À la manière d’une cassette vidéo ou audio, Clutch Time rembobine l’histoire de la balle orange et vous replonge dans les moments les plus marquants de ce sport, d’hier à aujourd’hui.
Cette semaine, notre escapade temporelle nous ramène en 1994 et les finales NBA qui opposent en cette saison post Threepeat des Bulls de Jordan, les Knicks de New York aux Rockets de Houston.
Saison 1993-94 et l’ère Post-Jordan
Nouvelle saison pour une nouvelle ère en NBA. Michael Jordan vient d’annoncer sa retraite (la première) des parquets début octobre à un mois seulement du début de la saison régulière. Suite au décès tragique de son père, assassiné au mois de juillet, Jordan semble résigné et explique son choix par la perte de motivation et d’envie de jouer au basket ou de gagner de nouveaux titres, préférant se tourner vers le baseball et envisageant une potentielle reconversion professionnelle pour honorer la mémoire de son défunt père. C’est la stupeur aux États-Unis après l’annonce de la retraite du numéro 23 des Bulls qui quitte la ligue par la très grande porte, couronné de trois bagues de champion, ainsi que six titres de MVP de saison régulière et des Finales, laissant derrière lui un trône vacant pour lequel de nombreux prétendants vont s’écharper pour lui succéder.
Alors qu’une page de la dynastie des Bulls se tourne, plusieurs franchises voient en cette nouvelle saison, l’occasion rêvée d’aller chercher un titre après trois ans de disette. Depuis la fin des années 80, marquées par la rivalité bouffante entre Celtics et Lakers et qui s’est achevée par le doublé des Pistons, un certains nombre d’équipe commençaient à s’impatienter de ne rien gagner, du fait de l’hégémonie des Bulls. Parmi ces équipes, plusieurs grands noms de la ligue furent les victimes fréquentes de sa majesté. De Dominique Wilkins à Charles Barkley, en passant par Clyde Drexler ou encore Patrick Ewing, tous se sont heurtés une fois au moins à cette Everest qu’était Chicago en Playoffs. Il en est un en particulier qui garde en travers de la gorge ces duels perdus face aux Bulls, un certain Patrick Ewing.
Sous les couleurs des Knicks de New York, le pivot sept fois All-Star reste sur trois éliminations successives face à Chicago en postseason, la dernière en date en finale de Conférence 1993, alors que les Knicks disposaient du meilleur bilan en régulière (60-22). Inutile de vous dire que la franchise new-yorkaise voit d’un très bon oeil le départ inattendu de la star des Bulls, grandement responsable des malheurs des Knicks ces dernières années. Voilà enfin une occasion rêvée de ramener un titre au Madison Square Garden, dont la vitrine à trophées prend la poussière depuis vingt ans et le dernier sacre des Knicks (1973). Pat Riley, à la tête des Knicks depuis 1991 peut enfin tenter de conjurer le sort et conforter le choix d’Ernie Grunfeld (GM), en remportant un nouveau titre NBA, depuis son doublé en 87 et 88 avec les Lakers.
New York Knicks cuvée 1994
Après le temps des déceptions, les Knicks cherchent néanmoins à reprendre du poil de la bête. À l’exception de la signature d’Anthony Bonner (ex-Kings), arrivé libre début octobre, et d’un trade avec les Mavs de Dallas pour attirer le meneur Derek Harper au mois de janvier, Coach Riley compte toujours sur son ossature habituelle, de la paire d’intérieurs Oakley-Barkley au backcourt Anthony-Starks en passant par Anthony Mason, New York mise sur l’expérience et la continuité d’un roster, finaliste en titre de la conférence Est et désormais grandissime favori devant les Chicago Bulls.
Après un exercice en régulière réussi (57-25), New York termine en tête des bilans à l’Est (ex-aequo avec les Hawks de Wilkins) après notamment un mois de mars exemplaire (quinze victoires de suite) mais surtout une défense exceptionnelle (91.5 points encaissés en moyenne, premier ratio défensif de la saison). Derrière ce bilan abouti, plusieurs joueurs se mettent en évidence, à l’image du Big Pat, All-Star pour la huitième fois et leader des Knicks avec près 24 points, 11 rebonds et 3 contres par match. John Starks, All-Star cette année-là également, s’illustre avec sa meilleure moyenne en carrière (19pts, 6ast et 3rbd) mais verra sa saison écourtée de deux mois en raison d’une opération du genou. Toutefois cela n’aura aucune incidence sur la saison des Knicks et sur les chances de voir les hommes de Pat Riley briller en Playoffs.
