Naissance d’une légende
Drazen Petrovic voit le jour en 1964 dans une petite ville de Croatie. C’est dans les rues de cette ville qu’il débute le basketball, en suivant les pas de son frère Aleksandar, 5 ans plus âgé et future joueur pro. A 11 ans il rejoint le club local de Sibenik et il est immédiatement surclassé avec des joueurs ayant 3 ans de plus que lui. Equipe qui participe déjà au championnat régional contre des adultes…imaginez l’écart sur le terrain !
En 1979 Sibenik est promu en première division, et Drazen a déjà tapé dans l’oeil du nouvel entraineur. Il n’a que 15 ans mais on l’intègre en équipe première, pas vraiment pour le faire jouer, mais plutôt pour le faire progresser. Il impressionne le coach Slavnic à l’entrainement, bien que celui-ci soit champion olympique, au poste de meneur avec la Yougoslavie. Drazen ne fait que quelques apparitions sur le terrain, mais le diamant Petrovic est bel et bien repéré…
La saison suivante, Drazen a 16 ans, du temps de jeu en tant que meneur ou arrière, et des statistiques encore discrètes. Peu importe, il travaille dur, ses progrès se voient, et la confiance du staff est là. A tel point que lors de la saison 1981/1982, un nouvel entraineur arrive mais Petrovic a toujours la confiance, et même encore plus. Le coach choisit de lui confier la mène, le jugeant plus efficace balle en main qu’au poste d’arrière à attendre qu’on le serve. Il n’a que 17 ans et tourne à 16 points de moyenne en championnat! En coupe Korac, Sibenik s’illustre également et le continent découvre Petro. Drivée par Drazen, le petit club de sa ville natale sort la grande équipe de l’Etoile Rouge de Belgrade en demi, et rencontre le CSP Limoges en finale. Bien que collé par Richard Dacoury, Petrovic finit le match avec 19 points et 10 passes, mais ça ne suffira pas à l’emporter.
Nouvelle saison, nouveau coach, nouvelle ambiance. Impossible de nier le talent, mais Durovic pense que Petrovic a des lacunes physiques. En même temps à 18 ans, il a encore de quoi se développer, et c’est ce qu’il fera, avec un travail assidu comme à son habitude. Il garde la confiance à la mène et finit deuxième scoreur du championnat avec 25,6 points et porte l’équipe jusqu’en finale des playoffs. La finale est perdue sur forfait suite à une annulation de la victoire de Sibenik par la fédération. Le match final doit être rejoué mais Sibenik refuse, synonyme de défaite pour le club. En coupe Korac, nouvelle finale Sibenik-Limoges en 1983 et seconde victoire du CSP.
Après avoir passé l’été 1983 à l’Euro avec la sélection yougoslave pour sa première compétition internationale, c’est le moment du service militaire obligatoire. Petrovic est autorisé à continuer à s’entrainer, notamment une partie de la saison avec le Partizan Belgrade. C’est à cette période que toutes les portes s’ouvrent à lui: le Partizan, l’Etoile Rouge, le Cibona Zagreb où joue son frère…tous le veulent ! Même aux Etats-Unis on lui propose du haut de ses 19 ans d’intégrer la fac de Notre-Dame où le coach a déjà repéré le potentiel du jeune croate.
A l’aube de la saison 1984-1985, Petrovic choisit le Cibona Zagreb pour 4 ans et 1200 dollars par mois et quelques avantages. Pas mal tout de même à 20 ans dans les années 80. Dès sa première saison il s’impose comme meneur titulaire du grand Cibona, en concurrence avec le grand frère tant copié par le passé. Une saison régulière à 32 points par match, et place aux playoffs. Le Cibona élimine le Partizan en demi avec 51 points de Petro, puis l’Etoile Rouge de Belgrade en finale, pour un doublé coupe-championnat. Sur la scène européenne, le Cibona participe à l’actuelle euroligue et atteint la finale contre le Real de Madrid. Drazen marque ce soir là 36 points, et Zagreb sort vainqueur de cette rencontre, cette fois le titre européen n’échappe pas à Petrovic! Présent avec la sélection yougoslave à l’Euro 85, Drazen finit meilleur marqueur de la compétition.
