Ça s’est passé un 18 avril : La saison 1966-67 de Rick Barry, un exercice qui touche au sublime

Parce que la NBA regorge de performances en tout genre passées à la postérité ou progressivement oubliées avec le temps, ClutchTime vous propose de revivre ces matchs et exploits de légende, qui ont façonné l’histoire de la ligue, d’hier à aujourd’hui.


Lorsque l’on évoque Rick Barry le joueur, l’histoire retiendra le Hall of Famer qui planta 64 points sur un match, celui qui tournait encore à plus de trente points par match à trente ans, ou encore le compétiteur capable d’inscrire près de 90% de ses lancers francs en carrière… à la cuillère. Mais Rick Barry c’est également l’enfant terrible du New Jersey, l’ailier aussi difficile à gérer pour ses entraîneurs, qu’à supporter pour ses coéquipiers, les dirigeants et les médias qui l’ont côtoyé d’assez près. Rick Barry se voyait comme le messie de la balle orange envoyé sur terre par le divin, alors que la plupart ne voyait en lui qu’une incarnation d’un Docteur Jekyll et de son double maléfique Mr. Hyde.

Pour cette fois nous allons nous intéressé au joueur, et plus particulièrement à l’une de ses performances les plus remarquables dans sa carrière et sûrement dans l’histoire de la ligue. Au printemps 1967, le jeune Rick participe à ses premiers playoffs avec sa franchise des San Francisco Warriors, orpheline depuis deux ans du grand Wilt Chamberlain, parti rejoindre les rangs ennemis des 76ers. Devenu en l’espace de quelques mois le nouveau patron du navire californien, l’ailier ne tarde pas à engranger les victoires et récolter les distinctions personnelles, redonnant ainsi sa compétitivité et sa grandeur aux Warriors.


Rick « The Greyhound » Barry

Issu du cursus universitaire de Miami (Florida) où il va passer trois ans, le jeune Richard va très rapidement montrer d’énormes qualités pour le jeu, devenant vite une véritable machine à scorer. Avec près de 30 points par rencontres, dont 37.4 points lors de son année senior (1er de la Div. I), il ne participera néanmoins jamais à un tournoi NCAA au niveau national, mais sera tout de même honoré lors de sa dernière année au Consensus All-America par la presse américaine. Toujours détenteurs de plusieurs records universitaires, son maillot aux Hurricanes fut le premier de l’histoire de l’université à être retiré en 1976.

Drafté en 2ème position par les Warriors de San Francisco en 1965 (pick non-territorial), Rick survole sa saison rookie en devenant All-Star à 21 ans seulement et en affichant déjà des statistiques vertigineuses avec 25.7 points (4ème) et 10.6 rebonds (11ème) par match, le plaçant immédiatement dans la droite lignée des Jerry West, Oscar Robertson, Wilt Chamberlain et Jerry Lucas qu’il côtoiera lors du match des étoiles de Cincinnati cette année là. L’ouest s’inclinera lourdement (137 à 94), mais le Warrior inscrira tout de même dix unités, s’offrant en fin de saison le titre de Rookie de l’année et une place dans la All-NBA First Team.

Au côté de Nate Thurmond, l’autre vedette des Warriors arrivée deux ans plus tôt, le bilan de la franchise connaît un bond spectaculaire, en passant de 17 victoires en 1964-65, à 35 victoires pour 45 défaites l’année suivante, échouant d’un rien à décrocher la place en playoffs des Saint-Louis Hawks (36-44). Bob Feerick (GM) est ravis de cette association entre les deux joueurs, l’ailier devenant très rapidement une pièce offensive de choix, comme en attestent ses 42 et 43 points face aux Royals, les 43 face aux Lakers, ou encore les 57 points qu’il va passer en décembre aux Knicks au Madison Square Garden.


Une saison sophomore fracassante

Après avoir fait une entrée remarquée dans la ligue, Rick Barry entame sa deuxième saison avec des Warriors désormais coachés par Bill Sharman qui succèdera à Alex Hannum, à qui on reproche le départ de Wilt deux ans plus tôt. Déterminé et prêt à passer un cap avec son équipe, Rick va démarrer la saison sur les chapeaux de roues en collant 41 points aux Celtics dès la première journée, puis 43 points et 16 rebonds face aux Chicago Zephyrs cinq jours plus tard, avant d’entamer un road trip vertigineux de six matchs, durant lequel l’ailier inscrira plus de 37 points par rencontres. C’est d’ailleurs durant cette série que Barry égalera son record personnel avec 57 points inscrits face aux Royals de Robertson.

