Micheal Ray Richardson, joueur de luxe et de luxure

Micheal Ray Richardson, et non pas Michael, un joueur d’exception, drafté devant Larry Bird, rivalisant avec Magic Johnson et qui finit à Golfe Juan en N2… Une descente aux enfers? Pas vraiment !

Un prince à New York

Micheal Ray Richardson vient au monde en 1955 au Texas, mais grandit et découvre le basket à Denver. D’abord formé comme intérieur au lycée, ses statistiques ont évolué au fur et à mesure que ses coachs l’ont éloigné du panier pour finir par en faire un meneur arrière de haut niveau.

Micheal passe par l’université du Montana où il mettra un certain temps à s’adapter. Sa discrétion, son bégaiement, le changement de région, et le fait d’être le seul joueur noir sur le terrain dans cette Amérique profonde, tout ça ne joue pas en faveur de son intégration. Celui qu’on va bientôt surnommer Sugar doit prouver sur le terrain ! Et il finira par le faire, notamment après un été passé à Denver où il réussit à s’entraîner avec les pros des Denver Rockets (ABA).

Et ce passage lui est bénéfique ! De retour dans le Montana ses chiffres ne sont plus les mêmes. Lui qui avait finit la saison précedente à 7,5 points pointe désormais à 18,2 points et 6 rebonds.

Après ça, le staff des Knicks fait de Sugar Ray le n° 4 de l draft 1978. Celui en qui certains voient le futur Walt Frazier est tout de même choisi avant Larry Bird! Ce n’est pas la draft du siècle, mais on note tout de même en n° 1 la présence de Mychal Thompson, très bon joueur bien que jamais All Star et papa de Klay Thompson.

MRR en action

Lors de sa saison Rookie MRR reste discret, bien que déjà adepte du trash talking. Intégrant l’équipe de Bob McAdoo, il tourne à 6,5 points et 3 passes en jouant 17 minutes par match.

Il débute sa 2ème saison sur le banc, mais finira par jouer 37 minutes par match. La légende dit qu’après une colère du coach à l’entraînement à propos d’un manque de leader sur le terrain, Micheal s’est tout simplement proposé et a su prouver qu’il avait les épaules pour ce rôle! Augmentant largement ses stats, il termine à 15,3 points pour 10,1 passes décisives, 3,2 interceptions et 6,6 rebonds. Troisième joueur à obtenir à la fois le titre de meilleur passeur et meilleur intercepteur de la ligue, il gagne là sa place au All Star Game, et aussi dans la All Defensive First Team.

A cette période on le compare au rookie Magic Johnson, mais avec la défense en plus. Il faut dire que MRR est dans sa meilleure période, il joue et enchaine les performances. All Star pour la deuxième fois en 1981, il finit la saison avec 16,4 points, 8 passes, 7 rebonds et 3 interceptions par match et une nouvelle fois All Defensive.

Saison 1981/82, Micheal continue sur sa lancée, 18 points, 7 passes, 7 rebonds, 2,6 interceptions et encore All Star! Troisième saison d’affilée où il ravit le Madison Square Garden avec son jeu complet mais ça ne suffit pas et les Knicks, et New York n’atteint même pas les playoffs.

De NYC, Sugar Ray ne connait pas que le Madison Square Garden. Les bas fonds de Big Apple deviennent de plus en plus son 2ème terrain de jeu, écumant soirées branchées et endroits mal fréquentés, la poudre qu’il y croise, ce n’est hélas pas que du « Sugar ».

Chute et renaissance en NBA…jusqu’à la sentence

Alors que l’avenir lui appartient sur le parquet des Knicks, le staff et surtout le nouveau coach Hubbie Brown poussent Micheal vers la sortie, engageant à sa place Bernard King, Richardson faisant le chemin inverse vers Golden State.

Le problème, c’est que sa réputation le précède: drogue, sorties, vie de luxe, tout le monde ne voit pas son arrivée d’un bon oeil. On l’observe à la loupe, on lui colle même un détective sur le dos et son contrat comporte des clauses liées à son addiction!

