Fraichement débarqué de Philadelphie durant l’été 1992, Charles Barkley va emmener les Phoenix Suns en finales NBA au terme d’une saison grandiose, la meilleure de sa carrière.
Le 17 juin 1992, les Phoenix Suns envoient Jeff Hornacek, Tim Perry et Andrew Lang aux 76ers de Philadelphie et obtiennent Charles Barkley. Ce dernier n’en finissait plus de rendre fou de rage les dirigeants de la franchise de Philly et ne cachait plus du tout ses envies de départ. « Chuck » veut une bague de champion NBA et pense que les 76ers ne peuvent pas l’aider à atteindre son objectif. Un échange avait initialement été annoncé avec les Lakers, mais Philly a vite annulé la transaction. Voilà donc Sir Charles dans l’Arizona, au sein d’une équipe ambitieuse qui veut s’affirmer parmi les meilleures dès cette année. « Je suis membre des Phoenix Suns et maintenant je suis très heureux, déclare-t-il à la presse lors de sa présentation. Je crois que j’avais envie de changer d’équipe, et je veux pouvoir gagner le titre. Je suis ravi de pouvoir jouer aux côtés de Kevin Johnson et Dan Majerle. Je n’ai pas joué avec de tels joueurs, deux all-star dans la même équipe, depuis mes débuts à Philadelphie. » Charles Barkley devient la première véritable star des Phoenix Suns. Tout petit pour un poste 4 (1m94) et le fessier bien en arrière, il compense par une puissance athlétique exceptionnelle et un QI basket hors du commun. Capable de remonter la balle à toute vitesse comme un meneur mais également de prendre 3 rebonds offensifs de suite et d’aller chercher le panier avec la faute, comme des pivots bien plus grands que lui. Il est aussi réputé pour son caractère et n’hésite pas à faire dans la provocation. Charles revient d’une campagne olympique historique pour Team USA, où il remporte la médaille d’or et finit meilleur marqueur de l’équipe. Dans la cité de l’amour fraternel, Barkley est devenu un homme, ainsi qu’un basketteur complet. Alors à Phoenix, il veut devenir le meilleur.
Les Suns ont également obtenu Danny Ainge et ont drafté le gros nounours Oliver Miller (2,09m pour 143 Kg). Le coach Paul Westphal, ancien joueur des Phoenix Suns avec qui il a joué les finales NBA 1976, dispose d’une équipe de qualité, avec entre autres Kevin Johnson, Dan Majerle, Cedric Ceballos, Tom Chambers ou Richard Dumas. L’équipe de l’Arizona inaugure à l’été 1992 sa toute nouvelle salle, l’America West Arena, qui remplace l’Arizona Veterans Memorial Coliseum, une arène devenue trop vétuste et jugée trop petite.
La saison 92-93 démarre sur les chapeaux de roues. Pour son premier match avec les Suns, Barkley colle 37 points aux Clippers, et ajoute 21 rebonds ,dont 12 offensifs, ainsi que 8 passes. Avec la victoire au bout, bien évidemment. En parlant de victoires, Phoenix va en enchainer 14 de suite durant le mois de décembre, devenant la septième équipe de l’histoire de la NBA à finir un mois invaincue. Barkley est élu joueur du mois de décembre avec des moyennes de 25 points, 13 rebonds et 5 passes. Il parait au sommet de son art et en 1993, toute la NBA craint les Phoenix Suns, véritable rouleau compresseur. Les Suns forment un collectif extrêmement bien huilé, où la bonne atmosphère règne en maitre. Paul Westphal est le coach de la situation et il parait gérer ses troupes comme un maestro. Sa science du jeu et son expérience NBA en tant que joueur font de lui un entraineur de qualité. Charles Barkley est récompensé pour la 7ème fois par une sélection dans le 5 de la conférence ouest pour le all-star game 1993, où il inscrira 16 points. Dan Majerle est lui sélectionné pour la 1ère fois. Une bien belle récompense pour celui qui fut hué par les fans de Phoenix lors de sa draft en 1988.
Avec un bilan de 62 victoires pour 20 défaites, les Suns battent leur record de franchise. Ils n’auront perdu que 6 petites rencontres à domicile. Barkley a joué le meilleur basket de sa carrière et est élu MVP, avec 25,6 points, 12,2 rebonds et 4,9 passes de moyenne, le tout à 52% de réussite au shoot et 30% à 3 points. « Sir Charles » est devenu une superstar de la ligue, sur et en dehors des parquets. On peut le retrouver dans plusieurs publicités. Il crée d’ailleurs la polémique dans une pub pour Nike, où il déclare ne pas être un exemple à suivre pour les enfants. « Le fait que je sache jouer au basket-ball ne signifie pas que je devrais élever vos enfants. » Voilà ce qu’était aussi Charles Barkley. Un personnage fort de café qui ne mâchait pas ses mots (et qui ne les mâche toujours pas).