À Noël, Rick affiche déjà une moyenne dingue de 38.6 points (48%) et près de dix rebonds et quatre passes par match pour un bilan collectif très reluisant (21-13). Les Warriors afficheront en fin de saison un bilan positif (44-37), le premier depuis deux ans, mais surtout une première place dans la division Ouest et la qualification pour les playoffs en poche. Pas décidé à lever le pied, l’ailier va même jusqu’à s’offrir le titre de Meilleur marqueur de la saison avec 35.6 points par match (45.1%) et une avance écrasante sur ses poursuivants, chipant au passage la seconde place d’Elgin Baylor (34.77) au classement des meilleurs marqueurs sur une saison, largement dominé par le grand Wilt. Une performance rare qui tiendra pendant vingt longues années, jusqu’à la saison 1986-87 de Michael Jordan (37.09 points par match).

source : NBA.com

À titre personnel, hormis la satisfaction du devoir accompli sur le plan collectif, Rick Barry sera sélectionné pour la seconde fois au All-Star Game qui se déroule à San Francisco, rencontre pour laquelle il recevra le trophée de MVP après avoir inscrit 38 points et offert sa revanche à l’Ouest face à l’Est 135 à 120, devenant au passage le deuxième meilleur marqueur de l’histoire sur un match derrière Chamberlain (42). Également retenu dans la All-NBA First Team, Rick Barry terminera leader statistique dans toutes les catégories aux tirs (Points, Field Goals, Lancers francs), mais également 5ème du vote pour le MVP de la saison.

Six rencontres à 50 points ou plus, 28 à 40 ou plus et seulement quatre matchs sous la barre des vingt points, auxquels il convient d’ajouter 9.2 rebonds, avec plusieurs pointes à quinze et seize prises, ainsi que 3.6 offrandes (dont un record personnel avec dix passes décisives face aux 76ers), l’ailier aura amplement mérité tous les honneurs et les superlatifs durant cette la saison régulière, gagnant sa place parmi les meilleurs joueurs de la ligue en l’espace de deux ans seulement. Mais pour marquer un peu plus encore l’histoire, les Warriors et Rick Barry vont mettre toutes les chances de leur côté pour réaliser un parcours en playoffs inoubliable, jusqu’en finale.


Un nouveau cap et une page qui se tourne

Après avoir balayé les Lakers, privés de Jerry West, au 1er tour (3-0), puis être venus plus difficilement à bout des Saint-Louis Hawks de Lou Hudson et Lenny Wilkens en finale de Division (4-2), San Francisco avance désormais vers ses cinquièmes Finales NBA (il s’agit néanmoins de leurs deuxièmes Finales depuis le déménagement de la franchise). Rick Barry et ses coéquipiers ont réalisé un excellent parcours qui les ont mené de façon assez inattendue et rapide au sommet de la ligue avec face à eux une autre équipe surprise à l’Est, les 76ers de Philadelphie de Wilt Chamberlain, au bilan record de 68 victoires et 13 défaites en régulière.

Pourquoi une surprise ? Parce que depuis une décennie, les Boston Celtics de Red Auerbach ont régné seuls à l’Est, monopolisant même les titres NBA avec pas moins de neuf bagues, dont huit consécutives. Une série à laquelle les redoutables 76ers ont mis un terme assez sèchement (4-1), précipitant ainsi le départ de son coach et dirigeant emblématique, et Wilt Chamberlain infligeant son premier gros revers à son éternel rival Bill Russell. Ironie du sort, la franchise de Pennsylvanie est désormais entraînée par Alex Hannum himself, l’ex-coach des Warriors, pour qui les retrouvailles avec son ancienne équipe auront un goût de vengeance.

Des retrouvailles également pour Wilt, parti deux ans plus tôt dans la tourmente et pris en grippe par les supporters et dirigeants de la franchise californienne, ce dernier va devoir veiller à régler le cas Nate Thurmond en défense, son vis-à-vis à qui l’on promet pourtant l’enfer, un intérieur assez bas mais avec style défensif rugueux et qui fait partie des tous meilleurs joueurs à son poste. Du côté des 76ers c’est la belle et grosse équipe, encore considérée à ce jour comme l’une des plus talentueuses de l’histoire, avec Hal Greer et Wali Jones sur le backcourt mais également Billy Cunningham, Chet Walker et Luke Jackson pour compléter le roster de Philly. Un défi de taille pour les cols bleus des Warriors et leur golden boy.