Son séjour aux Warriors sera de courte durée, 33 matchs puis retour à l’Est pour finir la saison avec 31 matches aux New Jersey Nets. Moins efficace au scoring et aux rebonds, il tourne à près de 7 passes et finit 1er de la ligue aux interceptions avec 2,8 par matchs.

Aux Nets, il trouve en Larry Brown un coach qui prend soin de lui et croit en sa capacité à rebondir. Il n’hésite pas à l’envoyer en cure de désintox, MRR accepte et ,en apparence du moins, montre sa volonté de s’en sortir. Oui mais voilà que Larry Brown s’en va! Et très rapidement en plus, quasiment du jour au lendemain, déclenchant un clash avec le club.

Sugar Ray a perdu ses repères et en 1983/84 ses stats plongent à tous les niveaux. Il fait des allers retours en cure, y va volontiers mais part avant la fin du séjour et retourne à ses vices… Il joue avec le feu, et ça commence à brûler. Les Nets le suspendent et Micheal rate 34 matchs cette saison.

De retour à temps pour les playoffs, il rappelle au staff et au public qu’il est toujours vivant! Notamment lors du game 5 contre les Sixers où il aligne 24 points et 6 interceptions pour permettre à son équipe de sortir les champions en titre.

La saison 84/85 est celle du retour en grâce pour Richardson. Il joue tous les matchs de saison régulière dans le 5 de départ, 38 minutes par match. Et la confiance est là: 20,1 points de moyenne, 8,2 passes et 5,6 rebonds, sans oublier 3 interceptions par match, n°1 de la NBA! Ce come back est ponctué de la plus belle des manières, par une sélection au All Star Game 1985 (le 1er ASG de Michael Jordan)

En pleine résurrection, après sa meilleure saison, Richardson voit son avenir se boucher. Malgré un bon début de saison, tournant autour de ses moyennes habituelles, avec notamment un match exceptionnel le 30 octobre 85 contre les Pacers (38 points, 11 rebonds, 11 passes, 9 interceptions, à une unité du quadruple double!), cette saison est la dernière pour Sugar Ray.

Toujours addict à la cocaïne, Micheal subit un troisième contrôle positif! Les médias considèrent la coke comme monnaie courante en NBA (la draft 86 en sera un bon exemple), un article de l’époque estime que 75% des joueurs en aurait déjà pris.

Et cette réputation ne plait pas au commissioner David Stern! Il décide de faire de Richardson l’ exemple d’une nouvelle politique de la NBA, et Sugar Ray se voit exclu de la ligue, à vie ! On est en février 1986 et c’est la première fois que la NBA prononce une telle sentence !

On sait bien que ce qui lui est reproché est réel, mais Micheal crie tout de même au scandale, laissant entendre que la NBA a prononcé son jugement sur fond de racisme, en référence au cas Chris Mullin, dont l’addiction à l’alcool est bien connue mais aussi tolérée. Cette histoire sera racontée par Chris Rock dans un documentaire en 2000 « What Ever Happened To Micheal Ray ».

Mais rien n’y fait, c’est la fin de la carrière NBA et Micheal Ray Richardson. Après 556 matchs (près de 15 points, 7 passes, 5,5 rebonds et 2,6 interceptions), 4 All Star Games et plusieurs récompenses individuelles, et à même pas 30 ans. Brutal ! Aussi brutal que le décès quelques mois plus tard de Len Bias après une overdose de cocaïne et avant son premier match NBA.

Partir loin, tout recommencer…

On passe ses expériences en CBA et USBL entre 86 et 88, aux US c’est NBA ou anonymat ! En 1988 Micheal Ray Richardson débute, à 33 ans, sa seconde vie en franchissant l’Atlantique. Cette décision sera la bonne, Sugar Ray ne vient pas pour rien puisqu’il restera 14 saisons en Europe!

Richardson et Gianluiggi Porelli, président du Virtus Bologne

Micheal démarre son road trip européen par l’ Italie, débarquant au Virtus Bologne en 1988. Dans ce championnat où l’argent est très présent à l’époque, il croisera son ancien coéquipier Bob McAdoo et un peu plus tard Darryl Dawkins.

