Chaque semaine Clutch Time vous propose de faire un bond dans le passé afin de revivre et de réécrire un fait marquant de la NBA qui aurait pu changer le cours de son histoire.
Cette semaine, on continue notre série avec un flashback vers l’année 2011. Alors que Chris Paul, joueur des Hornets (de la Nouvelle Orléans) arrive sur sa dernière année de contrat, les Lakers en pleine reconstruction, décident de passer à l’action afin d’attirer le meneur All-star lors de l’intersaison 2011. Mais rien ne se passera comme prévu.
La fin d’un cycle aux Lakers
A-t-on encore besoin de présenter les Lakers de Los Angeles ? L’une, si ce n’est l’équipe la plus emblématique de la ligue et du sport aux États-Unis, la franchise californienne regorge de grands noms du basket décennies après décennies depuis sa création en 1948. Au crépuscule de la décennie, les Lakers restent sur une série exceptionnelle de trois finales consécutives ponctuée par deux titres en 2009 et 2010. Tout va donc pour le mieux pour les « Angelinos ». Pourtant, alors que le champion sortant claque un nouvel exercice solide en saison régulière (57-25, 2ème à l’Ouest), les hommes de Phil Jackson se plantent royalement au second tour des PO face aux Mavericks de Dallas subissant un sweap retentissant. Une sortie bien mal choisie pour le coach emblématique des Lakers, qui avait annoncé son intention de quitter le banc des Lakers après un ultime exercice en guise de tournée d’adieu.
Un retournement de situation qui va progressivement plonger dirigeants et joueurs dans l’incertitude la plus totale quant à la direction que va prendre la franchise après cet échec cuisant. Il est important de rappeler à quel point les Lakers ont laissé leur empreinte depuis plus de dix ans en NBA. Avec sept finales et cinq titres, les violets et or sont parvenus à réinstaller Los Angeles au centre des discussions et le Zen Master y est pour beaucoup dans cette réussite. Autour du duo Kobe & Shaq puis de Kobe & Gasol, Phil Jackson a su réunir les ingrédients qui firent sa réussite aux Bulls dans les années 90 afin de bâtir une nouvelle dynastie. Menée par son franchise player emblématique, Kobe Bryant, les Lakers doivent désormais proposer un projet au moins aussi ambitieux pour convaincre l’arrière all-star qu’il a fait le bon choix en prolongeant en 2010.
Rebâtir un nouveau projet
Afin d’entamer une reconstruction rapide, le GM des Lakers, Mitch Kupchak, souhaite ouvrir un nouveau cycle pour une équipe jugée vieillissante et qui a besoin de sang neuf pour être à nouveau compétitive. Une cure de rajeunissement nécessaire il est vrai à la vue de la moyenne d’âge de l’effectif (30 ans) alors que certains éléments arrivent en fin de contrat et que les Lakers disposent d’une marge financière très limitée pour attirer un gros poisson. La free-agency 2011 n’est guère plus intéressante aux yeux des dirigeants des Lakers. À l’exception du cadet des Gasols (Marc) qui dispose d’une restricted option avec les Grizzlies et du pivot texan Tyson Chandler, la franchise n’a guère plus de choix pour opérer un changement important à moyen terme. Kupchak n’a d’autre choix que d’entamer des négociations et monter un trade avec une franchise et c’est vers le meneur des Hornets de la Nouvelle Orléans, Chris Paul, que son choix se porte.
Les Hornets de Charlotte
Commençons d’abord par un petit retour en arrière. La franchise des Hornets voit d’abord le jour en 1988 du côté de la Caroline du Nord dans la ville de Charlotte. Issue d’une expansion de la ligue à la fin des années 80, l’équipe ne tarde pas à se faire un nom au sein de la ligue dans les années 90, autour de joueurs talentueux de Mugsy Bogues à Larry Johnson en passant par Alonzo Mourning. Mais au fil des saisons, la fréquentation du Coliseum de Charlotte diminua de manière très inquiétante aux yeux des dirigeants. Le propriétaire George Shinn, alors en délicatesse avec la justice, la ville et les finances, décide de délocaliser la franchise vers la Nouvelle Orléans en 2002.