Car depuis le début des phases finales et pour sa toute première expérience en post-season, l’enfant terrible de la baie de San Francisco réalise des prouesses au scoring. Affichant plus de trente points par rencontre lors des deux premiers tours, ainsi que quatre passes et presque sept rebonds, l’ailier intenable réalise des temps de passage records, devançant des gloires illustres telles Bob Cousy, Cliff Hagan, Bob Pettit ou encore Paul Arizin, et s’approchant dangereusement des meilleures marques All-Time sur un match (47 points face aux Hawks lors du game 2).


Les Finales 1967 et la Masterclass du Golden Boy

source : Sports Illustrated

Lors du Game 1, la rencontre entre les deux équipes sera très équilibrée à tel point que le résultat se décidera en overtime et une première victoire des 76ers à domicile (141 à 135). Une rencontre résolument offensive, Barry terminant la partie avec 37 points (15/43), ainsi que 8 rebonds et 7 passes, tandis que Thurmond réalisera un très effort avec 24 points et 31 rebonds et Jeff Mullins et Tom Meschery compileront 36 points. En face le grand Wilt sera de sortie, s’offrant un triple-double (16-33-10), laissant le soin à ses coéquipiers de scorer (H. Greer 32pts / W. Jones 30pts / B. Cunningham 26pts / C. Walker 23pts).

Il n’y aura en revanche pas photo lors du Game 2, Philadelphie prenant le large dès le début de la rencontre pour s’imposer finalement 126 à 95, Barry (30 points, 10 rebonds) sera le seul Warrior à se mettre en évidence en attaque face à la défense redoutable des 76ers et un Wilt plein de maîtrise, encore en triple-double (10-38-10), tout comme son partenaire Hal Greer tout proche lui aussi de valider le TD (30-12-9). Hannum et les siens sont en train de jouer un sale tour aux Warriors qui sont désormais menés deux manches à rien avant de retrouver le Cow Palace de San Francisco.

Rick Barry, non content des performances de son équipe, va choisir le bon moment, son moment, pour offrir une première victoire aux siens afin de rester en vie dans ces Finales. Et quelle performance ! Lors de ce Game 3 décisif, l’ailier se charge seul de l’attaque et réalise une performance herculéenne en inscrivant 55 points (22/48) pour recoller dans la série. S’il fallait résumer le match, sur le plan défensif les Warriors ont littéralement dominé Philadelphie avec 71 rebonds contre 59 (25 pour Thurmond), mais surtout en mettant en grande difficulté les coéquipiers de Chamberlain avec leur adresse et sur chacune de leur possession de balle.

Côté offensif, la feuille de match hallucinante de Rick Barry se suffit à elle-même pour justifier un tel succès, face à une équipe de Philly accrocheuse, mais incapable d’éteindre la torche humaine des Warriors. Il s’agit là de la deuxième prestation de tous les temps en Finales NBA après Elgin Baylor (61), et la troisième meilleure marque de l’histoire en playoffs, avant de voir celle-ci être égalée puis battue par Michael Jordan (5 fois battue ou égalée entre 1986 et 1997), Charles Barkley (56) et Allen Iverson (55).

Défaits en six manches (4-2), malgré deux nouveaux carton de l’ailier au Game 4 (43 points) et au Game 6 (44 points), l’histoire retiendra que les valeureux Warriors n’ont pas démérité, mais se sont montrés trop limités offensivement contrairement à leur leader, et que la marche était bien trop grande pour renverser cette formidable équipe des 76ers à la seule force d’un seul homme, aussi talentueux et impressionnant fut-il. Barry signera d’ailleurs la meilleur moyenne de points inscrits par match dans une seule série de Finales avec 40.8 points à 40%, record qui tiendra jusqu’en 1993 (41 points de moyenne de Michael Jordan face aux Suns) tout comme celui de sa moyenne en Finales en carrière (36.3 points), seulement approchée en quarante ans par His Airness (33.6).


source : NBA.com

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