A cette même époque, la NBA lui offre une seconde chance, sous conditions biensûr. Les Sixers se montrent intéressés, mais faute d’accord (ou d’envie?), le public américain ne reverra plus Sugar Ray sur ses parquets.

Et après tout la vie en Italie lui va bien! En 3 saisons à Bologne il ramène deux coupes d’Italie, et même une coupe des coupes en 1990 gagnée contre le Real Madrid. Cette année là, il a aussi rappelé à tout le monde qui il était: au All Star Game italien, du haut de ses 35 ans il plante 50 points.

En 1991, il signe en Croatie, à Split. Un bon choix en soi, mais le timing est plutôt mauvais. Le club triple vainqueur de l’Euroligue a vu partir sa star Toni Kukoc vers… l’Italie et la situation politique du pays est au plus mal.

Au passage, il n’en a pas tout à fait finit avec ses démons. Il est contrôlé deux fois positif à la cocaïne en 1991. Il conteste les deux, et ne sera pas inquiété plus que cela.

Après une saison, il revient en Italie cette fois à Livourne où il restera 2 saisons. Lui qui n’a toujours pas gagné de championnat voit les titres 1993 et 1994 partir à… Bologne !

En 1994, Micheal qui approche des 40 ans songe à la retraite. C’est sans compter sur l’attrait d’une fin de carrière sur la Côte d’Azur! Et voilà qu’arrive la superstar NBA sur les parquets de Pro A, à Antibes plus exactement!

A cette période Antibes fait partie de l’élite du basket français. Champions 1991, finalistes 1994, MRR arrive dans une équipe solide où il jouera aux côtés de Laurent Foirest, Stéphane Ostrowski et sous les ordres de Jacques Monclar. Et Micheal s’y sent bien, l’entente avec le jeune coach est parfaite et il trouve en David Rivers un compère idéal sur le terrain. Sa ligne de stats est aussi pas mal avec 15,7 points, 4,9 rebonds et 3,7 passes sans oublier les 2,4 interceptions traditionnels.

Dès sa première saison, il mène l’Olympique Antibes en finale du championnat. Leaders de la saison régulière, les antibois arrivent en finale contre Pau Orthez. Ils mènent 2 à 1, Richardson sort un match catastrophique au shoot (2 sur 17) et Pau s’apprête à égaliser à 2 partout. Quelques secondes à jouer, et Micheal sort de sa boîte un buzzer beater énorme qui donne le titre à son équipe! La légende est toujours en cours…

Les paniers de la finale 1995 du championnat de France

Après une demi finale en 1996, les résultats du club baissent. Alors qu’il tourne encore en 96/97 à 17 points de moyenne (à 42 ans!) Richardson ne veut toujours pas s’arrêter.

Il démarre la saison suivante en Italie, puis la finit à Cholet où il gagne la coupe de France. Puis il repart faire 2 saisons en Italie où il obtient par la même occasion la nationalité italienne.

Lors de la saison 2000-2001, Antibes est en difficulté et appelle MRR à la rescousse! Alors âgé de 46, il a la classe de revenir jouer 5 matchs pour aider son ancien club, se permettant 10 points et 6 rebonds par match à son âge! Bien dans la région, il joue encore quelques match en N2 à Golfe juan la saison suivante, puis c’est la retraite officielle.

A partir de 2004 on retrouve Micheal sur les bords du terrain en tant que coach en CBA puis au Canada. Il y passe une dizaine d’années, gagnant quelques titres de champion et une bonne polémique, histoire de montrer aux américains qu’il est toujours présent!

Micheal Ray Richardson, un joueur exceptionnel peut-être trop fragile ou trop instable, qui a marqué la NBA puis l’Europe tout en jouant avec le feu. Quel légende serait-il devenu sans la cocaïne? En tous cas nous savons bien ce que nous aurions nous manqué si la cocaïne l’avait emporté dans sa jeunesse.

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