Place à la saison 1985-86, où Drazen Petrovic éclabousse la Yougoslavie, l’Europe, le monde même, de son talent. Le 5 octobre 1985 se déroule un simple match de début de saison qui marquera pourtant l’histoire. Drazen approche de ses 21 ans quand le Cibona Zagreb affronte l’Olimpija Ljubjana qui aligne des jeunes suite à un problème administratif. Ce soir là Petrovic est à 22 sur 22 aux lancers francs, 10 sur 20 à 3 points, 30 sur 40 à 2 points….faites le calcul… 112 points marqués ! Le talent, l’audace, et aucune pitié envers ses jeunes adversaires, toute la panoplie est déroulée ce soir là! La salle n’est pas pleine, les spectateurs présents ce soir là doivent encore le raconter à leurs enfants!
D’un point de vue collectif, nouvelle victoire européenne en finale contre le Zalgiris Kaunas d’Arvydas Sabonis après avoir aligné les matchs à plus de 40 points tout au long de la compétition. En Yougoslavie la finale se joue contre Zadar, et le Cibona perd en trois matchs, d’un point après prolongation lors de la dernière manche. Sur le plan international, la Yougoslavie est de retour avec une médaille de bronze aux championnats du monde, portée par un Petrovic MVP du tournoi et par le jeune Vlade Divac.
Vers un exil du Roi
Drazen Petrovic est drafté en 1986 par les Portland TrailBlazers, choix n° 60. Dans un contexte très réglementé, il obtient de la fédération Yougoslave l’autorisation de signer à l’étranger après les JO de Séoul 88, et donc de rester encore deux saisons au Cibona.
Lors de la saison 86/87 Petrovic prend un agent espagnol, et cherche des contacts en Espagne, notamment vers le Real ou le Barça. Il plante 47 points face à Barcelone, et en profite pour s’y montrer. Mais ayant des doutes sur son comportement, Barcelone ne propose rien à Petro, contrairement au Real qui offre un contrat solide au jeune croate. Le deal se fait, et le meneur signe un contrat qui doit prendre effet deux ans plus tard!
Retour au championnant ou émergent maintenant les talents de Divac et Kukoc entre autres. Saison parfaite pour le Cibona qui reste invaincu en saison régulière, grâce notamment aux 37 points de moyenne de son leader offensif! Malgré cela, l’équipe s’arrête en demi finales. Mais elle se rattrape sur le terrain européen, remportant la coupe des coupes.
La saison suivante est du même acabit. Un Petro à 37 points de moyenne, et une défaite en demi-finales, mais une coupe de Yougoslavie gagnée. En Europe le Cibona joue cette fois la coupe Korac et rencontre le Real de Madrid en finale. Pas de pitié pour son futur employeur, victoire en deux manches avec 47 points de Petrovic au match retour.
En quatre saisons à Zagreb, Drazen aura marqué près de 38 points par match en Yougoslavie, et presque 34 en Europe! Mais le temps est venu de passer aux choses sérieuses et de montrer que sa réussite ne se limite pas à sa Croatie natale, mais qu’au contraire rien ne peut l’arrêter.
En 1988 Drazen Petrovic débarque à Madrid en star: contrat grassement payé, voiture, appartement, sponsors et club déroulent le tapis rouge au prodige croate. Tout cela après les JO de Séoul, où il mène la Yougoslavie en finale pour une défaite contre l’URSS.
En championnat, Petrovic tourne à 28 points par match et mène le Real en finale contre Barcelone. Lors du cinquième match décisif, l’arbitre expulse les joueurs du Real les uns après les autres, à tel point qu’ils finiront la partie à 4 ! Barcelone s’impose dans ce match tendu à l’arbitrage controversé. En Europe le Real dispute la coupe des coupes et arrive aussi en finale, avec un match d’anthologie de Petrovic face à Caserte et son emblématique brésilien, Oscar Schmidt. Victoire en prolongation du Real avec 62 points de Drazen contre 44 du scoreur brésilien.
A l’euro 1989 qui se joue en Yougoslavie, Petro mène les Divac, Kukoc et autres vers la victoire finale. Avec de grosses performances dont 28 points et 12 passes en finale, Petrovic est logiquement élu MVP du tournoi, à domicile.