La Nouvelle Orléans, nouvelle ville pour un nouveau départ
La Nouvelle Orléans va connaître une intégration compliquée durant ses premières années en NBA. Débutant d’abord pendant deux saisons en Conférence Est, les Hornets seront envoyés au sein de la Division Sud-Ouest de la Conférence Ouest dans laquelle elle concourt encore aujourd’hui. Mais l’ouragan Katrina en août 2005 qui causa la mort de plus de 1 800 personnes principalement dans l’état de la Louisiane et au Mississippi va contraindre la nouvelle franchise de se relocaliser temporairement à Oklahoma City (Oklahoma) dans le Ford Center (actuel Chesapeake Energy Arena du Thunder) et il leur faudra patienter deux ans avant de retrouver la Nouvelle Orléans lors de la saison 2007-08.
Les Hornets vont néanmoins tourner cette triste page de leur histoire et celle des Baron Davis, Jamal Mashburn, David Wesley et Jamaal Magloire pour se reconstruire autour de la draft 2004 et de son 4ème choix, Chris Paul. Le jeune meneur devient rapidement la star d’une équipe désespérément en quête d’ambitions depuis plusieurs saisons pour relancer une franchise engluée dans la seconde moitié de tableau. En dépit des recrues Peja Stojaković et David West, les Hornets ne parviennent pas à dépasser le stade du second tour des PO (2008) et il se dit alors que Chris Paul, à qui il reste une année de contrat, envisage sérieusement de poursuivre sa carrière sous d’autres couleurs que celle de la Nouvelle Orléans.
Lock-out 2011
En raison d’un lock-out qui paralyse la ligue depuis plusieurs mois, joueurs, propriétaires et officiels ne sont toujours pas parvenus à un accord pour débuter l’exercice 2011-2012. La raison du désaccord tient principalement dans le fait que plusieurs marchés sont moins attractifs que d’autres et que cette inégalité sur le plan sportif se traduit aussi par des inégalités de revenus. Certains dirigeants craignant qu’un écart plus important se creuse chaque année dans la ligue alors que les joueurs défendaient leur salaire et une facilité de transfert plus accrue, la NBA consent à signer une nouvelle convention qui satisfait les parties.
Pendant que dirigeants et joueurs cherchent un accord, le propriétaire des Lakers, Jerry Buss, négocie depuis quelques temps avec les Hornets pour faire venir Chris Paul en Californie. Dans le cadre d’un échange incluant Houston, les Lakers proposeraient dans ce deal Pau Gasol (envoyé à Houston) et Lamar Odom afin d’attirer le meneur de jeu quadruple all-star. Difficile alors d’imaginer les autres propriétaires restant les bras croisés face à une situation contre laquelle ils luttent justement depuis plusieurs mois. L’information commence à faire grand bruit dans la presse et elle n’est pas du goût de tout le monde, à commencer par le commissaire de la NBA, David Stern.
Le Veto de la discorde
A l’époque, les New Orleans Hornets sont la propriété de la ligue qui doit trouver un nouvel acquéreur après le départ du sulfureux George Shinn. Dell Demps, le GM, est censé avoir les pleins pouvoirs depuis 2010 mais il s’avère que lors des négociations, David Stern himself s’est immiscé dans le dossier CP3 pour ne pas remettre de l’huile sur le feu avec les autres franchises. En mettant son veto sur ce transfert, le commissaire de la ligue voulait mettre tout le monde d’accord pour ne pas être en contradiction avec ses nouveaux engagements et risquer de prolonger le lock-out.
