Chaque semaine, Clutch Time vous propose une immersion dans l’univers de la grande ligue. Entre phénomènes identitaires et tendances extra-sportives, votre média basket analyse le paysage culturel de la NBA.
L’Éternité. Ne serait-ce pas l’idéal auquel aspirent tous les artistes, qu’ils manient un pinceau ou une balle orange ? Que les gens se souviennent de leur carrière. Que leurs exploits restent. Racontés encore et encore après que le buzzer sonne, et que leurs dernières secondes passées sur le parquet se soient écoulées. Malheureusement pour nous, les athlètes NBA n’ont pas accès à la fontaine de jouvence, (sauf Vince Carter). Un jour, il faut raccrocher ses baskets, et ensuite ? Que se passe-t-il dans la tête d’une superstar à la fin de son épopée ? Comment se réorienter lorsqu’on est un athlète professionnel ? Clutchtime vous propose une incursion inédite : direction les coulisses de la maison de retraite de la plus belle ligue au monde.
Raccrocher ses baskets, enfiler ses sneakers
Les dernières années ont été difficiles. Il a fallu évoluer avec son temps. S’adapter aux nouveaux systèmes de jeu en proposant une partition moins physique, plus technique. Accepter que les minutes passées sur le terrain soient en baisse, tout comme le montant de son contrat. Vieillir en NBA nécessite des trésors d’adaptation. Certains joueurs s’en sortent d’ailleurs mieux que d’autres, car leur profil, leur style de jeu intéressent toujours des équipes qui jouent le titre. Ray Allen a ainsi parfaitement réussi sa transition pour devenir un sixième homme de luxe pour le Heat champion en 2013, les Spurs s’en souviennent.
Les dernières années d’un vétéran ne sont pas forcément arides. Il incombe au joueur expérimenté la lourde et noble tâche de former les plus jeunes. Devenir un mentor pour les gloires de demain, c’est le rôle que joue à merveille Kyle Korver, proche de la fin mais toujours aux Bucks cette saison. Le quatrième shooter à 3pts de l’Histoire de la NBA participe à familiariser Giannis Antetokounmpo, MVP sortant, au tir à longue distance.
Cependant, un jour la dernière saison arrive. La sortie n’est pas identique pour tous les joueurs. Certains ont marqué la NBA de leur empreinte et ont le droit à une tournée d’adieu, les honneurs du public chaque soir. Viendront ensuite, le ou les maillots retirés et pour une poignée d’entre eux, le Hall of Fame : la consécration.
D’autres, désormais boudés par les franchises sont condamnés à partir dans l’ombre, plus sobrement. Parfois par dépit, lorsque l’accumulation des blessures et la fatigue du corps pousse à la retraite anticipée. Quelle que soit la forme du départ, elle ne doit pas minimiser ce que chaque joueur a apporté aux équipes NBA. C’est grâce à son travail acharné durant sa vie d’athlète qu’il a réussi à se hisser jusqu’à cette ligue compétitive.
Que reste-t-il lorsque vient le temps de raccrocher ses baskets ? Peut-être l’émotion, le soulagement, les souvenirs et la sensation d’une retraite méritée. Commence ensuite une nouvelle carrière.
S’accrocher à la NBA
S’accrocher à la NBA. Cela semble compréhensible quand le basket a été au centre des espérances, du développement d’un individu en tant que jeune adulte. La porte est parfois claquée à regret et nombreux anciens joueurs désirent préserver leurs liens avec la grande famille du basket. Plusieurs perspectives de reconversion s’offrent alors à eux.
La plus évidente est de travailler pour sa franchise de cœur, et les opportunités sont multiples. La voie royale pour ne pas trop s’éloigner des terrains reste le coaching. De nombreux joueurs se voient en tacticiens cérébraux et aspirent tout d’abord à un poste d’assistant coach, espérant prendre un jour les rênes d’une équipe. Ce parcours professionnel n’est pas le plus évident : les meilleurs joueurs ne font pas les meilleurs entraîneurs, bien au contraire.
Se faire respecter dans les vestiaires et gagner la confiance des jeunes par ses choix tactiques est un exercice souvent périlleux. En cas d’échec, le coach est souvent présenté comme un bouc-émissaire. La réputation d’un Magic Johnson, véritable magicien et métronome tactique n’a pas été consolidée par son expérience en tant que meneur d’hommes. Coach des Lakers en 1994, la franchise rate alors les playoffs pour la première fois depuis 18 ans.
Aujourd’hui, Tim Duncan et Becky Hammon, deux légendes du basket ball, secondent Gregg Popovich au coaching des Spurs et aspirent probablement à mener un jour une équipe au titre, comme ils l’ont fait durant leur carrière d’athlète.
