Avec l’arrivée du nouveau contrat de la WNBA qui offre une vision positive quant à la direction que prend le Basket féminin, ClutchTime vous propose de revenir sur l’histoire d’une femme unique dans l’histoire de la balle orange, une pionnière qui n’a jamais éprouvé l’envie ou le besoin de le devenir.
Denise Long est née en 1951 dans une petite ville de l’Iowa nommée Whitten et peuplée d’environ 170 habitants. Joueuse du Lycée Union-Whitten de 1965 à 1969, Denise démontre tout son talent aux yeux du monde, lui offrant l’insigne honneur de devenir la première femme draftée en NBA. Pourtant, cette petite fille de l’Iowa n’a jamais eu l’intention d’avoir un tel impact sur son sport, son seul souhait par-dessus tout était de devenir championne avec son Lycée.
La naissance d’une Pionnière
Denise Long n’est pas née dans le Basketball, durant son enfance, son premier amour fut le Baseball ainsi que le Cheval. Ce n’est que vers ses 14-15 ans que son coach de basket lui fait vendre son cheval pour se concentrer intégralement au Basket-ball, décision fortement influencée par la présence de sa sœur.
La sœur de Denise était son modèle dans la vie et motivée par l’envie de devenir la meilleure joueuse de Basketball de l’Iowa, elle souhaitait venger sa sœur qui a connu un certains nombre de défaites et de déceptions dans sa carrière, incitant Denise à se concentrer avec toute son énergie dans ce sport.
Poussée également par l’envie de faire plaisir à son coach, elle fait preuve d’une éthique de travail remarquable avec plus de 4 heures d’entraînements par jour et surtout aucune excuse pour ne pas devenir la meilleure.
À tel point qu’un journaliste sportif passera un jour par le parc où elle s’entraîne habituellement et y croisera Denise, s’entraînant sous – 11 degrés. Cela le pousse même à écrire un article sur cette scène incroyable.
Selon Denise elle-même, c’est en 6th Grade, à l’âge de 11 ans, qu’en battant une équipe de fille de 2 ou 3 ans plus âgées, qu’elle réalisera que non seulement elle aime ce sport mais également que ce sport a l’air d’être innée chez elle et c’est donc a 12 ans qu’elle fait un pacte avec elle-même afin de devenir la meilleure joueuse de Basket de la région.
Ailière de pas moins d’1 mètres 80, sa spécialité demeure alors le shoot à distance avant même que la ligne de 3 points n’existe, cela lui permettra de dominer très facilement sa ligue lycéenne avec plusieurs matchs à plus de 100 points. Cette domination fut notamment marquée par son match de 111 points inscrits contre le Lycée de Dows où Denise fera sortir sur faute la quasi-totalité de l’équipe adverse.
Denise Long joue pendant 4 ans pour le lycée d’Union-Whitten de 1965 à 1969 dans une ligue féminine très différente d’aujourd’hui car 12 joueuses étaient alors alignées sur le terrain en même temps avec du 6 contre 6.
Cette façon de jouer très différente a offert une grande notoriété à la ligue féminine lycéenne de l’époque qui favorisait de grosse performance offensive et des matchs avec des équipes à plus de 200 points. D’ailleurs, lorsque l’on voit la direction que prend la NBA aujourd’hui avec la philosophie « tout pour l’attaque », il est intéressant de faire le parallèle avec la grande notoriété de la ligue féminine lycéenne de l’époque qui jouissait d’une même célébrité en grande partie grâce à ce jeu offensif.
Durant son année « freshman » (1ere année de lycée), Denise commence à prendre feu avec 920 points sur la saison mais ce n’est que le début car sur les 3 années suivantes, elle met 1388, 1946 et enfin un record de 1986 points pour sa dernière année ce qui lui donne une moyenne de 68,5 points par match.
De cette façon, Denise domine sa ligue avec pas moins de 6250 points en 4 ans ce qui fut un record durant une très longue période avant qu’une certaine Lynn Lorenzen ne dépasse ce chiffre durant un match où Denise était venue assister à la rencontre dans les tribunes. Encore aujourd’hui, elle exprime énormément de respect envers Lynn d’avoir battu son record au vu de tout son travail accompli pour réussir cette prouesse.
Pendant ses années Lycée, Denise va donc offrir l’étendue de son talent et son coach, Paul Echerman, la considérait même comme la 8e merveille du monde allant même jusqu’à dire à l’un de ses amis, avant de lui offrir son premier match en tant que titulaire, qu’il allait faire jouer la meilleure joueuse de l’histoire de l’Iowa.
En même temps comment ne pas croire les paroles de son coach. Sa panoplie de taille, force, rapidité et vivacité combinée directement avec cette capacité à enchaîner les paniers de 9 mètres ou plus a fait d’elle une véritable légende. Même si elle regrette de ne pas avoir mieux développé son jeu a l’époque, il est incroyable qu’une petite fille de Whitten devienne une aussi grosse star locale.
