Par Benjamin Gisse (@MagicBenJohnson)
Dans un système de recrutement de lycéens qui est habitué depuis longtemps à la domination du « Power 5 » 1 et qui voit apparaître la G-League comme nouvelle option, vient s’ajouter un concurrent inattendu, auquel personne n’aurait pensé quelques mois auparavant : les HBCU.
Que sont les HBCU ?
Dans le sillage de lycéens pionniers comme Makur Maker, dont nous parlerons plus tard, et dans un contexte social où leur apparition dans le circuit du recrutement est plus que favorable, les « Historically black colleges and universities » ou HBCU sont en train de rafler la mise.
En effet, de plus en plus d’excellents joueurs envisagent de passer par ces universités. Un tournant pour ces établissements, chargés de culture et d’histoire afro-américaine, créés pour former des têtes pensantes de la société à des moments où les droits civiques américains n’étaient pas du tout les mêmes, et ayant aujourd’hui encore, une légitimité à l’échelle universitaire nationale.
Plus qu’un passage d’une ou deux années pour faire du basket et se montrer aux recruteurs NBA, ces joueurs veulent laisser une trace dans leur communauté.
Avec aujourd’hui seulement 10% des étudiants des HBCU provenant de la communauté afro-américaine, il est important pour les deux camps de revaloriser cette culture.
Symbole d’un virage social important, les HBCU peuvent devenir, à terme, des candidates à de grosses échéances comme la March Madness, tournoi final sacrant le champion universitaire.
Connaissant l’importance de cette culture dans le développement d’un lycéen d’origine afro-américaine, elles n’hésitent pas à aller chercher le haut du tableau. C’est ainsi que la plupart des top joueurs lycéens afro-américains ont reçu des offres de bourses de la part de nombreuses HBCU.
Les noms de Mikey Williams, Harrison Ingram ou Trevor Keels ne vous évoquent peut-être rien pour l’instant, mais ce sont potentiellement de futurs joueurs NBA, des futures stars NBA, qui à cet instant, ont un penchant pour ces établissements. Et cela n’est qu’un petit échantillon du nombre de joueurs talentueux qu’ils pourront accueillir. De quoi faire saliver certains établissements…
Les HBCU ont formé énormément de très bons joueurs, des All-Star, des légendes du basket-ball et des Hall of Famer dans une autre époque. Des noms comme Earl Monroe, Sam Jones ou Willis Reed sont passés et se sont forgé un nom au sein de ces universités.
Cependant, depuis le développement et l’augmentation des bourses au sein des « autres universités », le taux de joueurs draftés a considérablement chuté, niveau des joueurs oblige… Leurs dernières fiertés sont Robert Covington (Tennessee State, pas drafté) et Kyle O’Quinn (Norfolk State, 49ème choix de la draft 2012). On est loin du Hall of Fame…
Mais le combat est lancé. La G-League et le Power 5 sont prévenus, les HBCU ne sont pas là pour rigoler.
Mais pourquoi ces universités se sont-elles déclarées aujourd’hui ?
Quel est l’élément déclencheur ?
Il a fallu un tweet. Un seul tweet de la part de Mikey Williams et tout s’est emballé.
Il faut dire que Mikey n’est pas un joueur anonyme dans le circuit lycéen. C’est même tout l’inverse.
Freshman (première année) lors de la saison 2019/20, il a impressionné en signant une saison XXL avec son équipe de San Ysidro.
Classé 3ème joueur de la class 2023 2 dans les classements ESPN 3 , il a aligné une moyenne de 30 points/match cette saison, avec notamment une performance à 77 points !
Le tweet et son contenu n’ont donc pas tardé à faire réagir, et beaucoup de coachs des différentes HCBU ont directement proposé des bourses au phénomène lycéen.
La suite ? Il assume ses propos et l’on doute qu’il ait changé d’avis entre temps, étant donné son enthousiasme à l’annonce de Makur Maker, cousin de Thon Maker, devenant le joueur au rang ESPN le plus élevé de l’histoire à choisir une HBCU.
Le tandem Williams/Maker marque un tournant énorme. Les plus grands joueurs lycéens ne veulent plus forcément marquer sportivement. Une autre dimension est atteinte. Leurs idoles, à l’instar de LeBron James et de son école « I Promise » , ont agi pour la communauté afro-américaine et pour la société en général. Ils ont permis à ces jeunes joueurs d’évoluer humainement.
Makur Maker (Howard University), 16ème joueur de la class 2020 et cousin de Thon, est devenu l’un des emblèmes d’une nouvelle génération, en choissant une HBCU au lieu de la draft NBA.
© Photo par Brian Rothmuller / GETTY IMAGES
Et si la tendance des « super-teams » au sein des HBCU n’est pas encore d’actualité, elle pourrait bien le devenir un jour.
Cela reste tout de même de jeunes joueurs assoiffés de victoires et voulant gagner, le fait de s’associer avec les meilleurs joueurs peut forcément aider.