En arrière-plan du coaching, de nombreux retraités s’intéressent à des postes associés au développement d’une franchise : Manager, Président ou Directeur Général des opérations basket par exemple. Cependant, un décalage persiste entre le jeu sur le parquet et le jeu derrière les bureaux. Si les retraités ont l’expérience de la ligue et de son sport, cette seconde carrière nécessite un apprentissage des qualités intrinsèques à un nouvel environnement entrepreneurial. Les réussites ne sont pas immédiates et systématiques. Larry Legend Bird fait peut-être exception à la règle. Le patron des C’s durant les années 1980 a été nommé successivement Coach of the Year et « Dirigeant de l’Année » avec la franchise de son État de naissance, les Indiana Pacers. Ce palmarès si varié illustre les capacités d’adaptation et de compréhension du basketball en tant que véritable science par Bird.
Enfin, en gravitation permanente autour de la ligue, les médias constituent une orientation de niche pour d’anciens joueurs beau parleurs. A l’aise face aux caméras lors de leur passage en NBA, ils constituent désormais un atout de séduction lorsqu’ils représentent un organe de presse ou de télévision. Charles Barkley, ou Big Shaq brillent en qualité de présentateurs pour le show Inside the NBA, diffusé sur la TNT. Un ravissement pour les nostalgiques de leur verbe corrosif. D’autres retraités/journalistes deviennent commentateurs des matchs ou consultants analystes de la grande ligue.
La NBA ne rechigne pas à solliciter les services de ses anciennes légendes. Ces partenariats sont d’ailleurs une opportunité pour les joueurs retraités qui s’adaptent à de nouvelles dynamiques professionnelles.
Ruine ou Business ?
“60 % des joueurs NBA sont ruinés après cinq années de retraite sportive. »
Source : « How (and why) athletes go broke » 23 mars 2009, Sports Illustrated.
C’est le triste constat que dressait le journaliste Pablo S. Torres pour Sports Illustrated en 2009.
Pourtant, les athlètes sont éligibles à une retraite confortable dès lors qu’ils ont passé plus de 3 saisons sur les parquets de la grande ligue. La NBA est la ligue sportive américaine qui prend le mieux soin de ses retraités avec une aide annuelle pouvant s’élever de 57 000 dollars à 195 000 dollars par an. Cette somme semble suffisante pour aspirer à une vie paisible, en prenant en compte les gains amassés en carrière et les investissements potentiellement réalisés grâce aux conseillers en patrimoine de la grande ligue.
Dès lors, pourquoi cette situation de ruine généralisée auprès des jeunes retraités ?
Probablement car la transition n’est jamais indolore et parfois brutale. Les athlètes quittent un encadrement quotidien imposé par leur franchise. Le relâchement est compréhensible, car la rigueur n’est plus de mise pour rester à un niveau compétitif. Si des anciennes stars comme Dwyane Wade s’imposent des séances de work–out régulières pour ne pas ressembler trop vite à un papy, d’autres profitent amplement de leur nouveau statut. Ces retraités n’ont pas attendu de raccrocher les baskets pour dépenser des sommes astronomiques dans les festivités. Cependant, la liberté acquise incite à la démesure. Les dépenses qui s’accumulent mènent pragmatiquement à la ruine.
Dennis Rodman est connu pour son train de vie de clubber déjanté et ses déboires financiers. Totalement fauché mais fidèle à son idéal de luxure, il s’est résigné à jouer des matchs de gala aux cachets faramineux pour survivre financièrement. En 2005, il jouait une rencontre officielle en territoire finlandais : 17 minutes de jeu et 50 000 dollars dans la poche.
Si Pippen, Iverson ou Shawn Kemp ont eux aussi bataillé avec leurs comptes en banques, d’autres superstars se sont heureusement révélés de redoutables businessmen.
Le plus emblématique reste Michael Jordan. Son altesse des Bulls a érigé sa marque éponyme en modèle marketing et commercial mondialisé. Partout sur la planète, les chaussures signatures ou produits dérivés du logo Jumpman inondent les marchés locaux.
En 2020, le magazine américain Forbes tient Jordan à la 1281ème place des plus grandes fortunes mondiales. L’ex numéro 23 détient un capital qui s’élève à 1,9 milliards de dollars. Il est devenu propriétaire des Charlottes Hornets en 2010, pour 175 millions de dollars. Encore un investissement fructueux de la part du GOAT, car la valeur de la franchise a été multipliée par 10 en une décennie.
A 35 ans, la rupture avec son travail, sa passion, peut sembler difficile pour un joueur NBA. Les athlètes professionnels doivent cependant assurer leur transition vers une seconde vie. Plus éloignés de la lumière médiatique, de la pression des parquets, nombreux d’entre eux se refusent pourtant de quitter totalement l’amour des fans et de la grande famille NBA. Parfois présentes au premier rang spectateur d’un match, les anciennes gloires accompagnent la nouvelle génération de joueurs dans le sillage de leurs souvenirs sur les parquets.