La quintessence de sa carrière Le Titre de 1968
Il est important de rappeler également l’importance de Jeanette Olson dans son histoire.
Jeanette Olson est une légende du Lycée d’Everly, grand rival de Union-Whitten et bien que Denise et Jeanette furent rivales, Denise a toujours considéré Jeanette comme son héroïne au niveau du Basketball.
Elle l’a décrit comme une fille en avance sur son temps avec une technique et une vision de jeu incroyable pour l’époque et surtout, un tir en sortie de dribble impressionnant.
Les grands matchs que les deux lycées se sont livrés ont créé une rivalité, mais surtout un rapprochement amical et un lien éternel entre Jeanette Olson et Denise Long et c’est pour cette raison que le match de la finale du championnat d’État organisé le 16 mars 1968 sera l’un des plus grands matchs de l’histoire de l’Iowa et du basket Féminin a 6 contre 6.
Dans un Veterans Mémorial Auditiorium bondés de 15 000 personnes et pas moins de 3.5 millions de téléspectateurs dans 9 États différents, les deux Lycées vont s’offrir une bataille incroyable.
Le Lycée d’Everly, de Jeanette Olson, va mettre en place une stratégie que beaucoup de lycée reproduisait également, mettre deux joueuses sur Denise pour l’empêcher de marquer (ce qu’on nomme aujourd’hui la « double team »).
Cette technique fut « efficace » en limitant Denise à 64 points. Cependant, ce que le Lycée d’Everly n’avait pas prévu, c’était la montée en puissance de la cousine de Denise, Cindy Long, qui va se retrouver libre grâce à l’attraction offensive que procure Denise et qui va offrir une performance remarquable en inscrivant 40 points pour son équipe.
Malgré les 76 points de Jeanette Olson, le Lycée d’Everly va s’incliner sur le score de 113 à 107 après prolongation et le grand cœur de Denise l’obligera à serrer dans ses bras sa rivale, Jeanette Olson, en lui déclarant que son équipe méritait également la victoire.
Lorsque Denise raconte cette soirée, on voit non seulement un tout autre sport que le basket-ball traditionnel d’aujourd’hui mais surtout une époque très différente tels que des ajouts de points à l’une ou l’autre équipe durant la mi-temps après avoir oublié de les comptabiliser en première période.
D’autre part, encore aujourd’hui, Denise a du mal à croire qu’elle ait rapporté à sa petite ville de moins de 200 habitants un titre tout en battant son héroïne et grande amie de toujours, Jeanette Olson.
La Draft NBA de 1969 : Le tournant
Nous sommes le 7 avril 1969, Kareem Abdul-Jabbar, après un pile ou face historique, rejoint les Bucks de Milwaukee en premier choix de la draft NBA de 1969.
Mais ce qui nous intéresse alors, c’est bien sûr la jeune Denise. Durant le 13e tour, Franklin Mieuli, propriétaire des Warriors en NBA à l’époque, va révolutionner la NBA en sélectionnant Denise Long qui sortait tout juste du Lycée à 19 ans.
Au même moment, dans la petite ville de Whitten, Denise était à la Poste quand une personne viendra lui signaler qu’elle a été sélectionnée par les Warriors passant ainsi du jour au lendemain, d’une star locale à une star nationale.
Ce n’est pas moins de trois pages qui lui seront consacrés dans le numéro de Sports Illustrated ce qui reste invraisemblable pour une basketteuse dans les années 60 et elle va même faire une apparition dans le Tonight Show. L’Amérique entière parle d’elle, mais la réalité était malheureusement bien moins belle.
En effet, Franklin Mieuli n’a jamais eu l’intention de drafter Denise pour la faire jouer avec les Warriors mais plutôt comme un coup de com’ et c’est James Walter Kennedy, Commissaire de la NBA à l’époque, qui va empêcher ce choix non seulement parce que drafter des lycéens était interdit mais drafter des femmes l’était également.
Cependant, même si Franklin Mieuli ne cache pas le fait de l’avoir drafté pour la publicité, il avoue tout de même plus tard :
« I don’t know if women can play this game, but if anyone can, she can »
Je ne sais pas si les femmes peuvent jouer au Basket mais si quelqu’un peut, elle peut
Dans tous les cas, la Draft de Denise se révèlera être simplement une tentative de recrutement pour son projet de créer sa propre petite ligue « professionnelle » réservée aux femmes autour de quatre équipes, dont la star principale serait Denise Long et même si il ne payait pas ses joueuses, ce dernier utilisait différents prétextes, notamment la possibilité d’ouvrir le basket-ball féminin à une intégration au programme des Jeux Olympiques afin de ne pas payer ses joueuses.