Du côté du Real on reproche beaucoup à Pétrovic son individualisme, l’ambiance dans l’équipe n’est pas géniale mais lui a déjà la tête ailleurs. Certains observateurs, dès le début de saison, sentaient chez Petrovic un manque de volonté de s’intégrer au groupe, comme s’il n’était que de passage. Et effectivement, bien qu’ayant signé un contrat de quatre ans Drazen Petrovic s’envole dès la fin de saison, direction la NBA et les Blazers de Portland.
En 1986 Portland a drafté les deux plus grands joueurs européens du moment, à savoir Drazen Petrovic et Arvydas Sabonis. Darazen est le premier des deux à rejoindre le club de l’Oregon en 1989. Encore sous contrat au Real, l’arrivée de Petrovic à Portland n’était pas gagnée. Le litige finira au tribunal et Petrovic est finalement autorisé à franchir l’Atlantique, moyennant un paiement de plus d’un million de dollars au Real ainsi qu’une priorité à Madrid en cas de retour du joueur en Europe.
A Portland, Clyde Drexler et Terry Porter sont bien en place et le coach confie à Drazen un rôle d’arrière shooteur, pas encore titulaire et plus du tout en terrain conquis, il n’a pas son mot à dire. Il grapille du temps de jeu au fur et à mesure de la saison et profite d’une absence de Drexler pour faire une petite pointe à 22 points par exemple. Il finit la saison à 7,6 points de moyenne, très loin de ses habitudes au scoring mais tout de même correct tenant compte de ses 12 minutes jouées par match. Premier joueur européen à participer à des finales NBA, il ne se fait pas remarquer face à la défense des Bad Boys de Detroit et les Pistons remportent le titre.
Retour en équipe nationale pour le mondial 1990 en Argentine. En demi-finale il marque 31 points en 31 minutes dans la victoire face aux américains, petite revanche sur la saison. La Yougoslavie remporte la finale contre l’URSS qui joue sans ses lituaniens dont le pays s’est déclaré indépendant. D’ailleurs les tensions entre croates et serbes se sentent aussi côté yougoslave, notamment quand Divac jette un drapeau croate brandi par un supporter. Petrovic prendra d’ailleurs la décision de ne pas partciper à l’euro 91, et la brouille avec Vlade Divac sera définitive.
Après cet échec en finale, les Blazers se renforcent, avec notamment l’arrivée de Danny Ainge, qui fait reculer Petrovic un peu plus vers le bout du banc. Toujours mis en doute sur ses qualités défensives, Drazen n’est pas non plus un bon complément à Ainge, lui aussi moins à l’aise en défense. Et Petro bouillone, lui qu’on a surnommé Mozart ramasse les miettes en NBA. Il le fait savoir au club, qui ne veut rien entendre. Lors d’une large victoire contre les Nuggets, Petrovic ne joue que les dernières minutes du match, comme un jeune qu’on ferait jouer une fois le match déjà en poche. C’en est trop pour lui, il craque devant un journaliste. Il déclare qu’il veut être échangé, qu’on ne lui laisse pas assez sa chance à Portland (7 minutes cette saison!). Sa décision est prise, soit il est échangé, soit il retourne en Yougoslavie! Bien évidemment ça ne plait pas à la franchise, qui le sanctionne. De son côté Petro ne met pas sa menace à éxecution et ronge son frein sur le banc jusqu’en janvier.
Janvier 1991, un fauve remis en liberté
En janvier 1991, dans un échange à 3 comme savent le faire les franchises NBA, Petrovic prend la direction des New Jersey Nets. Sous la direction du coach Fitch, Drazen qui est en manque de rythme travaille dur. La situation tendue en Yougoslavie le préoccupe aussi, mais au moins aux Nets il se sent soutenu, hors du terrain comme sur le parquet où on le fait jouer une vingtaine de minutes par match, avec un record à 27 points réussi peu de temps après son arrivée, et 12 points de moyenne sur ses matchs aux Nets.
