Pivot all-star des Timberwolves du Minnesota, trois fois élu meilleur défenseur de la NBA en 9 saisons avec le Jazz de l’Utah qu’il a emmené en playoffs chaque année, Rudy Gobert est l’un des sportifs français les mieux payés au monde. Mais attention, en Équipe de France comme aux États-Unis, il n’a qu’un objectif, la victoire. Un atout majeur qui sait se faire étonnamment discret.
Tout pour lui? Pas vraiment…
Avec son CV, Rudy Gobert pourrait débarquer en équipe de France chaque été (et désormais pendant les fenêtres internationales qui ponctuent l’année très chargée des basketteurs) avec un appétit gargantuesque. Tout pourrait être organisé pour lui garantir des performances individuelles en rapport avec son statut de star américaine. On verrait Rudy recevoir le ballon à l’intérieur au minimum 20 fois par match en isolation sur un côté pendant que le reste de l’équipe attire la défense à l’opposé, le temps de se frayer un chemin vers le cercle. Il l’a fait contre Kevin Durant aux derniers JO, contre Doncic et tous les pivots internationaux lors de cet Euro, il n’a peur de personne. Il pourrait facilement dominer les raquettes européennes et aligner des statistiques de star américaine, dès les matches de préparation. Dans quel but? Confirmer son statut individuel? Faire parler de lui? Décrocher la une de L’Équipe? Pendant que le reste du groupe le regarde? Ce n’est pas du tout l’esprit.
Une superstar du collectif
Non seulement Rudy Gobert n’a aucune exigence vis-à-vis du staff français, il joue systématiquement collectif, à en oublier totalement son statut individuel. Un pivot sans ego. Pratiquement jamais le ballon ne reste dans ses mains. Il circule. On le voit ainsi recevoir le ballon au poste bas, face au pivot adverse, parfois démarrer un dribble, jouer son vis-à-vis en un-contre-un. Mais pendant ce temps-là, les ailiers français s’activent, et le premier qui coupe vers le panier recevra le ballon. Rudy Gobert n’a pas le temps de faire un move qu’il voit déjà le coéquipier traverser la raquette et lui sert une passe impeccable, dans le bon timing. C’est sa qualité de passe qui fait toute la différence. Moins de points, une position pas optimale au rebond, mais un ballon qui circule librement et un collectif qui fonctionne. Un naturel de champion. Du coup, ses statistiques individuelles sur le tournoi peuvent paraître moyennes, car ce n’est pas sa priorité. Il ne cherche pas à être le meilleur marqueur de l’équipe, il laisse bien volontiers la place à Fall et Poirier, qui ont le temps de trouver leur rythme et d’avoir un réel impact, avec la confiance d’un titulaire pas pressé de revenir sur le parquet. Chacun trouve sa place, et si les autres marchent bien, Rudy se contente de 7 points et d’une victoire.
Le trade
Cet été, Rudy Gobert, roi de la raquette incontesté dans l’Utah depuis ses débuts, se retrouve en binôme avec une superstar locale, Karl-Anthony Towns. Un grand gabarit avec qui il devrait naturellement s’entendre, puisque KAT aime se placer à l’extérieur en attaque et pourra désormais s’appuyer totalement sur un poids lourds dans la raquette. En duo, les deux grands vont poser un sérieux problème de mismatch à toutes les équipes de la ligue américaine, à la fois par la taille, leur volume au rebond et leur vivacité en attaque. Rudy Gobert est toujours prêt à recevoir la balle près du panier, pour un alley-oop, un move rapide ou une passe aux ailiers qui coupent, avec désormais la possibilité de ressortir à 3 points pour Towns. Quand on voit comment fonctionne la relation Gobert-Poirier en Équipe de France, on se dit qu’avec un monstre comme KAT, Gobert va vivre ses meilleures saisons en NBA. Enfin un grand qui le comprendra et ne l’oubliera pas. Si le staff des Timberwolves est au point et conscient du potentiel de Rudy Gobert, la saison pourrait être grandiose pour les joueurs et le club, qui a au minimum une base ultra-solide.
L’option Embiid
Si l’Équipe de France reçoit un jour la candidature très attendue de Joel Embiid, la place est prête. L’effectif français compte actuellement 3 pivots très complémentaires (Gobert, Poirier et Fall), avec chacun un style différent, qui assurent une continuité pendant tous les matches. Mais c’est bien Rudy Gobert qui se détache lors des phases finales de cet Euro et qui a porté l’équipe lors des derniers JO à Tokyo. Et malgré tout, force est de reconnaître qu’un joueur comme Joel Embiid apporterait une dimension supplémentaire à l’intérieur.
Plus haut, plus fort, plus gourmand, Embiid changerait nécessairement la direction de l’attaque, obligeant toute l’équipe à approvisionner plus régulièrement le pivot sans attendre forcément une passe en retour. Ce que Gobert n’a jamais prétendu faire, accaparer le ballon, deviendrait une priorité. Un point de fixation à haut rendement, voire de domination, qui réduirait dans un premier temps les possibilités à l’extérieur, mais obligerait aussi la défense adverse à respecter le secteur intérieur français et à s’y opposer davantage, ouvrant à terme des espaces plus importants aux ailes. Plus de points dans la raquette, plus de rebonds, une attaque plus efficace, avec un rendement minimum garanti à chaque match. Un véritable choc culturel qui pourrait installer la France au sommet du basket européen, et même mondial, pendant 10 ans.
Une superstar timide mais clutch
La sélection française est arrivée en demi-finale de l’EuroBasket 2022 au prix de matches intenses et très disputés. Dans les moments importants, c’est bien Rudy Gobert qui a fait la différence avec des rebonds offensifs cruciaux et de paniers salvateurs, parfois au milieu de trois défenseurs adverses. Tout naturellement, son rendement est en augmentation à mesure que le niveau monte (20 points et 17 rebonds en 30 minutes en huitième de finale contre la Turquie puis 19 points et 14 rebonds en 34 minutes en quart de finale contre l’Italie, le tout à 15/22 aux shoots, 68% de réussite, 4 passes décisives pour 7 balles perdues). Un joueur capable du meilleur comme du pire (6 balles perdues face à la Bosnie-Herzégovine qui avait parfaitement ciblé sa prise à deux et neutralisé ses moves ballon en main), qui peut être gêné par les fautes, notamment celles provoquées par des adversaires coquins abusant les arbitres, selon la méthode espagnole bien rodée (on a vu des joueurs se jeter sur Gobert, rebondir, tomber au sol façon football, et obtenir une faute offensive). Cible de critiques de toutes parts (notamment la sortie inattendue de Tracy McGrady dans le podcast de Gilbert Arenas) qui peinent à reconnaître le travail accompli, en veulent toujours plus, le pivot français trace calmement sa route et vise l’or à cet EuroBasket et au Jeux Olympiques de Paris en 2024.
THE STIFLE TOWER 🗼🇫🇷@rudygobert27 went off for 19 PTS and 14 REB, as France 🇫🇷 advanced to the EuroBasket 2022 Semi-Finals!#EuroBasket x #BringTheNoise pic.twitter.com/LqPK8lLKRh
— #EuroBasket 2022 (@EuroBasket) September 14, 2022