De nouveau au complet durant les phases finales, Ewing et sa bande vont répondre aux attentes en atteignant leur objectif, au terme d’une campagne de playoffs à l’Est qui vaudra le détour. Hormis le premier tour et une victoire logique face aux Nets, les Knicks vont devoir batailler jusqu’au bout des sept matchs, d’abord face à des Bulls toujours en vie grâce à Scottie Pippen, avant de conclure tant bien que mal face aux Pacers de Reggie Miller, bourreau en devenir des Knicks. Pour la première fois depuis 21 ans, Pat Riley ramène les Knicks sur le toit de la Conférence Est, rejoignant en finale les Houston Rockets du MVP de la saison Hakeem Olajuwon pour y jouer le titre. Après une attente interminable pour Patrick Ewing (9 saisons) et Hakeem Olajuwon (10 saisons) il s’agit de la première opportunité de remporter un titre pour l’un ou l’autre.
Des finales qui tiennent leurs promesses
Dans cette affiche exceptionnelle, Houston part avec un avantage sur le plan de la fraîcheur. Après un premier puis un second tour identiques avec celui des Knicks, les Rockets n’ont eu besoin que de cinq matchs pour se défaire du Jazz en finale de conférence. En arrivant plus reposer, les Rockets comptent également sur l’avantage du terrain acquis en saison régulière (58-24, 2ème à l’Ouest derrière les Seattle Supersonics). Le jeu des texans repose en très grande partie sur son pivot américano-nigérian, qui réalise son meilleur exercice depuis plus de cinq ans. Avec 29 points, 11 rebonds, 4 passes et 4 contres par match en playoffs, le grand Hakeem est plus en forme que jamais pour aller décrocher une première bague et confirmer son titre de MVP de l’année.
La série est très serrée et les défenses prennent le pas sur l’attaque. New York parvient à arracher le game 2 (91-83) au Summit de Houston mais les Rockets rééquilibrent très vite la situation dès le game 3 (93-89) au MSG. Dans le format de l’époque New York remporte les matchs 4 et 5 à domicile et mène alors 3-2 dans la série avant de potentiellement terminer le travail à l’extérieur. Le game 6 sera irrespirable, les Rockets égalisant dans la série (86-84) après un contre décisif d’Olajuwon (30-10-4) sur un John Starks alors en pleine démonstration (27-8) sur un shoot à trois point décisif qui aurait pu offrir le titre aux siens. Les Knicks ne le savent pas encore mais cette action demeurera comme le tournant de ces finales.
Un Blow Out complet au Game 7
John Starks sur la lancée de sa saison, enchaîne les prestations convaincantes en playoffs, dans un rôle d’underdog en défense qui plaît énormément au public du MSG et en tant que seconde solution offensive des Knicks derrière Ewing. Avec près de 15 points et 5 passes par matchs en playoffs, l’arrière porte l’attaque des Knicks depuis le début des finales face à Houston (20 points de moyenne) et représente une menace supplémentaire pour les Rockets et Tomjanovich qui n’imaginaient pas devoir mettre en place une stratégie défensive sur le numéro 3 new-yorkais. Lors de ce match décisif, tout le monde garde en mémoire le contre d’Hakeem sur Starks offrant l’égalisation aux texans. On se dit alors que la confiance a changé de camps et que les Rockets, au mental, doivent conclure à domicile.
Dès le premier 1/4 temps, les Knicks prennent le bouillon en défense face au jeu rapide et les contre-attaques des Rockets. Starks provoque une faute après avoir attaqué le cercle et rentre ses deux premiers lancers. En retard défensivement dès les premières minutes, il permet à son vis-à-vis, Vernon Maxwell d’inscrire deux paniers primés permettant aux Rockets de se détacher. Discret en attaque et mis à l’écart du jeu des Knicks pendant une dizaine de minutes, Starks prend un tir raté en sortie d’écran à quelques secondes de la fin du quart. Menés (22-21), les Knicks souffrent par leur manque d’adresse.
L’arrière entame mieux le second 1/4 temps. En captant un rebond sur un tir manqué de S. Cassell, Starks envoi une bonne passe en transition sur Anthony Mason qui marque. New York reste un run de 10-2 (à cheval entre le 1er et 2ème quart) mais se met à la faute à plusieurs reprises, offrant la possibilité aux Rockets de repasser devant. Cassell à plusieurs reprise punit les Knicks d’un John Starks qui se laisse déborder défensivement. Après un contre de Olajuwon sur Ewing, Starks n’a toujours rien tenté, il prend sa troisième faute et sort alors qu’il reste encore six minutes à jouer dans le quart.