Il ne serait pas impossible, comme on a pu le voir ces dernières années dans des équipes comme Kentucky ou Duke, d’avoir, chaque année, plusieurs joueurs du top 50 débarquant dans une seule et même équipe.
Relativisons cependant, car nous sommes encore loin d’une équipe comme ça… Encore faudrait-il que l’expérience de Makur soit concluante.
Et pour cela, il va devoir rehausser le niveau des HBCU…
Le basket dans les HBCU, ça donne quoi ?
Avant même de parler de niveau, nous devons commencer par la culture basket. Très présente, comme on peut l’imaginer, dans les années folles des HBCU, elle s’est depuis un peu affaiblie. Le niveau des équipes rentre sûrement en compte dans cet aspect.
Mais cette période est finie. La communauté afro-américaine veut insister sur cet aspect, sur le fait que le sport aussi a permis le développement des droits civiques aux États-Unis. L’arrivée de Mo-Williams (champion NBA avec les Cavaliers) à la tête de l’équipe d’Alabama State n’est pas anodine. Elle montre un réel intérêt.
Mo Williams, champion NBA avec Cleveland, s’attaque au coaching d’Alabama State.
© Photo par Sam Wasson / GETTY IMAGES
Un regain d’énergie et une volonté forte émergent dans ces équipes. Le coach d’Howard, la future équipe de Maker, Kenny Blakeney a appris durant sa première saison à gérer une attente de résultats. Une attente qui devient de plus en plus longue. En effet, Howard n’a pas accédé à la March Madness depuis 1992.
Il faut dire qu’Howard est qualifié aux États-Unis comme « The Black Harvard » et n’arrive pas forcément à attirer des talents monstrueux sur le parquet… mais Makur Maker arrive.
Le niveau va augmenter, la culture va se développer. C’est clairement l’objectif de Blakeney : instaurer de nouveau une culture.
On imagine très certainement que la suite et le développement des gros talents dépendront forcément de la saison de Maker et d’Howard. Blakeney était confiant sur ce sujet et le potentiel de son équipe avant même le recrutement de Maker. On imagine qu’il le sera encore plus !
Un sentiment de fraîcheur et de confiance s’installe dans les établissements HBCU. Les dures années au fond des tableaux risquent de ne plus durer, et certains coachs s’avancent déjà comme Brian Collins, coach des Tennessee State Tigers.
Si tout se passe bien avec l’université d’Howard cette année, les prochaines années risquent de déclencher une bataille monumentale pour le recrutement des meilleurs joueurs lycéens.
Quand on voit la domination du Power 5 dans le recrutement du top 100 chaque année… On se dit que ce n’est pas plus mal !
Les moyens mis en place pour séduire les joueurs sont forcément très différents des locomotives actuelles de la NCAA. Moins de moyens, moins de matériel, mais une envie de bien faire.
Les calendriers et les matchs à l’affiche ne sont pas aussi remarquables que certaines universités du pays, avec des confrontations peu reluisantes et parfois très dures dans la différence de niveau.
Mais c’est ça qui séduit de plus en plus les lycéens. Marquer de nouveau l’histoire. Devenir les descendants directs de joueurs de légende ayant marqué l’histoire de leur sport et de leur communauté.
Et un jour peut-être viendra l’annonce historique du joueur n°1 de sa classe en direction d’une HBCU…
Avec l’arrivée de Makur Maker et le développement d’une culture basket dans les HBCU, les établissements vont connaître une seconde vie sportive. Beaucoup de phénomènes lycéens s’intéressent fortement et souhaitent suivre une conduite inspirée par leurs idoles en NBA… Reste encore à convaincre sur cet aspect, avec des échéances compliquées, mais une volonté de se démarquer, d’être plus que des joueurs, plus que des étudiants.
Sources : ESPN, HBCU Gameday, The Undefeated.
Lexique :
- Power 5 (ou Power Five) : les 5 conférences majeures du sport universitaire américain. Elles sont composées des conférences ACC, Big Ten, Big 12, Pac-12 et SEC. Aucune HBCU n’appartient au Power 5.
Depuis l’an 2000, seules 5 équipes championnes au basket-ball ne sont pas du Power 5 (3 fois UConn, 2 fois Villanova). - Class 20XX : année où le joueur lycéen va rentrer à l’université.
- Les classements des lycéens ESPN : depuis un bon nombre d’années déjà, des sites comme 247Sports, Rivals ou ESPN mettent à jour des classements nationaux contenant les meilleurs joueurs par class.
Les joueurs sont classés par étoiles et par score, 5 étoiles étant réservé aux meilleurs joueurs et le score de 100 étant le plus grand.
Même si cela ne veut rien dire concernant leur accession en NBA et leur niveau plus tard, cela permet de repérer les talents les plus inarrêtables au lycée.
Très intéressant pour une culture du basket