Denise jouera pendant un an dans cette fameuse ligue durant laquelle elle aura l’occasion de croiser Wilt Chamberlain en ville avec ses Lakers. Ce dernier, pendant qu’il lui signera un autographe, lui demandera s’il s’agissait bien de la fille qui avait battu ses records, ce à quoi elle répondra avec beaucoup de timidité et d’humilité :
« Yes but i didn’t mean to »
Oui mais je ne voulais pas
Même si son expérience avec les Warriors n’a pas fonctionné sur le long terme, sa participation dans cette petite ligue féminine, même pendant une seule année, aura grandement participé au développement du basket-ball féminin, que ce soit avec l’inscription du basket féminin aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976, la première ligue professionnelle féminine en 1978 ou encore la création de la WNBA en 1996 grâce au regretté Commissaire de la NBA, David Stern.
Le « choix » d’un train de vie paisible
À la suite de son année avec les Warriors, Denise ne supporte plus la vie californienne et le calme de l’Iowa lui manque, elle décide donc de retourner sur ses terres d’origine afin de poursuivre un cursus universitaire.
Le manque de salaire des femmes dans le milieu du basket-ball dans les années 60-70 a placé Denise en face d’une réalité violente, l’abandon du basket-ball était nécessaire et d’ailleurs, elle reconnaît elle-même qu’à l’époque, elle ne se voyait pas jouer après le Lycée mais que le fait d’être drafté par les Warriors lui avait néanmoins offert une opportunité extraordinaire, même si elle ne se sentait pas à sa place en Californie, surtout au début des années 70.
Sa notoriété après la draft et son année avec les Warriors lui montre les côtés néfastes de la célébrité. A l’Université, elle a dû faire face à des appels obscènes en pleine nuit, des rumeurs blessantes dispersées par des étudiants dont elle avait rejeté les avances ou encore une invitation dans une fraternité pour une soi-disant fête mais en se retrouvant là-bas, elle se rendit compte qu’elle était finalement la seule fille.
Cependant, ce n’est pas que dans ses études que sa notoriété a eu un impact immense. Une fille d’un club de strip-tease utilisera même son nom pour ramener plus de clients ou encore un homme qu’elle épousera plus tard, tentera à tout prix de la ramener au basket-ball alors qu’elle en était sortie depuis longtemps déjà.
Cependant, malgré tous ces à côtés, elle ne regrette pas d’avoir rejoint les Warriors et de fait, de s’être exposée à une notoriété nationale même si, lorsque Paul Eckerman, le coach qui lui a tout appris du basket, lui demandait si elle regrettait de s’être lancée dans le basket-ball, elle répond en rigolant :
« You could’ve taught me Tennis or Golf »
Tu aurais pu m’apprendre le Tennis ou le Golf
(deux sports qui permettaient aux femmes de gagner leurs vies)
Finalement, Denise se tournera vers Dieu et obtiendra un diplôme en éducation physique puis un diplôme en théologie biblique avant d’obtenir son diplôme de Pharmacienne a l’université de Drake et de devenir Pharmacienne jusqu’à sa retraite.
Pour ce qui est de sa vision du basket-ball après son arrêt, elle reconnaît que le basket-ball a 6 contre 6 qu’elle pratiquait était bien plus intéressant et amusant.
Surtout, comme le rappelle Jean Berger, ancienne joueuse des Huskies, le 6 contre 6 était un jeu différent qui empêchait les comparaisons avec les garçons. Le basket-ball féminin a perdu de sa notoriété lorsque le 6 contre 6 a été enlevé alors qu’à l’époque de Denise, dans l’Iowa, le basket-ball lycéen féminin était plus connu que le basket-ball masculin.
Aujourd’hui, Denise à l’impression que la suppression du 6 contre 6 a retiré l’unicité du basket-ball féminin et a ouvert la porte aux comparaisons masculines ce qui, selon elle, était impossible car les femmes ne pouvaient pas jouer aussi bien que les hommes.
Elle reconnaît, par ailleurs, que durant des matchs d’exhibition ou des entraînements avec les Warriors, elle n’osait pas attaquer la raquette contre les hommes et cela se comprend sachant qu’à son époque, Nate Thurmond était le pivot des Warriors ( 2 mètres 11 pour 102 kilos).
Quoi qu’il en soit, la carrière de Denise peut sembler minime pour beaucoup mais en réalité, sans le souhaiter, elle a ouvert la porte a une génération de femmes qui se sont accrochées à la même idée que Denise Long et même si elle a abandonné officiellement le basket-ball à la fin du Lycée, son histoire sera toujours étroitement liée à ce sport.
D’ailleurs, Denise n’a pas réellement arrêté de jouer car durant l’été 1973 par exemple, elle a joué pour une équipe chrétienne mais également en 1979 où elle sera encore acclamée par un public conquis qui se souviens encore, même 10 ans après, de la légendaire joueuse de l’Iowa.
Pour finir, son intronisation au Hall of Fame en 1975 montre l’importance et l’impact que cette femme a eu sur le basket-ball féminin spécifiquement depuis que le parc où la jeune Denise Long s’entraînait de longues heures tous les jours dans sa jeunesse, qu’il fasse 35 degrés ou – 11 degrés, porte aujourd’hui son nom.
Pas mal pour une fille dont le rêve était simplement de gagner un championnat d’État.