En fin de saison, toujours encouragé par les Nets, il passe une grande partie de l’été à travailler son physique pour gagner en vitesse et en explosivité, ce qui lui manque à ce moment là en NBA.
Le début de saison 91/92 est plutôt mauvais pour les Nets, mais suite au départ du meneur titulaire, voilà Drazen Petrovic dans le 5 majeur! Et ça durera toute la saison, 82 matchs dans le cinq! On ne parle plus des 7 minutes par match des Blazers, ici Mozart reprend le rythme. Meilleur défensivement, de retour aux affaires offensivement (20,6 points), il se permet de montrer ses talents de trash-talker sur les parquets NBA. Effet Petrovic ou pas, en tous cas les moribonds Nets se retrouvent en phase finale!
Contre les Cavs au premier tour, Steve Kerr prend Petrovic en charge, mais celui-ci finira le premier match avec 40 points. Auteur d’une bonne série d’un point de vue personnel, Drazen ne peut empêcher Cleveland de passer en 4 matchs. Cette saison est une renaissance, une revanche même, la NBA le prend enfin au sérieux!
Après ce renouveau en NBA, c’est un renouveau également international avec la paricipation aux JO de Barcelone sous les couleurs de la Croatie. Premier capitaine de la sélection nouvellement créée. Vainqueurs de tous leurs matchs au premier tour, sauf contre la Dream Team où Petrovic marque tout de même 19 points. La finale se joue de nouveau entre les croates et les stars US. Sept points de retard à la mi-temps, mais 32 d’écart au final, ça reste la plus petite victoire américaine de ces JO, avec 24 points du leader croate.
Chuck Daly qui sort des JO avec la dream team prend en charge les Nets. Les Nets gagnent, Petrovic confirme son talent mais , bluff ou pas, il annonce avoir des offres de clubs européens pour les rejoindre à l’issue de sa dernière année de contrat.
Joueur de la semaine dans le courant du mois de novembre, il enchaine les performance jusqu’à un record de 44 points lors d’un match de janvier dont 25 dans le dernier quart! Petrovic pourrait être le premier européen au All-Star game…mais non, il n’y est pas et en est très déçu. Aucun joueur des Nets n’y sera d’ailleurs, malgré leurs bons résultats.
Une blessure au genou lui fait manquer 12 matchs, et les Nets sentent passer son absence. Revenu rapidement mais jamais à son meilleur niveau physiquement, Petrovic finit tout de même à 22,3 points de moyenne sur la saison et dans la All NBA 3rd team. Fatigué, il joue tant bien que mal le premier tour des playoffs, mais le Nets sont une nouvelle fois sortis par Cleveland. Une nouvelle fois Drazen annonce qu’il va retourner en Europe, le manque de reconnaissance, les négociations pour renouveler son contrat pèsent dans sa décision, sachant que de l’autre côté de l’Atlantique on lui déroule le tapis rouge.
En fin de saison Petrovic bien qu’amoindri physiquement rejoint la sélection croate. Impossible pour lui de se reposer, tant cette sélection représente beaucoup pour lui. En juin 1993 il participe au tournoi de qualification pour l’Euro, avec une défaite en finale contre la Slovénie malgré ses 30 points marqués.
A la fin de ce tournoi, la sélection croate s’envole pour Zagreb avec escale à Francfort. Petrovic, qui s’est disputé avec Dino Radja lors du dernier match, décide de rester à Francfort. Pendant que sa compagne conduit vers Munich, Drazen se repose, sans ceinture de sécurité. En fin de journée, par temps d’orage, un camion perd le contrôle et la voiture où se trouve Petrovic le prend de plein fouet. A 28 ans, Drazen Petrovic perd la vie sur une autoroute allemande…
Il est enterré le 11 juin à Zagreb. Les hommages pleuvent, les autorités croates, les instances de la NBA David Stern en tête, le monde du basket dans son ensemble, Michael Jordan lui même, tous sont sous le choc. Demandez à Goran Dragic si plus de 20 ans après l’émotion a disparu…
Dès le mois de novembre, les Nets retirent son maillot. En 1995 une stèle est érigée à son honneur au musée olympique de Lausanne. Intronisé au Hall of Fame NBA puis FIBA, un musée lui est consacré à Zagreb.