Après une préparation ambitieuse cet été, l’Équipe de France masculine de basket a six jours pour réussir son entrée en lice face au Brésil, une équipe surprise victorieuse haut la main du Tournoi de Qualification Olympique face à la Lettonie qui jouait à domicile. Un premier match piège, tout comme les 6 rencontres nécessaires pour remporter une médaille olympique. C’est simple, si la France veut briller sur son terrain lors de ces Olympiades, il faut jouer juste et gagner dès le début de la compétition. Plus d’hésitations, plus de trous d’air, une rotation serrée et des joueurs condamnés à l’exploit. Une petite chance de réussite, certes, mais également toutes les conditions réunies pour un possible désastre devant le public français. Bienvenue dans l’aventure délicate du tournoi olympique FIBA de Paris 2024, l’un des plus relevés de l’Histoire, dont la formule est clairement expéditive. Six victoires ou la honte.
Que retenir de la préparation ?
À la différence des éditions précédentes, à part la Turquie assez faible (qui s’est présentée à Rouen sans ses joueurs NBA), les Bleus ont rencontré le gratin du basket mondial lors de cette préparation devant un public français nombreux et enthousiaste (du 3 au 21 juillet 2024 dans plusieurs villes de France), mais également inquiet devant les performances contrastées de son équipe et les choix du staff technique pas toujours compris ou lisibles. Rappelons que les matches de préparation servent de laboratoire en conditions très proches du réel, ce qui permet d’essayer de nombreuses combinaisons sans pression, puisque le résultat des matches n’a aucun impact sur la compétition à venir. Bien entendu, et on l’a toujours dit, on préfère gagner ces matches et on ne se lance jamais dans un match avec l’objectif de le perdre (d’après Rudy Gobert). Mais on ne cherchera pas non plus à mettre toutes les chances de son côté si cela interfère avec les tests prévus et le développement de certains joueurs, notamment ceux qui sont promis à un temps de jeu réduit par la suite. On ne met donc pas en avant les cadres dont on connait déjà les capacités, on préfère tester les nouveaux et des configurations plus osées et fragiles que ce qu’on se permet en compétition officielle. On prend des risques, on se donne le droit à l’erreur, et surtout on évite de jouer les évidences – celles dont on abusera en compétition. C’est pourquoi on ne voit jamais un même joueur tenter plusieurs fois la même action – on ne joue pas spécialement sur Gobert à l’intérieur, ou sur Wemby au poste haut, pour profiter d’un vis-à-vis favorable et prendre un avantage au score, comme on le ferait en compétition. On fait tourner le ballon et on varie les séquences de jeu, on cherche des nouvelles solutions. Enfin, on cache son jeu; on essaie d’avancer sans trop donner aux adversaires directs et à ceux qui analysent les rencontres à distance trop d’indices sur la stratégie et les capacités de l’équipe en vue de la compétition. Vincent Collet l’a dit, face à l’Allemagne, il s’agit un peu de poker menteur en préparation, car on ne veut pas dévoiler toutes ses cartes et ainsi faciliter le travail du staff technique adverse. Et contre le Canada, rencontré à la fois en match officiel et en match d’entrainement dans la même semaine à Orléans, on a un peu transgressé ce principe, pour la bonne cause – nous aussi, nous avons pu en apprendre un peu plus sur l’adversaire et se tester dans des conditions intéressantes (seuls les canadiens et les français savent ce qui s’est passé dans cette rencontre à huis-clos, dont seulement quelques images ont fuité).
Une première phase éliminatoire à Lille
Comme lors de la Coupe du Monde 2023, la phase de poules est réduite, la compétition démarre donc très fort et chaque match a son importance. Plus on gagne de rencontres, plus on maîtrise son destin. Si on commence à perdre des matches, le maintien en compétition devient contingent à la défaite des concurrents. Et de toutes façons, si on perd dès le début, c’est qu’on n’est pas vraiment en situation de viser une médaille, la difficulté augmentant avec les phases finales. Dans un groupe où ne figurent ni les Serbes, ni les Américains, ni les Canadiens, on est plutôt veinards. Des trois équipes que l’on va rencontrer, le Japon est traditionnellement le plus jouable, même si aucun match n’est jamais gagné à l’avance; l’Allemagne, que l’on rencontre en troisième, est championne du Monde en titre; et le Brésil, avec qui l’Équipe de France inaugure la compétition olympique, est une équipe dangereuse qui a brillamment gagné sa place pour ce tournoi olympique, éliminant au passage une équipe lettone qui nous avait battus en Coupe du Monde l’an dernier lors d’un match décisif pour les deux pays. C’est donc une équipe tout à fait capable de renverser le pays organisateur d’entrée de jeu, un adversaire à prendre très au sérieux.
Un triomphe en trois actes… ou une sortie anticipée
Une fois arrivées à Paris, les équipes qualifiées auront potentiellement trois matches à disputer pour tenter de décrocher l’or: un quart de finale le 6 août, une demi-finale le 8 août puis la finale (ou petite finale) le 10 août. Si elle parvient à se qualifier, et selon le tirage, la France peut retrouver des équipes rencontrées en préparation (Allemagne, Serbie, Canada ou Australie) ou des nouvelles (USA, Soudan du Sud, Grèce), mais toutes de très haut niveau. Par exemple, Team USA, le rival des Jeux de Tokyo (2020 joués en 2021), se présente avec un visage nouveau et beaucoup de questions. Ce sera donc une découverte pour les Bleus, qui ne les auront pas joués ni en préparation, ni en phase de poules à Lille. Pour mémoire, aux JO précédents, la France avait battu Team USA en phase de poule avant de s’incliner en finale. Mais c’était sans Lebron James, Anthony Davis et Stephen Curry.
Un match pour se révéler
Lorsque l’Équipe de France entrera sur le terrain contre le Brésil dans le Stade Pierre Mauroy, elle devra montrer un tout autre visage que celui aperçu lors de la préparation. En compétition, la rotation sera réduite, les cadres seront activés pour de bon, ils devront prendre leurs responsabilités et être impactants dès le début de la rencontre. On attend donc beaucoup du cinq majeur, et pas seulement de Victor Wembanyama, mais avant tout d’Evan Fournier, le meilleur attaquant français sur le papier qui rêve de triompher en Bleu depuis toujours, et encore plus depuis ses déboires avec les Knicks de New York; Rudy Gobert, qui a confirmé cette saison avec Minnesota, et doit absolument s’imposer dans la raquette FIBA; Nicolas Batum, l’homme en forme qui a su rebondir après son échange à Philadelphie en début de saison. Ce cinq majeur risque de jouer de longues minutes. Il faudra donc éviter les fautes et les pertes de balles, être efficace dès le premier quart-temps en attaque et intraitable en défense sur l’ensemble du match. Si l’Équipe de France joue son jeu, elle peut battre n’importe qui. En revanche, si elle se met à douter, se permet des trous d’air en attaque, ne parvient pas à alterner intérieur et extérieur, se laisse repousser physiquement et abuse du tir à trois points, la compétition sera courte pour les Bleus. Selon les termes du coach Vincent Collet, on aura peut-être une opportunité de gagner – malgré l’écrasante domination des États-Unis en compétition internationale, malgré le niveau de la concurrence (Serbie, Canada, Allemagne…). Reste à savoir si l’Équipe aujourd’hui réunie (pas les non-sélectionnés que tout le monde réclame, pas les naturalisables qui ont finalement fait défaut ou été recalés comme Mike James, pas les expatriés non-sélectionnables comme Thomas Heurtel) saura saisir cette chance. Objectif? L’or, évidemment…