Quitte à empêcher un trade qui aurait pu (aurait dû ?) être bénéfique pour les parties prenantes, Stern déclarera néanmoins que la faute revenait en grande partie au GM des Lakers. De peur de ne pas opérer de mouvements suffisamment intéressant pour la franchise californienne et par impatience, Kupchak aurait décidé de rompre les discussions pour ne pas attendre que Chris Paul devienne agent libre à la fin de la saison 2011-12. Les Lakers trouveront donc un accord avec les Mavs pour balancer Lamar Odom à Dallas où il ne retrouvera jamais son niveau de jeu et deviendra un paria de la ligue.
Cet échange semblait pourtant intéressant sur le papier. Los Angeles envoyant d’abord Pau Gasol et Lamar Odom aux Hornets afin de récupérer Chris Paul, les Hornets devaient échanger par la suite l’espagnol aux Rockets contre Luis Scola, Kevin Martin, Goran Dragic ainsi qu’un premier tour de draft 2012. En coulisse un joueur fulmine à l’idée d’avoir eu une telle offre lui passé sous le nez, c’est Chris Paul. Le joueur de la Nouvelle Orléans est mécontent de sa situation en Louisiane. Le meilleur meneur de la ligue est lassé de perdre plus de matchs qu’il n’en gagne, il ne s’imagine pas honorer sa dernière saison et décide de stopper les entraînements avec les frelons à la reprise des matchs de saison régulière.
Pire encore l’entourage du joueur avance l’hypothèse qu’une plainte pourrait être déposée contre la ligue et David Stern pour contester cette décision. Les Hornets doivent donc s’activer afin de récupérer une contrepartie suffisamment intéressante pour CP3 tout en faisant gaffe de ne pas froisser les autres franchises et son meneur de jeu. Et à la surprise générale Paul va bel et bien atterrir en Californie mais sous les couleurs des Clippers. La NBA donne son aval pour ce transfert mais la contrepartie dans cet échange est néanmoins très maigre pour la franchise. Pour avoir balancer un joueur all-star, champion olympique, meilleur passeur et intercepteur de son histoire, les Hornets récupère l’arrière Eric Gordon, les intérieurs Chris Kaman et Al-Farouq Aminu ainsi qu’un premier tour de draft 2012 (Austin Rivers).
Depuis 2011
Chris Paul aux Lakers ça aurait pu avoir de la gueule quand même ! Imaginez un instant une association entre le meilleur meneur de l’époque avec le meilleur arrière shooter de sa génération, des soirées de playoffs, dans un Staple Center des grands soirs comme à l’époque du Shaq et de Kobe. Les Lakers auraient bien évidemment pu être des sérieux candidats au titre à l’heure des « Tres Amigos » de Miami et des redoutables Spurs. Ce trade aurait évidemment bouleversé la hiérarchie de la NBA en inversant plusieurs tendances à commencer par celle des Clippers qui n’auraient probablement jamais enchaînés les campagnes de PO entre 2012 et 2017, de San Antonio ou Oklahoma qui n’auraient peut-être jamais jouer les finales 2012, 2013, 2014. Enfin Kobe Bryant aura pu remporter de nouvelles bagues, approchant un peu plus son père spirituel, Michael Jordan en s’installant un peu plus dans le gotha des plus grands et offrant enfin un titre à Chris Paul.
Le meneur aux neuf sélections au All-Star Game n’a néanmoins toujours pas trouvé la bonne formule et les succès qu’il aurait aimé accomplir en carrière, que ce soit aux Clippers de 2011 à 2017 puis lors des deux derniers exercices du côté des Houston Rockets. Devenu indésirable aux Texas, le joueur de 34 ans tente un nouveau challenge cette saison dans l’Oklahoma, un lieu qui l’a vu débuter dans la ligue de 2005 à 2007 au moment de l’ouragan Katrina. Les Lakers vont quant à eux enchaîner des saisons de moins en moins bonnes et vont lentement glisser vers un marasme sportif dont ils ne se relèveront pas avant 2018, saison de la signature du meilleur joueur de la ligue, LeBron James.
Petit top 10 de Chris Paul sous le jersey des Hornets