France croise la route des australiens et de leur redoutable duo Gaze-Heal. Les dinosaures trentenaires sont des habitués du tournoi olympique et participent déjà à leur cinquième et quatrièmes olympiades et tout comme leurs aînés Oscar Schmidt et l’américaine Teresa Edwards, ils dominent encore assez nettement (35 points à eux deux par match).
Mais les français emmenés par un Laurent Sciarra intenable une fois encore (16 points, 7 passes). Dans un vrai récital offensif (50 % d’adresse dont 8/19 à 3pts), Antoine Rigaudeau (13 points), Risacher (11 points) et Weis (11 points, 9 rebonds) vont prendre le dessus sur les locaux devant près de 15 000 supporters médusés. Fred Weis, victime face aux américains, va littéralement dominer son adversaire direct, Luc Longley (triple champion NBA). Une victoire large 76 à 52 et les portes de la finale qui s’ouvre pour cette surprenante équipe de France.
Une finale pour rêver
Que ne fût pas la surprise générale de cette qualification pour la finale olympique. Partout en France on parle désormais du « chef d’œuvre de Sydney ». Les hommes de De Vicenzi réalisent ce qu’aucune autre équipe n’avait fait depuis 1948 et les jeux de Londres. Un demi-siècle de désillusion et voilà les bleus du basket de retour au plus haut niveau, en passe de défier les redoutables américains. Tout un symbole alors que plus tôt cet été, la jeune génération des U18 de Tony Parker, Boris Diaw et Mickaël Pietrus remporta le titre européen en Croatie.
Team USA bis repetita pour les bleus. Après leur défaite encourageante et pleine de promesse lors du dernier match du groupe A, les américains aussi sont passés par plusieurs émotions. Accrochés par les russes en ¼ de finale (85-70) les hommes de Tomjanovich ont eu toutes les peines du monde à se défaire des lituaniens en demi et sont passés tout proche du correctionnel (85-83) face à un Sarunas Jasikevicius en feu (27 points). Invaincus après sept rencontres et bien partis pour tripler leur gain de l’or olympique, les américains sont néanmoins bousculés et pointés du doigt pour leur comportement sur les terrains souvent condescendant et à la limite du fair-play. Raison de plus pour Rigaudeau et sa bande de faire tomber cette Dream Team plus accessible que les précédentes.
Le match démarre rapidement à l’avantage des américains qui prennent le large après dix minutes de jeu. L’équipe de France joue avec ses tripes, pose ses systèmes et son jeu qui lui ont permis d’arriver jusqu’en finale. À l’image de Fred Weis et Cyril Julian (11 points) qui tiennent la raquette et empêchent les USA de dérouler leur jeu. Menés à la mi-temps (46-32) les bleus ne lâchent rien et continuent de poser leur jeu et leur circulation de balle pour revenir à moins de dix longueurs des USA.
Les américains restent devant avec une avance confortable à moins de dix minutes de la fin du match. Mais Laurent Sciarra et Rigaudeau ne l’entende pas de cette oreille. Battus quelques jours auparavant par Carter et sa bande, les deux meilleurs marqueurs français vont à tour de rôle faire un rapproché au tableau d’affichage et c’est toute l’équipe qui élève ainsi son niveau de jeu et provoque les fautes et l’agacement côté américain. Avec encore quatre minutes à jouer les français sont revenus à quatre points.
Un exploit semble alors envisageable, les stars américaines peinent à remettre du rythme et de l’avancée. Mais l’arrogance et le mental dont ont fait preuve les champions olympiques en titre leur servira à terminer le match en roue libre pour finalement l’emporter 85 à 75, dans une finale qui restera à n’en pas douter comme la plus difficile à remporter pour une Dream Team face à une courageuse et épatante équipe de France qui pose les jalons des succès à venir pour le basket tricolore.
Laurent Sciarra termine pour la cinquième fois de suite meilleur marqueur côté français (19 points) bien secondé par plusieurs autres joueurs qui termineront en doubles figures (15 points pour Risacher, 10 points pour Rigaudeau et Palmer). En dépit d’un bilan de trois défaites en cinq matchs de groupe, la France est parvenue à la force de son groupe et de son mental à gravir les échelons de la compétition et créer la plus grande surprise de son histoire aux Jeux.