A Phoenix, on avait jamais vu une telle excitation autour des Suns. Tout le monde ne parle que de « Sir Charles » et sa bande. L’America West Arena affiche complet à chaque rencontre. Les bus de la ville sont décorés de grands portraits représentant les joueurs. « C’est un honneur d’être sur un bus, mais je n’aimerai pas voir ma tête le matin » , lance Barkley.
L’équipe de Paul Westphal arrive en playoffs avec le statut d’épouvantail de la conférence ouest. Sauf qu’au 1er tour, les Suns perdent les matchs 1 et 2 à la maison face à de surprenants Lakers, emmenés par Vlade Divac, James Worthy, Byron Scott et A.C Green. A l’époque, le premier tour se joue au meilleur des 5 matchs et Los Angeles n’est donc qu’à une victoire d’un immense exploit. En conférence de presse, Paul Westphal déclare: « On va gagner cette série. On gagnera mardi (match 3), on gagnera jeudi (match 4) et on gagnera dimanche (match 5). Tout le monde dira que cette série a été formidable. » Et c’est ce qui se passe. Les Suns gagnent la série au terme d’un match 5 serré de bout en bout qui finira en prolongations. Les valeureux Lakers ont poussé la troupe de Barkley dans ses derniers retranchements et sont passés tout près d’un « upset » retentissant. Les 31 points et 14 rebonds de Charles dans le match 5 ne seront pas de trop pour aider son équipe à accéder au second tour.
Contre les Spurs de David Robinson, les Suns gagnent cette fois les deux premiers matchs à domicile, avec un gros match de Barkley (35 points, 10 rebonds, 7 interceptions) dans le game 2. Mais San Antonio va remporter les 2 joutes suivantes et remet les compteurs à zéro, grâce à un Robinson flamboyant dans le game 4 (36 points, 16 rebonds). Mais Phoenix, redoutable à la saison tout au long de la saison, va faire la loi et remporter les matchs 5 et 6. Barkley livre un nouveau récital dans le match final avec 28 points, 21 rebonds, 4 passes, 4 interceptions.
En finale de conférence, Phoenix retrouve les Supersonics de Seattle, 3èmes de la conférence ouest et tombeurs des Rockets d’Hakeem Olajuwon. Emmenés par leur monstre à 2 têtes Gary Payton – Shawn Kemp, ils vont poser énormément de problèmes aux Suns et prolonger la série jusqu’au game 7 décisif. C’est à ce moment là que « Sir Charles » va réaliser la plus grande performance de sa carrière. 44 points, 24 rebonds à 12/20 au shoot. Un récital qui envoie Phoenix en finales NBA pour la seconde fois de l’histoire de la franchise. Dans cette performance intemporelle, on retrouve tout ce qui caractérisait Charles Barkley sur un terrain de basket: de l’énergie à revendre, des rebonds offensifs par paquets (10 ce soir là), une science du jeu phénoménale et des transitions offensives dignes d’un meneur comme Kevin Johnson.
Les Suns retrouvent en finales les Bulls de Michael Jordan et Scottie Pippen. Ces derniers ont pour ambition de devenir la première équipe à réaliser le « three-peat » depuis les Celtics des années 1960. La tâche est ardue, l’équipe de l’Arizona ne part pas favorite mais elle donnera tout ce qu’elle a pour tenter de faire tomber les impitoyables Chicago Bulls. A l’exception du match 4 remporté par Chicago, aucune des deux équipes ne parviendra à l’emporter à domicile. Dans le match 2, Barkley plante 42 points et ajoute 13 rebonds mais Chicago l’emporte de 3 petits points et mène la série 2-0. Le match 3 est irrespirable et se termine en trois prolongations par une victoire des Suns, grâce à une énorme prestation collective des joueurs de Paul Westphal. Ce dernier devient d’ailleurs le premier (et seul pour l’instant) à avoir participé à 2 matchs de finale conclus par trois prolongations.
Dans le game 4, Michael Jordan est égal à lui-même, intouchable. 55 points pour « His Airness » et une victoire 111-105 des taureaux. Barkley déclare avant le game 5 : « Il faut sauver la ville! », en référence aux émeutes que craignaient les autorités de Chicago si les Bulls remportaient le match et donc le titre. Et en effet les Suns gâcheront la fête et reviennent à 3-2. Le rêve prendra malheureusement fin dans le match 6, un match que les Suns auraient pu remporter sans ce shoot terrible de John Paxson. Les Bulls sont champions NBA, les Suns sont vaincus et plus rien ne sera pareil pour Barkley, qui continuera d’être all-star mais ne passera jamais aussi près d’un titre NBA. Cette année là, « Sir Charles » a marché sur la ligue mais un MJ au sommet de son basket (4 matchs de suite à plus de 40 points dans les finales) aura finalement mis fin au rêve de toute une ville.