Dès le début du 3ème quart, Starks dégaine à longue distance un tir qui s’écrase sur le coin de l’arceau. Il hésite, se débarrasse du ballon et reste encore en retrait pendant de longues minutes, au bout desquelles l’arrière présente un affreux ratio de 1 sur 6 au tir. Après un nouveau tir à 3pts manqué, les Knicks se retrouvent menés 59-53. Frustré par sa prestation, le joueur perd peu à peu sa lucidité et se prend un énorme contre d’Olajuwon (le deuxième après le game 6) suivi dans la foulée d’un jumper de Maxwell sur la même tête de Starks, désabusé. Avec une minute à jouer les Knicks sont au bord du précipice.
Après un temps-mort demandé par Pat Riley, les Knicks doivent réagir à l’image d’un Patrick Ewing, dominé par son vis-à-vis Olajuwon et alors que les Knicks restent sur une affreuse série de neuf tirs manqués sur leurs dix dernières tentatives. Après un tir primé de Harper, le premier des Knicks depuis le début de la rencontre, les troupes de Riley reviennent à trois longueurs (58-61) à moins d’une minute de la fin. Les Rockets perdent la possession suivante et les Knicks se retrouvent de nouveau dans la possibilité d’égaliser ou de recoller à un point ce que Oakley concrétise d’un shoot mi-distance dans le corner (60-61). Olajuwon inscrit néanmoins un nouveau panier, le quatrième dans ce quart-temps et maintient l’avance des Rockets (63-60).
Le 1/4 quart-temps s’annonce désormais décisif. Alors que Starks est parvenu à inscrire plus de dix points sur les trois derniers matchs dans le dernier quart-temps, tout reste possible pour Ewing & co. pas encore distancés à moins d’un quart d’heure de la fin du match. Dès le début du 4ème quart, John Starks commet une nouvelle faute, la quatrième sur Cassell. Après une remise en jeu perdue par les Knicks sur une passe d’Oakley pour Starks, suivie d’une nouvelle faute, les Knicks entament de la plus mauvaise manière possible le quart-temps (62-69) après moins d’une minute de jeu. Ewing maintient son équipe à flot mais plusieurs pertes de balles successives réduisent progressivement les espoirs new-yorkais.
John Starks provoque une faute sur une pénétration dans la raquette et un tir à nouveau contré par le grand Hakeem. Il rentre ses deux lancers mais rate dans la foulée deux nouveaux tirs à trois points ouverts après deux bons écrans. Après une passe décisive pour un trois points d’Anthony, les Rockets mènent 74-71 après six minutes de jeu. Gros point noir dans cette finale, Stark vendange et après deux nouveaux tirs manqués derrière l’arc, l’arrière affiche un affreux 1 sur 13 alors que les Rockets en remettent une couche (78-71). Starks rentre finalement un lay-up sur un rebond offensif à trois minutes du terme.
La fin de match se termine malheureusement comme elle a commencé pour les Knicks. Après une mauvaise défense de Starks sur Vernon Maxwell, seul à trois point, les Rockets prennent une avance trop importante (83-75). Starks prend sa cinquième faute et surtout quatre derniers tirs ratés et rend une feuille de match horrible à 2 sur 18 dont 0 sur 11 à longue distance. Les Knicks n’inscriront que trois paniers durant les six dernières minutes du match, dont deux tirs primés de Harper et Davis dans les quinze dernières secondes…
Au sortir de ces finales complètement folles, les Knicks pourront avoir de gros regrets. À la fois au niveau offensif et défensif dans le jeu, New York était parvenu durant les six premières manches à tenir des Rockets en grande difficulté, qui éprouvaient toute les peines du monde à retrouver leur jeu fluide et dynamique en saison régulière. Il aura fallu moins d’une heure et un match décisif complètement raté, avec un John Starks, performant jusqu’alors, qui passera totalement au travers, pour voir les Knicks s’auto-détruire alors qu’ils étaient si proche d’un sacre.
Cette défaite n’est évidemment pas que de la faute de l’arrière new-yorkais, Pat Riley aurait du anticiper le blow out dès la 1ère mi-temps et adapter le jeu des Knicks en conséquence. Par ailleurs que ce soit Patrick Ewing, en difficulté face à Olajuwon ou Charles Oakley exclut pour une sixième faute perso, les cadres de la franchise n’ont guère été à la hauteur des attentes pour un match aussi important, qui plus est à l’extérieur. L’histoire retiendra néanmoins que ce soir-là, devant près de 16 700 spectateurs, le futur Sixième homme de la saison (1997) va exploser en plein vol entraînant dans sa chute ses coéquipiers et les espoirs de toute la Big Apple de ramener un titre.